La Pérouse , sur la côte algéroise.
et AIN-TAYA, SUFFREN, SURCOUF, JEAN BART
Fêtes nautiques au centre Siroco : dans le sillage de Jean-Bart
Algeria et l'Afrique du nord illustrée, revue mensuelle, sept-oct 1942, n°16.Édition de l'Office Algérien d'Action Économique et Touristique (OFALAC), 26 bd Carnot ou 40-42, rue d'Isly, Alger
mise sur site le 20-11-2005

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-L'amiral Ollive arrive sur le quai de Lapérouse
-L'amiral Ollive arrive sur le quai de Lapérouse.

----------L'amiral Ollive arrive sur le quai de Lapérouse. Il est entouré de M. Stephan, administrateur général ; M. Traub, chef des Chantiers de la Marine ; M. Van Eck, chef des Chantiers de Jeunesse en Algérie.

----------L'ACCUEIL enthousiaste réservé par le public, en 1941, aux fêtes nautiques des Chantiers de la Jeunesse Marine de Matifou a engagé les Chefs du Centre Siroco à les renouveler cette année à pareille époque en élargissant et perfectionnant toutefois leur formule.
----------Voilà qui est très bien, ont-ils estimé, de cultiver la santé et la force des hommes, de développer leur intelligence et leurs connaissances maritimes, encore faut-il, c'est le point capital, qu'ils les mettent sans hésitation au service d'une même mystique et d'une cause supérieure.
----------Cette pensée, évidente a priori, n'est pas aussi facile à réaliser qu'on pourrait le croire. La tournure furieusement égoïste de l'esprit français y met un frein sérieux, même chez les plus avertis. Nous citerons à l'appui de cette opinion la remarque déjà ancienne d'un professeur d'une de nos grandes écoles. Il avait constaté, en le déplorant, que ses élèves ne prêtaient aucune attention aux idées générales, à la mystique qui crée pour tous un plan directeur unique. Pourquoi donc ? l'auteur ne le dit pas, mais on sait qu'il n'en était tenu aucun compte. dans les examens ni dans l'avancement. Et cela suffit à tout expliquer : nos meilleurs écoliers, cédant à une émulation justifiée et à la mécanique du système, considéraient que la technique était " rentable " mais que les principes ne l'étaient pas. Les événements ont cependant de ces manières plutôt brutales de .remettre quelquefois les valeurs en place, qui ne devraient pas s'oublier ! En ce moment pouvons nous douter d'une autorité et d'une hiérarchie spirituelles intangibles fondées sur des millénaires d'expérience ? Nous laisserons à nos lecteurs le soin d'en juger, en leur rappelant toutefois que jamais en France l'instruction n'a été aussi vulgarisée, l'intelligence n'a joui d'autant de liberté et de prérogatives,
autant dire de dévergondage, que depuis cinquante ans.
Nous en connaissons le piètre résultat.

*****

----------Revenons a nos fêtes nautiques dont nous ne nous sommes pas tellement écartés car le propre des idées est de suivre l'homme partout où il se trouve, aussi bien en mer, qu'en l'air, que sur terre.
----------Nous aurions voulu dégager le sens profond que les instructeurs du Centre Siroco dirigés par le Chef Théréné, ont mis, avec quel coeur et quel travail patient, dans ces manifestations. sous le couvert de passionnantes luttes sportives.
----------Mais un homme éminent l'a fait très brillamment. N'ayant pas la pensée de l'égaler, nous préférons tout simplement rappeler son discours. Il a tiré ses arguments de la veillée du samedi soir, inspirée de notre histoire, plus que des jeux nautiques qui révélaient la discipline et le bel état physique des jeunes gens des Centres de la Marine.
----------Les premières prières de la messe en plein air du dimanche matin avaient été dites. Monseigneur Bressoles, aumônier général des Chantiers de la Marine, montant alors sur l'estrade improvisée, prononça une remarquable allocution devant la foule des invités, des jeunes massés en carré et de leurs Chefs. Derrière l'autel se dressait le mât où les couleurs avaient été hissées quelques instants plus tôt.
Monseigneur Bressoles a d'abord exprimé l'émotion qu'il a éprouvée, en arrivant de Paris, à comparer la situation des jeunes en Algérie et en zone occupée. Là-bas, toute réunion est interdite et punie sévèrement. " Nous n'avons pas la liberté, tel était le sens de ses paroles, de les instruire de leurs devoirs. Ils sont livrés à eux-mêmes. Ici il vous est permis de vous rassembler, d'exalter en commun vos sentiments patriotiques, de communier avec ferveur dans un même idéal, une même foi sous la direction de Chefs qui accomplissent auprès de vous un véritable apostolat.
----------Cela voyez-vous est une grande consolation.
----------Vous avez pu et vous avez eu raison de rappeler hier au soir dans une veillée, quelques pages de l'histoire de notre Marine et de grouper autour d'un sujet central, Jean Bart, les figures expressives de ces marins de Bretagne ou d'ailleurs, qui livrèrent sous les enseignes de France de sanglants combats ! Vous ne pouviez mieux faire que de donner comme modèle de sacrifice celui d'Hervé de Portzmoguer et de ses hommes, crochetant " le Régent " qui avait incendié leur vieille " Cordelière " et le faisant sauter non loin du goulet de Brest.
"
----------En effet, la veille, un sosie de Jean Bart, sur des tréteaux dressés en bordure dela plage avec comme toile de fond les feux d'Alger, avait raconté à ses gars la fin héroïque de la "Roberge" à bord de laquelle, le 10 août 1512, moururent avec l'équipage trois cents invités, hommes, femmes et enfants, surpris un par un appareillage inattendu. Et, le récit fini : nos jeunes des Chantiers déguisés en corsaires, torse nu, avaient repris en chœur la fameuse chanson qui fit entrer le fait d'armes dans la légende
----------Pendant que nous faisons le guet
----------Parlons un peu de Primauguet...
----------Qui commandait " La Cordelière ",
----------La frégate armée à Morlaix
----------Pour faire la chasse aux Anglais.

----------Le failli chien nous fit venir,
----------Fit force voiles pour s'enfuir.
----------Hervé, le gagnant de vitesse,
----------Dit : " la mer sera mon linceul !
----------Mais je n'y veux pas coucher seul. "
----------Et l'abordant par son tribord
----------II foutit la flamme à son bord...

----------Et pour corser l'illusion, deux embarcations, toutes voiles dehors, avaient simulé le combat et les incendies au moyen de feux de Bengale.
----------" Que de modèles de vaillance s'écria encore l'aumônier général, on pourrait citer après Prumauguet. La Méditerranée n'en a pas manqué, à ne retenir que le Chevalier Paul et le bailli de Suffren. "
----------" Vous eûtes raison encore, d'évoquer nos morts en un tableau saisissant qui fit surgir du fond de la rade d'Alger en grappes serrées leurs silhouettes floues, ceux de jadis mêlés à ceux de la grande guerre, puis ceux des derniers combats : Dunkerque, Mers-el-Kebir, Dakar, Beyrouth, Madagascar. Leur souvenir et leur culte, pieusement conservés dans vos coeurs, est le sûr garant de l'avenir. S'il a suffi un jour, de crier : " debout les morts " pour relever les énergies, il faut maintenant crier : " debout les vivants ". Il vous incombe la rude tâche de redresser les erreurs commises et de conduire notre pays vers de nouvelles destinées. Vous vous appuierez sur le passé, il a façonné son caractère, et. sur la chrétienté qui a forgé notre civilisation, et dont, qu'ils le veuillent ou non, tous les Français subissent l'influence. "
----------Et voilà, nous permettons-nous d'ajouter, l'idée directrice, jeunes gens, la mystique qui commandera à votre intelligence et à vos forces.

**

----------La veillée, à laquelle les Chantiers de la Jeunesse apportèrent l'appoint de leur musique se termina en apothéose. Soudain, les notes de la Marseilllaise rompirent le silence et le pavillon national apparut seul en pleine mer, sous le feu des projecteurs, suspendu à la voûte du ciel, tandis que cinq canots se détachaient de la plage pour converger vers lui, et, arrivés à le toucher, le saluaient en mâtant ensemble leurs avirons.

La journée de dimanche a terminé en beauté cette semaine de sport
-La journée de dimanche a terminé en beauté cette semaine de sport qui vit s'affronter sur l'eau les équipiers des Chantiers de Jeunesse de la Métropole et de l'Algérie

----------La journée de dimanche a terminé en beauté cette semaine de sport qui vit s'affronter sur l'eau les équipiers des Chantiers de Jeunesse de la Métropole et de l'Algérie.
----------Les compétitions furent suivies par un nombreux public, si nombreux que les tribunes prévues pour le recevoir se trouvèrent trop petites. Notons que l'organisation était parfaite en tous points, et que, la qualité du spectacle et la sympathie aidant, ce fut un gros succès, qu'il faut tout entier attribuer au Chef du Centre Siroco et à des collaborateurs prévenants et infatigables. Tout dévouésà leur tâche, ils la poursuivent avec une ardeur dont nous avons apprécié les résultats : ils nous ont montré une splendide jeunesse rivalisant d'ordre et d'entrain, fière de porter les couleurs de la Marine.
----------Le centre Siroco avait aussi fait appel à des éléments civils pour les Championnats de natation de grand fond et pour les régates à la voile. Les yachtmen, les équipages de bateaux de commerce, les nageurs d'Alger prêtèrent avec joie leur concours, si bien que, grâce à une ordonnance parfaite du programme, l'intérêt du spectacle, décalé sur plusieurs plans, ne se démentit pas un seul instant.
----------En fin d'après-midi eut lieu la distribution des récompenses. L'amiral Ollive, commandant les Forces maritimes du Sud, avait tenu à les offrir lui-même aux vainqueurs. Il était accompagné du capitaine de corvette Spitz de son Etat-Major et entouré de plusieurs personnalités : M. Stephan, administrateur général de l'Inscription Maritime ; M. Van Heck, commissaire régional des Chantiers de la Jeunesse; Monseigneur Bressolles ; M. Rabaud, délégué de la Jeunesse ; le Colonel commandant le 19e Gmnie ; Capitaines de vaisseau Tanguy et Adam ; M. Merz, représentant le Commissariat général de Chatelguyon ; MM. de Fredaigue, Feyeux et Pouzadoux, commissaires régionaux ; M. Clévenot, chef de la Section Alger Ville de la L.F.C. ; M. Célerier, président de la Ligue Maritime ; M. Montagné, chef de la Section Marine de la Légion française des Combattants.

M. D.