sur site le 22-04-2003
-À propos des événements de Margueritte
l'insurrection du 26 avril 1901
Document transmis par mr Georges Baroni
Certains des noms cités ci-dessous figurent dans le récit " l'homme qui va vers l'ouest".

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1901: l'insurrection de Margueritte
-----Ce petit village de colonisation s'est installé sur les pentes du Zaccar (un des points culminants du massif du Dahra), sur la route nationale reliant Alger à Oran, à 120 kilomètres d'Alger et à 10 kilomètres de Miliana.
-----Il fut créé vers 1885.
-----Ce lieu-dit s'appelait " Aïn-Turki " (La Fontaine des Turcs), en raison de la présence d'une source qui fut captée par les services du Génie militaire puis érigée en fontaine publique.
-----Margueritte est le nom du général qui commanda en Algérie la subdivision de Miliana et la brigade des ler et 3e Chasseurs d'Afrique avec laquelle il s'illustra au cours de la guerre de 1870.
-----Il était le père des deux écrivains Paul et Victor Margueritte, nés respectivement à Laghouat et Blida. Il fut tué à la bataille de Sedan, le 2 septembre 1870.

-----Parmi les premiers habitants de Margueritte, vers 1885, on relève les noms des familles suivantes, citées par ordre alphabétique : Anastase, Angelard, Bastien, Buret, Dudex, Gabanou, Garé, Gariot, Gauthier, Girardo , Goublet, Gravier, Guerre, Ienoudet, Lacaze, Lavigne, Martin, Motto, Paux, Renaud, Richard, Sirvent, Soulier, Vilard, Wiard, Ziegler, les noms soulignés correspondant aux premiers arrivés.

-----Mon grand-père s'est vu concéder 18 ha de " grosses broussailles et de rochers sur presque toute la superficie ".
(cf. procès verbal de " mise en possession et de constatation " du 28 décembre 1885.) Mon père, âgé alors de 25 ans, a assisté à l'insurrection du 21 avril 1901.

-----Ce jour-là, très tôt le matin, mon grand-père Victor s'était rendu à Miliana, à 10 kilomètres du village avec une voiture tirée par un cheval. Il s'était enveloppé d'un burnous blanc, car il faisait froid. Sur le chemin du retour il s'est trouvé pris dans l'émeute. Une balle lui traversa la cuisse. Son burnous en conserva la trace.

-----Tous les hommes du village furent faits prisonniers par les Arabes au nombre de deux à trois mille. Huit d'entre eux furent égorgés, y compris le facteur qui faisait sa tournée et qui refusa de crier " Allah Akbar ".

-----Les autres furent habillés de burnous et conduits vers un marabout qui se trouvait à 2 kilomètres du village pour y être immolés au nom d'Allah.
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-----Pendant ce temps, mon père avait enfermé sa mère et ses deux soeurs dans les cuves en ciment servant à faire le vin, installées dans la cave de la maison dont il avait barricadé la porte à coulisse.

-----Armé d'une simple hache, il entendait résister jusqu'au bout à la horde hurlante et gesticulante. Mais la porte finit par céder sous la poussée des assiégeants et il fut, à son tour, habillé d'un burnous pour aller rejoindre les autres prisonniers sur la route du marabout. Les Arabes ne trouvèrent pas les trois femmes de la maison.

-----Tous ces hommes n'eurent la vie sauve que grâce à la présence d'esprit d'un jeune garçon du village qui avait réussi à s'enfuir, à cheval, pour aller à Miliana donner l'alerte.

-----La troupe est arrivée quelques minutes à peine avant que les colons ne soient égorgés et mit les émeutiers en déroute près de la ferme Gravier-Martin. Elle fît même quelques prisonniers. Le procès des coupables eut lieu à Montpellier, en 1902.

-----Certains hommes du village dont mon père, y furent entendus comme témoins. Les accusés furent en général condamnés à 20 ans de prison et à la déportation à Cayenne. Beaucoup revinrent travailler avec les colons du village après avoir purgé leur peine.

-----Cette insurrection fut fomentée par le marabout Sid-Yacoub, de Vesoul Bénian, qui avait réussi à fanatiser des musulmans étrangers au village, en vue de renforcer son hégémonie sur les habitants des douars voisins.

-----Un monument en marbre blanc fut érigé au milieu du village, entre l'école et l'église, à la mémoire des victimes parmi lesquelles il faut noter un militaire arabe servant dans les troupes françaises. Ce monument a été détruit en 1962. Les restes des malheureux inhumés là et laissés sur place furent recueillis par MM. Bastien et Soulier qui les transportèrent au cimetière de Margueritte où ils furent à nouveau enterrés.

-----Il convient aussi de signaler l'attitude héroïque de l'institutrice du village, Mme Goublet, pendant cette révolte. Cette noble femme, courageuse et au verbe haut, interdit aux émeutiers l'entrée de sa classe remplie d'enfants du village, en se campant au milieu de la porte et en les menaçant de toutes les malédictions
du ciel s'ils touchaient à un seul cheveu de ses petits. Un moment hésitants, les émeutiers abandonnèrent l'école pour aller piller les maisons des alentours. Cette conduite exemplaire valut à Mme Goublet d'être décorée de la croix de la Légion d'honneur et d'avoir aussi les honneurs de l'Histoire de France, Ernest Lavisse ayant relaté l'événement. Cette femme, vénérée par plusieurs générations d'enfants du village, se retira, à sa retraite, à Vesoul-Bénian, à 12 kilomètres de Margueritte, où elle est enterrée au côté de son mari.

PAUL GARÉ