Alger - l'Algérie
         BREVES MONOGRAPHIES COMMUNALES
Les six communes de la deuxième ceinture du Fahs
 o      OULED-FAYET

Texte, illustrations : Georges Bouchet

mise sur site le 24-3-2008
reprise ici le 7-9-2011

100 Ko
retour
 

o      OULED-FAYET

Historiquement ce centre de colonisation est un pur produit du plan Guyot de 1842 qui avait annoncé sa création. Il est effectivement fondé dès la fin de l'année 1842, comme annexe de la commune de Dély Ibrahim toute proche. Il est d'ailleurs situé dans le prolongement de la crête du Grand Vent qui, entre les deux villages, offre une vue panoramique sur les plaines et les vignobles de Chéragas, de La Trappe et de Staouéli. En 1848 le guide Quétin dénombrait 40 familles installées sur une éminence, avec belle vue

Guyot avait dit peu de choses sur ce futur village

Ouled Fayet est une ancienne ferme ruinée, au voisinage d'une assez belle source. Le sol en partie couvert de broussailles est défrichable et paraît fertile et propre à tous genres de culture, surtout à celles qui n'exigent pas une grande quantité d'eau.

Il semble que parmi les pionniers du village, dès les années 1840 , figurait la famille Camus, originaire de Bordeaux. C'est de cette lignée que descend notre prix Nobel de littérature de 1957, Albert Camus.
En 1852 naît à Ouled Fayet Marie Hortense Cormery
En 1873 Marie Hortense épouse à Ouled Fayet Baptiste Camus, futur grand-père d'Albert
En 1885 naît à Ouled Fayet Lucien Camus, futur père d'Albert

Si l'on se souvient que mademoiselle Sintès, maman d'Albert, est née à Birkhadem, on mesure la place du Sahel d'Alger dans la généalogie du futur prix Nobel qui, lui aussi, est né en Algérie, mais fort loin du Sahel, à Mondovi (Dréan), près de Bône, en 1913.

Ouled Fayet dut attendre 1888 pour échapper à la tutelle de Dély Ibrahim et devenir, à son tour, une CPE, commune de plein exercice.

Je n'ai rien trouvé de datable dans les ouvrages et articles parcourus, sinon la semaine tragique du 22 au 25 avril 1961, dans il sera question dans le supplément en fin de chapitre.

Le territoire communal

Cliquer sur l'image pour une meilleure lecture (130 ko)

ouled fayed

Le territoire communal

A l'évidence ce territoire est double. Au nord-ouest c'est une plaine, ou un plateau, de 120 à 150 mètres d'altitude ; ailleurs ce sont des alignements de collines séparées par de courts talwegs suffisamment encaissés pour être qualifiés de ravins. Ces collines ne dépassent 250m que dans le coin nord-est qui prolonge la zone du Grand Vent de Dély Ibrahim, où EGA avait installé son éolienne expérimentale. C'est dans cet espace dominant à la fois l'ouest et l'est du Sahel, qu'avaient été établis les émetteurs principaux de Radio-Alger.

Dans le paysage agricole, c'est la vigne qui domine presque partout, avec, dans la plaine, le même réseau dense de chemins d'exploitation que dans les communes voisines. La cave mentionnée au sud du village est une grande cave coopérative : sa présence souligne l'existence de nombreux colons modestes qui n'avaient pas les moyens de posséder les équipements nécessaires à la vinification et au stockage du vin.

La seule vraie exception à cette quasi monoculture de la vigne est, une fois encore, le coin nord-est du Grand Vent, consacré à des cultures céréalières à cause de ses sols argileux trop lourds.

Le village centre

C'est un village de crête, en position stratégique de surveillance de la plaine, et tout à côté de la route également stratégique d'Alger à Douéra qui fut la seule menant vers la Mitidja, jusqu'en 1845. Après cette date cette route fut abandonnée au profit de celle, plus commode et plus courte, passant par Birmandreis et Birkhadem.

Ce souci de défense, habituel à l'époque de la création des villages du Sahel, a laissé comme trace l'emplacement du château d'eau installé dans une ancienne tour de guet consolidée et adaptée.

Le relief du site, un dos de colline allongé, a écarté le plan carré et imposé un plan en rectangle très allongé, avec trois longues rues parallèles en pente douce, et presque aucune rue transversale. C'est presque un village-rue ; sans place centrale où placer la mairie, la poste et l'église.

La rue de la Mairie
La rue de la Mairie

Cette photo de la rue principale est antérieure au bitumage des chaussées. Elle a peut-être été prise bien avant 1900. Il n'y a pas de trottoir: Cela est étonnant car cette exigence de trottoirs aménagés et plantés d'arbres se retrouve dans la plupart des textes accompagnant la création des villages dans le Sahel, et partout ailleurs en Algérie. On souhaitait aussi, en 1842, que les maisons soient jointives, afin de permettre une défense collective plus facile. Toutes ces " anomalies " par rapport aux autres villages du même âge, font d'Ouled Fayet, un village de colonisation un peu atypique : le site n'explique pas tout.

La desserte du village

Elle était assurée par les autobus de la société Galiéro Joseph qui venaient d'Alger par El Biar et Dély Ibrahim.

Supplément sur la tragique illusion des 22-25 avril 1961

Le 22 avril quatre Généraux ayant eu de grandes responsabilités en Algérie, Challe, Jouhaud, Zeller et Salan, croient possible d'empêcher de Gaulle de poursuivre sa politique de désengagement en Algérie. L'histoire a qualifié cet épisode de " putsch des Généraux ".

En quoi Ouled Fayet est-il concerné ? En ce qu'il abritait les émetteurs de Radio Alger alors appelé France V. Ces émetteurs avaient été saisis à l'aube du samedi 22 avril par la 3è compagnie du 1er R.E.P. sous la conduite du capitaine Estoup. A cette occasion se produisit le seul décès du coup de force. Le sous-officier de garde s'était affolé et avait menacé de tirer sur les parachutistes qui envahissaient les installations. Un adjudant des paras l'avait pris de vitesse et l'avait tué. Le sergent s'appelait Brillant et l'adjudant Glubl.

Bien mauvais début pour une aventure qui se termina, au bout de quatre jours, par un parfait fiasco.

Le même jour les parachutistes d'Hélie de Saint Marc avaient pris le contrôle, à Alger, de la nouvelle Maison de la Radio. C'est un docteur es-sciences et spécialiste de géologie sous-marine, André Rossfelder, qui avait accepté de se charger des émissions. Il fut l'un des rares civils fourvoyés dans cette mésaventure à la demande du Colonel Lacheroy.

Je joins ci-dessous un extrait du premier communiqué diffusé à l'antenne avec la phrase de présentation de Rossfelder.

communiqué des généraux


Challe poursuivait en révélant le refus de de Gaulle d'accepter la reddition de Si Salah et des chefs de la wilaya 4, celle du Titteri avec Lakhdar, qui avaient été (mal) reçus par de Gaulle, à l'Elysée, le 10 juin 1960. C'est ce que l'on appelle désormais " l'affaire Si Salah ".

Je ne sais ce qu'est devenu, à Ouled Fayet, le capitaine Estoup, Le plus probable est que, comme à Alger, il y a eu un accord entre militaires mutins et gouvernementaux pour une transmission des pouvoirs et une relève des soldats sans conflit ; et sans avoir informé les civils compromis avec eux. C'est ainsi que Rossfelder s'est retrouvé piégé dans la Maison de la radio, abandonnée par les parachutistes, alors que les gendarmes mobiles et l'équipe de journalistes FLN des émissions en arabe remontaient l'escalier. C'est miracle qu'il ait pu s'enfuir par un ascenseur qui l'amena au sous-sol, et ensuite grâce à la complicité passive du policier kabyle qui l'a laissé franchir la porte de la cour, bien qu'il l'ait reconnu. André devait quitter l'Algérie au plus vite. Son beau-père prit le relais de la Providence en lui prenant une place sur un cargo commandé par un capitaine sûr qui le fit embarquer et débarquer à l'insu de l'équipage. A Marseille des amis de la famille, un peu surpris et un peu inquiets aussi, lui remirent quelques billets et l'adresse d'un petit hôtel ami à Nice. Le lendemain, aidé par l'encombrement des frontières à cause du festival de San Remo, André passa en Italie sans encombre malgré un passeport mal trafiqué. En poste restante il reçut de l'argent de son beau-père et le nom d'un contact possible à la F.A.O. à Rome. Le contact s'avéra fructueux : il fut engagé comme rédacteur au " Bulletin Bibliographique des Pêches " publié par la F.A.O. Voilà le proscrit d'hier devenu fonctionnaire international avec les avantages de ce statut privilégié.

Mais quelques mois plus tard son passé algérien le rattrapa et il comprit que la responsable des visas du Consulat de France à Rome allait lui tendre un piège à l'aéroport de New York. En utilisant deux passeports et en achetant deux billets d'avion, il déjoua le piège en passant par le Danemark et en débarquant en Californie, à San Diego, la veille du jour où il aurait dû arriver à New York. Aux Etats-Unis, André entama avec succès une seconde vie professionnelle et familiale. A Alger il avait participé à la confection de la première carte, avec notice descriptive, des fonds marins algérois ; à San Diego il devint un spécialiste reconnu de la géologie sous-marine du Pacifique nord.

Tout ce paragraphe a été nourri par l'autobiographie qu'André Rossfelder a fait paraître chez Gallimard en 2000 sous le titre " Le onzième commandement ". J'espère que le lecteur pas intéressé par cette vieille histoire, m'excusera d'avoir profité de l'émetteur de Radio Alger d'Ouled Fayet, pour rendre cet hommage à l'engagement, aussi courageux qu'inutile, d'un cousin par alliance de mon épouse.

Bien sûr il avait été condamné par contumace, d'abord à 20 ans de prison pour son rôle en avril 1961, puis à mort pour sa participation à l'attentat foireux du Mont Faron contre de Gaulle, le 15 août 1964. Il fut amnistié après les troubles de mai-juin 1968, lorsque de Gaulle sentit son pouvoir affaibli.