Opéra de mes jeunes années - Alger
La création de " ROCIO " à l'Opéra d'Alger
Maurice PÉREZ, compositeur algérien
et
Une création à l'Opéra d'Alger
ROÇIO
opéra du compositeur algérien Maunce Perez, obtient un éclatant succès

La prochaine création de Rocio, opéra de Maurice Pérez, à l'Opéra d'Alger, va replacer sur le plan de l'actualité locale, le nom de ce compositeur algérien.

Enfant de Mascara, Maurice Pérez est des nôtres et la jeune génération l'ignore sans doute.

C'est que ce charmant musicien ne défraye pas la chronique à tout propos et du moins ne fait-il parler de lui qu'en des circonstances qu'il juge valoir la peine.

Nous l'avons connu à ses débuts, alors qu'il sortait des mains de Jean Gallon, professeur d'harmonie, de contrepoint et de fugue, au Conservatoire national de Paris. Mélodiste né, il avait déjà composé ses célèbres Mélodies arabes sur des poèmes extraits du " Jardin des Caresses " de Franz Toussaint, qui avaient fortement attiré l'attention sur lui. Deux quatrains d'Omar Khayyam allaient compléter cette veine mélodique de caractère oriental que soutenaient les plus subtiles harmonies. Des poésies d'Albert Samain, d'Émile Verhaeren confirmèrent son inspiration créatrice et sa qualité de musicien vocal.

Les meilleurs artistes de l'époque dont le jeune compositeur était l'ami, en furent les interprètes Claire Croizat, Jane Bathori, Jane Montfavet, Germaine Féraldi, Ninon Vallin, le ténor Rogatchewsky. Encouragé, Maurice Pérez écrit de la musique de chambre religieuse et notamment un O Salutoris pour soli et chœur, chanté à Saint-Philippe du Roule à Paris et à Saint-Augustin à Alger.

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Echo d'Alger des 27-4 et 4-5-1952- Transmis par Francis Rambert

sur site : oct.2023

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La création de " ROCIO " à l'Opéra d'Alger
La création de " ROCIO " à l'Opéra d'Alger
Maurice PÉREZ, compositeur algérien

La prochaine création de Rocio, opéra de Maurice Pérez, à l'Opéra d'Alger, va replacer sur le plan de l'actualité locale, le nom de ce compositeur algérien.
Enfant de Mascara, Maurice Pérez est des nôtres et la jeune génération l'ignore
sans doute.
C'est que ce charmant musicien ne défraye pas la chronique à tout propos et du moins ne fait-il parler de lui qu'en des circonstances qu'il juge valoir la peine.
Nous l'avons connu à ses débuts, alors qu'il sortait des mains de Jean Gallon, professeur d'harmonie, de contrepoint et de fugue, au Conservatoire national de Paris. Mélodiste né, il avait déjà composé ses célèbres Mélodies arabes sur des poèmes extraits du " Jardin des Caresses " de Franz Toussaint, qui avaient fortement attiré l'attention sur lui. Deux quatrains d'Omar Khayyam allaient compléter cette veine mélodique de caractère oriental que soutenaient les plus subtiles harmonies. Des poésies d'Albert Samain, d'Émile Verhaeren confirmèrent son inspiration créatrice et sa qualité de musicien vocal.
Les meilleurs artistes de l'époque dont le jeune compositeur était l'ami, en furent les interprètes Claire Croizat, Jane Bathori, Jane Montfavet, Germaine Féraldi, Ninon Vallin, le ténor Rogatchewsky. Encouragé, Maurice Pérez écrit de la musique de
chambre religieuse et notamment un O Salutoris pour soli et chœur, chanté à Saint-Philippe du Roule à Paris et à Saint-Augustin à Alger.
Au moment du centenaire de l'Algérie française, il reçoit un premier Grand Prix de l'" Association des artistes africains " pour une symphonie Algéria qui est exécutée sous la direction du maître Francis Thibaud, au cours d'un grand festival.
Mais c'est vers le théâtre que se tourne délibérément le jeune compositeur algérien. L'Opéra-comique monte en 1934 son Tout-Ank-Amon qui fit grand bruit. Le directeur d'alors, P.-B. Gheusi s'exprime ainsi : " L'originalité, la fraîcheur de Pérez font certainement de lui le musicien du théâtre, que le théâtre lyrique attend depuis longtemps ". D'une manière générale, la partition par ses qualités musicales est dégagée d'un sujet qui, pour l'époque et le lieu où il était représenté, était jugé trop licencieux.
L'Opéra-comique en a bien vu d'autres depuis, et nous pensons aux Mamelles de Tirésias de Francis Poulenc.
Maurice Pérez ne s'en tiendra pas là. ll cherchera un nouveau sujet d'ouvrage lyrique et le trouvera dans celui dramatique de Rocio que lui présentera son ami, l'auteur bien connu, André de Badet. Rocio fut créé le 15 février 1949 au Théâtre municipal de
Mulhouse avec une distribution exceptionnelle : Mme Ninon Vallin dans le rôle de Rocio, Mme Renée Doria, de l'Opéra, le ténor André Séguin, de l'Opéra-comique, le baryton Jean Borthayre, de l'Opéra. Le succès fut éclatant.
Alger se devait, sans tarder, de rendre hommage au compositeur qui honore si grandement l'Algérie. M. Gustave Grangheon qui nous avait promis Rocio tient sa promesse. L'œuvre de Maurice Pérez sera créée sur notre scène municipale, samedi prochain 3 mai, en soirée.
Nous avons pu rencontrer Maurice Pérez venu s'installer à Alger pour veiller aux répétitions de cet important ouvrage.
Notre sympathique ami se déclare très satisfait des concours qu'il a trouvés sur place. D'abord en MM. Léandre Brouillac, directeur de la musique, et Georges Lanet, directeur de la scène ; ensuite de tous leurs collaborateurs de l'orchestre et du plateau.
Les maquettes des décors et des costumes, brossés et dessinés par M. José de Zainora, pour les représentations de Mulhouse, seront fidèlement reconstitués à Alger. Les danses de caractère ibérique et arabo-berbère sont l'objet des soins de Mme Mona Gaillard, maîtresse de ballet.
Deux des créateurs de Rocio seront là : Mme Renée Doria, l'exquise chanteuse légère,dans le rôle de la fille, et M. Jean Borthayre, le beau baryton de l'Opéra, dans celui de Gonzalo, tous deux connus et fort appréciés à Alger. C'est Mlle Georgette Camard, soprano dramatique de l'Opéra, qui chantera le rôle de Rocio, la mère, car il s'agit d'un conflit passionnel pour le même-homme entre une mère et sa fille. Le rôle du ténor sera tenu par M. Guy Montserra.
De sa musique, Maurice Pérez, a la pudeur de n'en point parler. Musicien méditerranéen, par excellence, il lui fut sans doute aisé de décrire les passions d'un tel conflit sentimental, d'en recréer l'atmosphère où il se déroule.
ll reconnaît seulement que l'œuvre de " caractère moderne reste directe et très mélodique ". A son sens, rien ne doit dans Rocio déconcerter les auditeurs algérois.
Interrogé sur ses projets, Maurice Pérez ne nous a pas caché son intention d'écrire une partition sur Le Simoun, cette pièce forte qui se situe dans le Sud algérien, de Henri Lenormand. Très beau sujet, en effet, et bien dans les cordes de ce musicien
algérien. D'autre part, un poème du colonel Furnari, président de " l'Algérienne " à Paris, sur le " Tombeau de la Chrétienne ", lui fournirait un sujet de ballet. Maurice Pérez est donc bien susceptible de produire des œuvres musicales essentiellement africaines et nous ne saurions trop l'y encourage
r.


La création de " ROCIO " à l'Opéra d'Alger
Une création à l'Opéra d'Alger
ROÇIO
opéra du compositeur algérien Maunce Perez, obtient un éclatant succès

Pour nous, Algérois, assujettis au répertoire traditionnel d'Opéra et d'Opéra-comique, nous aurons éprouvé une double joie, celle d'entendre une œuvre lyrique nouvelle, portant la marque de notre époque par les enrichissements de l'écriture, et le fait qu'elle soit d'un musicien essentiellement algérien.
Notre ami Maurice Pérez dont j'ai, il y a une semaine, rappelé la carrière, ne m'en voudra pas de rendre hommage, avant tout autre appréciation, à celui qui mena son œuvre au succès et dans un minimum de temps de préparation : M. Léandre Brouillac, directeur de l'orchestre municipal.
Cette partition nouvelle, importante, difficile d'exécution à l'orchestre comme sur le plateau, où tout était à apprendre, à régler, à mettre au point, M. Léandre Brouillac l'a assimilée d'emblée grâce â ses profondes connaissances musicales, son autorité de
chef et son énergique intervention. Le public ne s'est pas trompé et avant même de faire l'ovation méritée au compositeur, à ses interprètes, acclamait notre valeureux chef à chacune de ses apparitions au pupitre.
Ayant trouvé dans le livret de Rocío que lui présenta M. André de Badet, un sujet à sa mesure et répondant à ses aspirations de musicien de théâtre, Maurice Pérez aura enri chi le répertoire d'une partition authentiquement inspirée mais tenant compte des exigences de la scène. Le sujet offrait deux perspectives, le drame passionnel particulièrement douloureux entre une mère et sa fille, et l'atmosphère populaire dans lequel il se déroule. Partagé par des tendances diverses, le compositeur fit un choix rationnel : emprunt au folklore ibérique - l'action se passe aux îles Baléares - qui lui apportait couleur et rythmes dans les danses, les chœurs, certaines mélopées en manière de récitatifs. â l'orchestre comme thèmes générateurs, fort habilement incorporés dans une harmonisation riche et subtile, discrète ou éclatante, et un apport tout personnel dans la traduction des sentiments multiples qui agitent les quatre personnages du conflit. C'est là où la veine mélodique du compositeur nous apparut dans la jolie courbe de son dessin, toujours sincèrement expressive, d'un style élevé et sans autre concession que celle de servir des grandes voix de théâtre. A l'orchestre, nous trouvions la réplique d'une ambiance souvent pittoresque, parfois âpre, tendre ou douloureuse. et les pages créatrices de certains airs dévolus à chacun des héros, des colloques à deux, trois ou quatre voix et notamment la scène entre Rocio et Milagros â la fin du deuxième acte, qui a bouleversé toute la salle, donneront à l'œuvre de Maurice Pérez une place durable dans la production de ce temps.
Rocio était défendue par quatre interprètes de qualité. Deux faisaient partie de la création à Mulhouse en 1949, Mlle Renée Doria, Milagros la jeune fille, et M. Jean Borthayre, le douanier Gonzalo. Une nouvelle venue de l'Opéra de Paris, Mme Georgette Camart, chantait le rôle écrasant de Rocio. En découvrant ce personnage
pathétique, nous reconnaissions en cette jeune artiste, une tragédienne lyrique de grande classe. Douée d'un soprano lyrique de beau volume et de belle transparence, elle ajoutait un jeu d'une bouleversante humanité. Disons simplement qu'elle fut, et cela se devait, la triomphatrice de la soirée.
Au rôle de Milagros, Renée Doria confère grâce, coquetterie et farouche résolution, une voix de chanteuse légère que nous admirons et qui ne cesse d'évoluer vers le lyrique. Nous connaissons sa musicalité, son talent de comédienne. Elle eut à en faire preuve dans ce rôle aussi tendre que déclamé.
M, Jean Borthayre, un de nos plus beaux barytons actuels, dans un rôle de réserve et de mesure, eut surtout un duo avec Rocio au 2° acte et un fort bel air au dernier acte qu'il chanta avec style et émotion.
Un ténor encore inconnu de nous, M. Guy Montserra chanta Ramiro, le contrebandier, objet du drame. Rôle difficile, partagé, plein de feintes et d'hésitations que le jeune ténor au physique représentatif, a soutenu avec de beaux élans vocaux, notamment ou
deuxième acte.
Pour les danses de caractère arabo-berbère, Mme Mona Gaillard a bien su en dégager le style, créant un compromis valable pour un spectacle d'opéra. A M. Christian Claudel fort bien, et Mlle Marcelle Alvarez, fort belle, étaient réservées lignes et mouvements arabo-berbères ; à Mlle Muzard, les pas espagnols stylisés. L'ensemble des ballerines se partageaient les deux tendances. C'est peut-être ce fragment de la partition qui accuse une certaine faiblesse par rapport au reste dont j'ai dit l'élévation. Bizet, Chabrier, Ravel, en empruntant au folklore ibérique, ne l'auraient pas moins transcendé. Je pense que notre cher Maurice Pérez ne doit pas avoir moins d'ambitions. Si, à tort, il ne se croit pas l'un d'eux - on connaît son exquise modestie - il n'est pas, sûrement, M. Francis Lopez ou M. José Padilla, cela dit sans perfidie.
Dans des décors-maison, habilement agencés par M. Georges Lanet, pourvus de tous les arguments nécessaires et s'approchant, autant que cela se pouvait, de ceux conçus par M. José de Zamora pour la création, Rocio s'est déroulé å la satisfaction d'une
belle salle de grande première qui sut réagir à tout propos, prouvant qu'elle était directement touchée par l'œuvre sincère, éminemment lyrique du sympathique compositeur algérien.
Le rideau tombé, les interprètes reportèrent sur l'auteur et M. Léandre Brouillac, appelés sur scène, les acclamations unanimes d'une assistance vibrante, dont ils ne se sentaient plus l'objet.