sur site le 12/12/2002
-Alger, ma ville
Après ce dur exil, c'est à peine si j'ose
Te dire Alger ma ville : nous sommes en osmose.
Pardon, pardon ma "Blanche" de t'avoir investie.
Architecte un peu fou, par la foi investi

Texte de Étienne Pierre, pnha n°72, octobre 1996

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Après ce dur exil, c'est à peine si j'ose
Te dire Alger ma ville : nous sommes en osmose.
Pardon, pardon ma "Blanche" de t'avoir investie.
Architecte un peu fou, par la foi investi
Les vaisseaux de mon corps, à l'ancre de ma jetée
Sont les navires de ton port, face à l'Amirauté.
Mes veines et mes veinules sont tes rues, tes ruelles,
Je les sens battre, sourdes, vivantes, perpétuelles.
Arago, Berthelot, Chartres, Pasteur, Batandier
Des centaines à coup sûr, désormais répudiées.
Mes artères sont Isly, Baudin, Lyon, Camot
D'autres et d'autres encore. Le sang de mes canaux
Irrigue banlieues, quartiers : la Marine, Champ de manoeuvre,
Ben Aknoun et Kouba, Basseta, le chef-d'oeuvre !
Le cœur de Bab-el-Oued, dans mon cœur s'interroge
Le temps a-t-il cessé à l'heure des trois horloges ?
Tes jardins sont présents en tatouages internes
Je m'y promène souvent, nostalgique l'âme en berne.
Pourtant le Frais Vallon, Nelson, Laferrière
Resplendissent toujours écrasés de lumière.
Le sable de tes plages granule sous ma peau
Et je l'entends crisser quand je suis en repos
La Pérouse, Matifou, Zéralda, Pointe Pescade
Le bain étant prétexte de la moindre escapade
Pour un peuple joyeux, coloré, animé
Doré par ce soleil qu'il a tant et tant aimé.
Mes côtes sont les tiennes, est-ce une métempsycose ?
La mer est mon humeur, j'y perçois toutes choses.
Sereine, alanguie caressant tes rivages
Emue au souvenir de ces douces images
Violente et déchaînée ivre blasphématoire
Battant mes flancs pour flageller l'histoire
J'ai gardé tes senteurs, de la menthe à l'anis
Elles s'exhalent par mes pores que nulle effluve dénie
Et puis il y a les sons dont mes oreilles bourdonnent
Les rires, les pataquès, les surnoms que l'on donne
"Se taper la Kémia, " ac" les escargots"
"Descendre en bas le port. Vas de là falampo !"
Folklore d'un peuple, original lexique
Enfoui dans ma mémoire comme une pieuse relique.
Des clichés infinis de la vie d'autrefois
Tapissent mes arcades, mon subconscient fait foi.
"L'Harrach et son marché, Fort-de-l'Eau ses brochettes
La casbah ses bordels, Rue Michelet la Cafète
La pêcherie ses poissons, Rovigo ses tournants
Bal-el-Oued ses nuits chaudes, la loubia chez Fernand.
Mingasson, Télémly, le Stade et la Piscine
Le duc d'Aumale et Bugeaud, El-Biar les Glycines
Saint-Eugène, le cimetière, Belcourt, l'Arsenal,
Baïnem la forêt, Mustapha l'Hôpital
Les chalutiers, les barques, les yoles du Sport Nautique
L'esplanade et bien sûr " Notre-Dame-d'Afrique"
J'arrête ma litanie et ferme mon théâtre
Je suis comme toi bâti, sur un amphithéâtre
Tu cernes par mes bras, la plus belle des baies
Vision du grand Départ sur ma rétine gravée.
Excuse-moi lecteur de cette hardiesse enragée
J'ai entr'ouvert mon coeur pour me parler d'Alger.

Etienne-Pierre