Nos villages d'Algérie : M'SILA en 1900
Texte de
Edgar Scotti †
extraits du numéro 141, mars 2013, de "l'Algérianiste", bulletin d'idées et d'information, avec l'autorisation de la direction actuelle de la revue "l'Algérianiste"
sur site aout 2021

13 Ko
retour
 
Il existe le PDF avec les reproductions en couleurs - 0,9 Mb- de l'article ci-après. Cliquer sur la petite image pour le visionner : m'sila

Créé en 313 de l'hégire soit en 926 de notre ère par Abou-el-Kacem-Ismaïl-ben Obeïd-Allah, le Fatimide, ce centre de la région du Hodna est cité par El-Bekri. Son fondateur, monté sur son cheval de bataille, y traça la place de M'Sila avec la pointe de sa lance. C'est Ali-ben-Hamdoun-el Djodhâm, surnommé le fils de l'Andalouse, qui fut chargé de bâtir la ville, de l'embellir et de la fortifier. Elle fut appelée Mohammédia, du prénom d'Abouel-Kacem.

Selon El-Bekri, M'Sila bâtie au bord de l'oued Seher, aujourd'hui oued Ksob, est entourée de deux murailles, entre lesquelles coule de l'eau vive
qui fait le tour de la place. On y récoltait du coton dont la qualité était excellente. Toujours selon E1-Bekri, tout y était à bas prix, la viande surtout était abondante. On y rencontrait des scorpions dont la piqûre était mortelle. M'Sila ayant été rasée en 1088, ses habitants furent transportés à Kalaâ. Une nouvelle population en releva les murs, qui furent abattus soixante ans plus tard par les Zenata. Reconstruite, M'Sila fut de nouveau saccagée par l'Hafside Abou-Yahia. Les Turcs y entretenaient une petite garnison.

M'Sila fut occupée pendant quelque temps par les Français en 1841.

En 1900, M'Sila était bien déchue de sa grandeur passée. Ses maisons construites en " toube ", un mélange de terre et de paille, se dressent avec leur teinte terreuse au-dessus des jardins et des vergers d'arbres fruitiers qui bordent le bas du mamelon.

Avant de pénétrer dans la ville, du côté de la rive droite, il y avait en 1900 un quartier entièrement neuf, composé d'une quinzaine de boutiques et d'un caravansérail. Plus bas, un moulin était actionné par l'eau d'une séguia. En suivant le lit de l'oued Ksob, on atteignait le haut de la berge de gauche, encore plus escarpée que celle qui lui fait face. Elle débouchait sur M'Sila avec ses rues tortueuses se terminant en cul-de-sac.

Dans la mosquée du saint patron de l'endroit, celle de Bou-Djemeleïn, une des dix-sept que comporte cette ville, se trouve la tombe du malheureux Naâman, bey de Constantine qui fut étranglé en ce lieu par ordre de son rival Tchakeur-bey. D'après M. E. Vayssettes, une rangée de briques sur chant compose le mausolée sur lequel on ne lit aucune épitaphe qui rappelle la mémoire du défunt.

Situées à 4 km de M'Sila, les ruines à ras de terre de Béchilga nous rappellent que les pierres de taille, colonnes et chapiteaux de cette ville romaine servirent à la construction des édifices publics et privés. Le plus curieux est l'inscription figurant sur une grange de l'ancien caïd Ben-Safar-el-Toumi, selon la version très controversée de M. A. Poulle, vérificateur du service des Domaines, elle indiquerait que Béchilga était " la nouvelle ville de Zabi la Justinienne " et qu'en conséquence M'Sila serait la capitale de cette région du Zab.

Implantée à 468 m d'altitude, sur le versant sud du djebel Maadid (1848 m), dans les monts de Bordj-Bou-Arréridj, l'oasis de M'Sila est située dans le bassin du Hodna. Cette lagune salée sans déversoir reçoit les eaux de plusieurs oueds issus de ce massif.

Administration municipale

En 1889, la commune mixte de M'Sila avait une population de 21 798 habi-tants dont 64 Français. En 1900, il y avait 35 052 personnes dont 186 Européens. En 1908, cette même commune mixte avait 45 392 habitants dont 378 Français. Elle s'étendait sur 392 255 ha sur les tribus et douars sui-vants qui en dépendaient: Khérabelha, Selmann, Had-el-Der, Saïda, Melouza, M'Cif, Ouled-Ghénaïm, Ouled-adi-G'bala, Koudiat-Ouitlen, Marabtin-d'el-Djorf, Ouled-Déhim, Ouled-Abdallah, Hadidan, Loudani, Ouled-Mansour, Mahdi, Dréat, Béni-Ilman, M'Tarfas, Ouled- Dann, M'Sila, Adi-Guébala.

Le centre de M'Sila accéda en 1897 au statut de commune de plein exercice, avec agrandissement en 1920.

- Administrateur: M. Bruguier-Roure; premier adjoint: M. Figelle; deuxième adjoint: M. Arnaud; secrétaire: M. Delacourt; secrétaires-adjoints: MM. Vullez et Moreau; khodja : M. Bekka Salah ben Sghir; architecte-voyer: M. Jullian, conducteur des Ponts et Chaussées; crieur-public: M. Abdel-Kader ben Lazerag; instituteur: Mme Bogicet avec, comme adjointe, Mme Modane; médecin de colonisation: Dr Franques, résidant à M'Sila; Postes et télégraphe : M. Raynal, receveur.

Artisans et commerçants

Situé sur une voie de passage entre les villes et villages du littoral et les ter-ritoires du sud, les voyageurs trouvaient à M'Sila les cafés-hôtels Lascret, Duhoux, Paty ainsi que l'hôtel Sellier. Ces établissements servaient, selon les saisons, une cuisine française composée en hiver notamment de plats de viandes ovines et bovines, de bonne qualité. Les fellahs descendaient de leurs douars pour faire moudre : blé dur, blé tendre et orge auprès de MM. Fournier et Sellier équipés de moulins à cylindres

Agriculteurs et céréaliculteurs

Dans une région exposée aux aléas climatiques, la céréaliculture offrait quelques possibilités en dépit de l'exiguïté des concessions et des rende-ments relativement faibles en raison d'une indispensable jachère qui ne permettait de semer qu'une année sur deux. MM. Farris, Ferrero, Fournier et Sellier cultivaient chacun une centaine d'hectares.

Une attention toute particulière était portée à la prévention des principales maladies des ovins et des bovins dont la fièvre aphteuse et la clavelée des ovins.

Cependant, en raison des difficultés du milieu, de nombreux agriculteurs se reconvertirent dans les transports et les services, alors que les enfants se dirigeaient vers d'autres études pour embrasser des carrières dans les grandes villes du littoral.

Pour éviter l'ensevelissement et l'oubli

Cette synthèse, certainement incomplète, permettra peut-être à ceux qui conservent encore des souvenirs sur les attaches familiales qui les relient encore à M'Sila, d'y trouver des réponses aux questions qu'ils peuvent légi-timement se poser sur les activités que leurs aïeux avaient dans ce village. Beaucoup ne pourront hélas pas y retrouver le nom de leurs ascendants. Ils pourront au moins partager avec d'autres un peu de l'état d'esprit de ceux qui comprenant et parlant la même langue que les fellahs des douars eurent le mérite de s'adapter à leurs rites et coutumes, capter leur confiance et s'intéresser à cette torride plaine du Hodna.

Nourrissant l'intelligence collective de ceux qui, sur les deux rives de la Méditerranée, connurent M'Sila, ils pourront combler les lacunes de cette note trop succincte en évitant l'appauvrissement et l'ensevelissement de sa mémoire dans le plus profond oubli.

oBibliographie

Guide Louis Piesse de 1889 pour l'Algérie et la Tunisie, Hachette et Cie Editions.
Guide Adolphe Joanne de 1908, Hachette Editions.
Annuaire général de l'Algérie et de la Tunisie, 1901.
La documentation personnelle de l'auteur.

Remerciements
L'auteur exprime sa profonde gratitude à toutes les personnes qui ont très aimablement contribué à compléter ses souvenirs et notamment à M. Théo Bruand, au D' Georges Duboucher, à Mme Faure-Astier et à M. Jacques Piollenc.