PERREGAUX
LE BARRAGE DE L'OUED FERGOUG
Texte issu , avec autorisation, de la revue n° 79 "A.F.N. Collections"
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sur site : mai 2014

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PERRÉGAUX
LE BARRAGE DE L'OUED FERGOUG

Il n'était pas envisagé de créer un centre de colonisation sans étudier au préalable le problème vital de l'eau, dans une région où l'été est synonyme de sécheresse.

Alimenté par l'Oued Fergoug, la plaine de l'Habra était constituée de terres marécageuses qu'il fallait assainir et irriguer. Cette opération s'inscrivait dans le cadre d'un projet gigantesque, insufflé par les premiers colons installés à Perrégaux.

Parmi les pionniers de 1863, on note un certain Dupré de Saint-Maur qui donna son nom au petit barrage situé au nord-ouest de Perrégaux. Cette même année, Monsieur Dupré de Saint-Maur, riche concessionnaire de la société de l'Habra, propose au conseil général la construction d'un barrage dans la plaine de l'Habra sur l'oued Fergoug. Le colonel Deligny, commandant la province, estime le projet peu urgent et inique. Dupré de Saint-Maur ne se décourage pas et ouvre une souscription dans l'écho d'Oran, afin de construire le barrage aux frais des volontaires. L'autorité militaire, s'estimant outragée, fit passer en justice l'instigateur du projet et l'imprimeur.

Monsieur Dupré de Saint-Maur était concessionnaire dans la société de l'Habra. Il était aussi propriétaire de 2 000 hectares à Harbal près d'Oran. "Je ne viens pas chercher fortune, affirmait-il, je viens ici risquer une fraction de la mienne. Il est digne de savoir exposer ses capitaux pour rendre productive une terre arrosée du sang de tant de Français ".

Enfin la construction du barrage débuta en 1865.

L'ouvrage construit de 1865 à 1871, était un barrage-poids en maçonnerie hydraulique de 316 mètres de long flanqué en rive droite d'un mur de 30 mètres faisant un angle de 120° avec l'ouvrage central, et en rive gauche d'un déversoir de 125 mètres de long faisant un angle de 35° avec le prolongement de l'axe du barrage. Le déversoir était fait de deux murs verticaux réunis par un glacis en pente ; sa crête était à 1,60 mètre en contrebas de la plate-forme du barrage. La hauteur au dessus du thalweg était de 35 mètres ; la hauteur totale au dessus du point le plus bas des fondations était de 43 mètres, la largeur maximum des fondations atteignait 33 mètres. La capacité totale de la cuvette était évaluée à 30 millions de mètres cubes. Le déversoir est un des éléments nécessaires d'un barrage réservoir ; son but est de servir à l'écoulement des eaux de crues lorsque le réservoir est plein. Il est construit en fonction du volume des grandes eaux. Sur l'Habra, le débit des crues était estimé entre 4 et 500 m3/s.

Le 10 mars 1872, une crue exceptionnelle estimée à 700 m3/s provoqua la rupture du déversoir en créant une brèche de 55 mètres de longueur sur 12 mètres de hauteur. Le débit d'eau sortant de la brèche fut évalué à 5 600 mètres cubes par seconde et plus de 200 000 m3 de déblais furent entraînés.

Il fut reconstruit sous forme d'un mur unique, profilé pour éviter les affouillements, basés sur de solides fondations après remplissage des excavations découvertes dans le rocher, et définitivement terminé en mai 1873.

Le 15 décembre 1881, le barrage cédait à nouveau. Une crue de 850m3/s emporta 125 mètres du barrage sur la rive droite. Deux cent cinquante personnes furent noyées, ponts, et maisons emportés par les flots déchaînés. La reconstruction du barrage dura deux années, de 1883 à 1885, avec modification du profil et coûta 1.300. 000 Fr.

Le barrage étant à nouveau détruit en cette fin d'année 1981, monsieur Louis Laurent, alors maire de Perrégaux et Monsieur Jules Duforest, conseiller général, obtiennent à Paris les fonds et l'assurance de la reconstruction du barrage.

LA RUPTURE DU BARRAGE EN 1927

Il avait plu toute la semaine et en ce vendredi 25 Novembre 1927, le niveau de l'eau ne cessait de monter obligeant les responsables du barrage à ouvrir les vannes d'évacuations à leur débit maximum. Cette opération ne suffit pas à diminuer la pression qui s'exerçait sur le barrage-poids. En 22 heures et 20 minutes, le plan d'eau s'éleva de 27m85 !

Le samedi matin, à 10h.45, le barrage de l'Oued Fergoug, de 32m de hauteur, se mettait à vibrer.

Soudain le barrage fléchissait dans son milieu, s'ouvrait, et une énorme trombe d'eau jaillissait au point de rupture.

Le barrage est rompu. Une brèche de 16m de hauteur sur 200 mètres de largeur, s'est formée au milieu du barrage. Une vague gigantesque se précipite vers Perrégaux emmenant avec elle les cinq à six mille mètres cubes de maçonnerie arrachés au barrage. Le débit de ce raz de marée terrestre atteint 2 500 mètres cubes à la seconde. L'Ingénieur subdivisionnaire Avargues put prévenir par téléphone le Maire de Perrégaux, Monsieur Pascal Serres, qui fit donner l'alarme. Les cloches de l'église Saint-Martin résonnaient sans cesse ainsi que le sifflet du dépôt de chemin de fer.

A Perrégaux, la population s'est réfugiée sur les hauteurs de la colline des planteurs, ou dans les étages des maisons qui lui paraissait être suffisamment solides pour résister à un tel cataclysme.

Enfin, trois quarts d'heure après l'annonce de la rupture du barrage, les flots torrentiels déferlaient dans les rues de Perrégaux, dans un vacarme assourdissant et angoissant.

La vague, puissante et dévastatrice, emporte sur son passage le pont métallique du chemin de fer ; au dépôt des chemins de fer de l'état, les locomotives et les wagons sont soulevés, renversés, transportés jusque dans les rues de la ville. Les routes sont coupées, les vergers arrachés, les récoltes anéanties. L'eau submerge et dégrade la route de Perrégaux-Oran.

Dans la ville, une cinquantaine de maisons n'ont pas résisté et se sont effondrées sous le choc et la poussée de cette force naturelle que l'on avait essayé de maîtriser. Dans les rues, la hauteur des eaux boueuses atteint deux mètres. Grâce à l'appel téléphonique de l'ingénieur du barrage, mais aussi du fait que la catastrophe se soit déroulée de jour, il n'y eut pas de victime à Perrégaux. On dénombra cependant quelques noyés dans la plaine, des indigènes essentiellement.

Dans la plaine, la vague a perdu de sa puissance et sa hauteur n'est plus que d'un mètre. Sa puissance s'est affaiblie en rencontrant sur son parcours différents obstacles : les routes et les voies de chemin de fer surélevées de Perrégaux à Mostaganem et à Sahouria, ont fait office de barrages tout au long de sa progression. Finalement le flot s'étale sur 20 km de largeur, couvrant la plaine de l'Habra d'une épaisse couche de limon. En ville, l'eau s'est retirée. La boue et la vase ont recouvert les rues, ont envahi les caves et les rez-de-chaussée dont les planchers se sont écroulés.

Les secours s'organisent. Le 32e bataillon du génie de Hussein-Dey, prévenu à 17 heures, envoie à Perrégaux, sur ordre du Général commandant le 19e corps d'armée, un détachement constitué d'un chef de bataillon, de trois officiers et de 150 hommes. Le 28 novembre, le détachement est rejoint par des télégraphistes et des sapeurs du 45e bataillon du génie. Le lendemain, le 29 novembre, la compagnie de pionniers du le Régiment Etranger arrive à Perrégaux et cantonne sur wagons.
La légion Etrangère et une compagnie du 15e Génie remettent en état la voie entre Perrégaux et Bou-Henni. Le Génie travaille à la remise en état de la gare de l'Etat.
Voie ferre de PERRÉGAUX rendant les Inondat:ons

Il pleut depuis huit jours en ce 30 décembre 1927 ; à Perrégaux, l'oued Habra coule à pleins bords. Le pont du chemin de fer menace d'être emporté d'un moment à l'autre. Par crainte d'une catastrophe, la compagnie P.L.M. a cessé dès le matin toute exploitation entre Perrégaux et Bou-Henni. Elle a en conséquence arrêté à 9h50, en gare de Bou- Henni, l'express Oran-Alger ;

Le 31 décembre une nouvelle crue enlève le pont mixte constitué de route et rail sur 55m de longueur et 15 m de large. Les télégraphistes rétablissent les communications, en particulier sur la ligne Perrégaux Mascara où elles sont coupées sur 2 Km.

Le 31 décembre, le barrage de St-Maur, à 2 Km en aval de Perrégaux, cède à son tour.

Dès le 31 décembre, on décide de construire sur l'Habra deux ponts distincts. A l'emplacement de l'ancien pont, on projette de construire 3 travées de pont Pigeaud, expédiées de métropole. Mais la rivière emporte une des deux culées du pont le 6 janvier 1928, puis l'autre le 26 janvier. La brèche atteint alors 370m.

Le pont portant le nom de Tesson, en béton armé, a tenu bon malgré une brèche de 16 mètres derrière la culée de la rive droite. En 10 jours, les sapeurs réalisent un pont sur pilotis, seul lien de communication terrestre avec Oran en attendant les ponts Pigeaud.

Le premier pont Pigeaud est construit 500 m en amont de l'ancien pont, sur une partie de l'oued dont la largeur est de 77 m. Les travaux débutent le 15 janvier et le premier pont est terminé le 23 mars 1928.

Le 29 mars 1928, le pont route construit sur l'Habra par le 32e bataillon est terminé et la compagnie PLM reprend l'exploitation de la ligne Alger-Oran avec transbordement à Perrégaux.

Quant aux Perrégaulois très éprouvés par ces graves catastrophes à répétition, l'heure était à la reconstruction et au nettoyage de la ville envasée par des tonnes de boue et de débris de toutes sortes.

Pour la petite histoire, dans les années 80, le barrage fut réaménagé par un entreprise d'un pays de l'Est.

Jean-Marc LABOULBENE

BIBLIOGRAPHIE :
GUIDE JOANNE - Itinéraire de l'Algérie par Louis Piesse- 1879 Site et monuments de l'Algérie - 1902
L'illustration N° 4423 du 10 décembre 1927