LE PORT D'ALGER est en cours de construction
Le Port d'Alger et son Histoire

Le Port d'Alger et son Histoire

Lorsque le voyageur arrive pour la première fois à Alger, il est surpris par l'étendue des quais et des bassins, le mouvement des navires et l'encombrement des terre-pleins couverts de marchandises de toutes sortes, et tandis que le bateau se hâte vers son mouillage, il ne peut cacher l'étonnement que lui cause une telle prospérité, un tel débordement d'activité et de vie dans une ville qu'il supposait à peine née au commerce et dont l'effort prodigieux est inconnu pour beaucoup.

Dans moins d'un siècle, la France a fait de sa conquête une cité magnifique d'un essor commercial tel que depuis longtemps déjà son port se classe, au point de vue tonnage, au deuxième rang parmi tous ceux de la Métropole. Et la transformation de ce qui fut en ce qui est, se trouve si considérable qu'elle serait incroyable si l'Histoire n'était là pour nous la confirmer. Il nous a donc paru intéressant, avant d'aborder l'étude du port actuel, de décrire sommairement les origines d'Alger et son existence à travers les siècles jusqu'à nos jours. Ces notes historiques feront mieux comprendre combien fut grande, dans un espace de quatre-vingt-trois ans à peine, l'action française sur cette côte autrefois sauvage, inhospitalière et redoutée.

Hercule, nous disent les légendes, parcourant les rivages de l'Afrique dans sa marche vers l'Océan, fut séduit par le charme de ce coin de terre, s'y reposa et le nomma, avant son départ, Icosium, en souvenir des vingt fidèles compagnons qu'il y laissait dans le but de construire un refuge et un lieu de repos (Icosium, du grec vingt). Puis le silence se fait autour de la cité naissante qui, ainsi que les peuples heureux, n'a pas d'histoire. Les Carthaginois la découvrent et devinent de suite l'importance qu'elle peut avoir dans leurs transactions. Elle fait dès lors partie, nous dit Seylax (navigateur et géographe grec du temps de Darius 1er, 500 ans avant Jésus-Christ), dans son Périple de la Méditerranée, des trois cents établissements ou comptoirs coloniaux qu'ils ont semés sur les côtes d'Afrique, depuis la Syrie voisine des Hespérides jusqu'aux colonnes d'Hercule.

La chute de Carthage cause sa ruine. Icosium végète, oubliée au milieu des querelles qui s'élèvent entre les différents généraux romains. Sa vie disparaît jusqu'à l'arrivée de César. Vainqueur de Caton, de Scipion et de leur allié, le numide Juba, César réorganise toute l'Afrique du Nord. Il réunit la Numidie au domaine de Rome et lui laisse un gouvernement particulier avec les rois Bocchus et Bagud, qu'il place sous la direction du rapace prêteur Salluste. A la mort de ces deux rois, survenue trente-deux ans avant Jésus-Christ, leurs états reviennent au peuple romain et ne forment bientôt plus qu'un royaume qu'Auguste confie à Juba II.

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Afrique illustrée du 14-6-1931 - Adressé par Francis Rambert
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Le Port d'Alger et son Histoire

Le Port d'Alger et son Histoire

Lorsque le voyageur arrive pour la première fois à Alger, il est surpris par l'étendue des quais et des bassins, le mouvement des navires et l'encombrement des terre-pleins couverts de marchandises de toutes sortes, et tandis que le bateau se hâte vers son mouillage, il ne peut cacher l'étonnement que lui cause une telle prospérité, un tel débordement d'activité et de vie dans une ville qu'il supposait à peine née au commerce et dont l'effort prodigieux est inconnu pour beaucoup.

Dans moins d'un siècle, la France a fait de sa conquête une cité magnifique d'un essor commercial tel que depuis longtemps déjà son port se classe, au point de vue tonnage, au deuxième rang parmi tous ceux de la Métropole. Et la transformation de ce qui fut en ce qui est, se trouve si considérable qu'elle serait incroyable si l'Histoire n'était là pour nous la confirmer. Il nous a donc paru intéressant, avant d'aborder l'étude du port actuel, de décrire sommairement les origines d'Alger et son existence à travers les siècles jusqu'à nos jours. Ces notes historiques feront mieux comprendre combien fut grande, dans un espace de quatre-vingt-trois ans à peine, l'action française sur cette côte autrefois sauvage, inhospitalière et redoutée.

Hercule, nous disent les légendes, parcourant les rivages de l'Afrique dans sa marche vers l'Océan, fui séduit par le charme de ce coin de terre, s'y reposa et le nomma, avant son départ, Icosium, en souvenir des vingt fidèles compagnons qu'il y laissait dans le but de construire un refuge et un lieu de repos (Icosium, du grec vingt). Puis le silence se fait autour de la cité naissante qui, ainsi que les peuples heureux, n'a pas d'histoire. Les Carthaginois la découvrent et devinent de suite l'importance qu'elle peut avoir dans leurs transactions. Elle fait dès lors partie, nous dit Seylax (navigateur et géographe grec du temps de Darius 1er, 500 ans avant Jésus-Christ), dans son Périple de la Méditerranée, des trois cents établissements ou comptoirs coloniaux qu'ils ont semés sur les côtes d'Afrique, depuis la Syrie voisine des Hespérides jusqu'aux colonnes d'Hercule.

La chute de Carthage cause sa ruine. Icosium végète, oubliée au milieu des querelles qui s'élèvent entre les différents généraux romains. Sa vie disparaît jusqu'à l'arrivée de César. Vainqueur de Caton, de Scipion et de leur allié, le numide Juba, César réorganise toute l'Afrique du Nord. Il réunit la Numidie au domaine de Rome et lui laisse un gouvernement particulier avec les rois Bocchus et Bagud, qu'il place sous la direction du rapace prêteur Salluste. A la mort de ces deux rois, survenue trente-deux ans avant Jésus-Christ, leurs états reviennent au peuple romain et ne forment bientôt plus qu'un royaume qu'Auguste confie à Juba II.

Époux de Sélène, fille d'Antoine et de Cléopâtre, Juba choisit comme capitale l'antique Iol à laquelle il donne le nom de Césarée (Cherchell), en mémoire des bienfaits qu'il avait reçus de l'empereur romain. Durant les quarante-cinq ans de son règne, Juba, d'esprit peu batailleur, tourna son activité naturelle vers les arts et l'élude. Il embellit non seulement Césarée, sa capitale, mais encore toutes les autres villes voisines dont Icosium el Rusguniae, qu'Auguste, selon Pline,avait fondée à l'Est de cette dernière, et dont il ne reste plus que quelques ruines cachées sous les buissons de lentisques et de palmiers nains ou disparus, un jour de cataclysme, sous les algues et les flots de la mer gourmande.

AEdemon, affranchi de Ptolémée, cherche, quelques années plus lard, à secouer le joug romain ; mais il est vaincu par Lucius Paulinus et son successeur Hassidius Geta, généraux de l'empereur Claude. La Mauritanie est alors divisée en deux grandes provinces, la Mauritanie Tangitane (Maroc) et la Mauritanie Césarienne (Oran-Alger). En l'an 13 de notre ère, Claude élève Césarée et ensuite Icosium au rang des colonies romaines.

Une multitude d'émigrés volontaires affluent d'Italie, de l'Espagne et des Gaules dans les villes de la côte qui s'accroissent et s'enrichissent. La Mauritanie Césarienne vit heureuse pendant les règnes de Claude et de ses successeurs, jusqu'à l'avènement du féroce Maximin dont les exactions et celles de ses généraux rouvrent l'ère des révoltes. C'est aussi l'époque de la première invasion des bandes errantes de Franks qui, après avoir ravagé la Gaule et l'Espagne, envahissent l'Afrique, la saccagent pendant douze ans et dont ils ne sont chassés que vers l'an 297.

Cependant, depuis la fin du deuxième siècle, le Christianisme s'était introduit en Afrique où ses progrès furent rapides. Icosium voit sa prospérité grandir; elle a ses évêques et devient une cité importante, commerçant avec toutes les villes de la Méditerranée ; " Un modeste embarcadère, nous dit M. Klein dans les feuillets d'El-Djezaïr, un embryon de quai, quelques anneaux, quelques bornes d'amarrage, un feu de bois brûlant la nuit au sommet d'une tourelle, voila, sans doute, par quoi se complétait l'asile que trouvaient les liburnes romaines, les galères africaines venant sur ce point prendre les sacs de blé, les couffes de fruits, les outres d'huile, apportées en ce lieu, à dos de chameau, des régions de l'intérieur. "

Icosium suivra désormais dans l'Histoire la fortune de la Mauritanie Césarienne jusqu'à l'invasion des Vandales. Appelé par le comte romain Boniface, époux d'une de ses filles, Genséric, le boiteux, réunit au pied du mont Calpé (Gibraltar), ses hordes féroces qui viennent de mettre à feu et à sang toute l'Espagne et se reposent au milieu des plaines fertiles et riches de la Vandalousie (Andalousie). Ils sont là plus de 80,000. Brusquement, ils traversent le détroit, pénètrent sur cette terre d'Afrique, depuis longtemps convoitée, et, dans une marche rapide, se dirigent vers Hippone et Carthage, semant la ruine et la désolation sur leur passage, détruisant tout, massacrant des populations entières et entraînant à leur suite d'immenses peuplades à demi-sauvages, presque nues, sortant des déserts et des forêts du Grand Allas, " pour assouvir leur vengeance sur ceux (Romains on autres) qu'ils nommaient les usurpateurs de leur terre natale ".

Icosium, celle petite fraction de cette vaste contrée tour à tour désignée sous les noms de Numidie, Mauritanie ou pays de Mohgreb, disparut dans la tourmente et cessa presque d'exister sous les dominations gréco-byzantine, arabe et berbère.

Une peuplade misérable, d'origine berbère, l'occupe au moment de l'invasion des Arabes et ceux-ci la nomment " El Djezaïr Beni-Mezranna " (l'île des Beni-Mezranna), à cause des îlots qui servent de refuge à cette tribu. C'est l'origine du nom d'Alger.

Construit au milieu des mines de l'ancien Icosium, en face d'une traînée de roches presqu'à fleur d'eau allant du rivage vers de plus gros rochers, dont le principal, au moyen-âge; était connu sous le nom de Stofla, El-Djezaïr, avait alors une importance bien faible et son commerce était nul. La domination arabe lui donna un regain d'existence et Bologguin, fils de Ziri, calife fatimide, essaya de relever l'ancienne cité romaine.

En 935, Zecri ben Moussad, chef des Zecrites Sanhadjites, secouant la suzeraineté des califes fatimides, en fit la capitale de sa principauté qu'il agrandit bientôt en s'emparant de tout le territoire s'étendant jusqu'à Tripoli. Un voyageur arabe visitant celle ville vers cette époque, en fait la description suivante :

" Djezaïr Bèni-Mezranha est bati sur un golfe et entouré d'une muraille. Il renferme un grand nombre de bazars et quelques sources de bonne eau près de la mer. C'est à ces sources que les habitants vont puiser l'eau qu'ils boivent. Dans les dépendances de celle ville se trouvent des campagnes très étendues et des montagnes habitées par plusieurs tribus de Berbères. Les richesses principales des habitants se composent de troupeaux de bœufs et de moutons qui paissent dans les montagnes. Dans la mer, en face de la ville, est une île où les habitants trouvent un abri sûr quand ils sont menacés par leurs ennemis. "

Son commerce s'était augmenté et elle traitait en particulier avec Gênes et Marseille. Jusqu'au XV° siècle elle eut à lutter contre ses voisins, subit des révoltes nombreuses et sa fortune sembla devoir sombrer à nouveau. Absorbée successivement par le royaume de Bougie, puis par celui de Tlemcen, elle reprit son ancienne supériorité à l'arrivée des Maures (1492).

Chassés d'Espagne et devenus les plus implacables ennemis de cette patrie qu'on les avait forcé d'abandonner, ceux-ci s'étendirent sur toute la côte africaine et choisirent El-Djezaïr pour en faire un centre de piraterie. C'est de ce port, bien faible et mauvais abri cependant pour leurs galères, qu'ils entreprirent toutes ces courses audacieuses dont eurent tant à souffrir d'abord les côtes de la Péninsule Ibérique, puis toutes celles de l'Europe méditerranéenne.

La prise de Bougie par les Espagnols, conduite par Pierre de Navarre, jeta l'épouvante parmi les pirates algériens. Ils s'empressèrent de faire leur soumission et envoyèrent à Valence, au roi Ferdinand, des ambassadeurs chargés d'offrir des présents et de promettre de ne plus armer en course.
Peu confiants dans ces promesses et pour obliger les Algériens à les tenir, les Espagnols firent construire, en 1610, sur le principal îlot, une grosse tour qu'ils dénommèrent " El-Peñon (gros rocher) d'Argel ". Cette petite forteresse fut armée de pièces de gros calibres et reçut une garnison de deux cents hommes. Elle rendit la piraterie difficile et les marins berbères n'eurent plus à leur disposition que les petites plages de Bab-el-Oued et du Palmier, au pied du promontoire où fut élevé plus tard le Fort BabAzoun et où leurs barques, livrées aux intempéries, étaient difficilement amenées sur la plage.
Dès lors, les annales d'El-Djezaïr se précisent et son histoire complétera bien des fois celle des grands États européens. Abattus un moment par les revers successifs et les malheurs de toutes sortes que leurs entreprises de piraterie ont attiré sur eux, les Algériens profitent de la mort de Ferdinand d'Espagne pour secouer le joug qui les ruine. Ils font appel à l'aîné des frères Baba-Aroudj ( Barberousse), mercenaires turcs au service du Bev de Tunis et qu'un insuccès devant Bougie rend inactifs. Celui-ci, devinant la fortune qui s'offre à lui, accepte avec empressement ; il se fait précéder par un corps de douze cents hommes dévoués à ses ordres (1516), marche de son côté sur Cherchell, occupée par un de ses compagnons de piraterie, Cara-Hassan, et, afin de ne rien laisser derrière lui qui put l'entraver dans ses projets, l'attaque brusquement, s'en empare et le fait décapiter, puis il entre dans le port d'Alger avec dix-huit galères et trois navires chargés d'artillerie. Pendant quelque temps, il s'astreint à dissimuler ses desseins, gagne la confiance du cheik arabe Selim Enterny, gouverneur de la ville, et, quand il croit ses projets assurés, le fait étrangler et se déclare seul maître.

Tel fut le commencement de la domination turque et de la fondation de l'odjeac d'Alger qui devint le siège de cette espèce de république religieuse et militaire qui fut élevée contre la chrétienté, comme Rhodes l'était depuis un siècle contre l'islamisme, et qui, en quelques années, envahit toutes les principautés qui l'avoisinent ; Mostaganem, Médéa, Ténès, Tlemcen, Constantine reconnaissent sa souveraineté ; Tunis lui est même un moment soumis, et Alger finit par imposer son nom à tout le territoire qui s'étend depuis Tabarque jusqu'à Miliana. Au dehors, le bruit de ses conquêtes et l'influence de ses chefs se répandent avec non moins de rapidité. Alger, à son berceau, est tour à tour l'auxiliaire ou la terreur des États les plus puissants de l'Europe. En 1518, le grand seigneur Sultan Selim daigne prendre Alger sous sa protection ; en 1534, Soliman, le conquérant de Belgrade, de Rhodes et de la Hongrie, appelle à son aide le chef suprême de l'odjeac et lui confie le commandement de ses flottes, pour l'opposer au plus grand amiral de la chrétienté, à André Doria. François Ier, dans son ardente soif de conquêtes, sollicite à son tour l'appui de cet homme prodigieux, qui tient en échec les marins de Venise, de Gênes et d'Espagne ; il paie 800,000 écus d'or le concours de Barberousse.

Les galères de France abaissent leur pavillon devant la capitane de ce corsaire-roi. Toulon, Marseille l'accueillent dans leur port comme un souverain, et le fils du duc de Vendôme, le comte d'Enghien, se fait son lieutenant au siège de Nice. Les Espagnols, ennemis naturels du nouvel État, voient trois fois leurs armes humiliées devant Alger et Charles-Quint lui-même, vainqueur à Pavie et à Tunis, est obligé de courber le front sous la fatalité qui brise ses vaisseaux et jette l'épouvante parmi son armée.

N'est-ce pas plus qu'il n'en faut, pour l'illustration d'une république de pirates à son début ? Cette période (1500-1541), où se pressent tant d'événements majeurs, est sans contredit la plus brillante et la plus remarquable de l'histoire d'Alger; en moins d'un demi-siècle nous assisterons à la formation de cet État, aux luttes les plus mémorables qu'il eut à soutenir ainsi qu'à l'apogée de sa puissance.

Cependant, Khaïr-ed-Din avait succédé à son frère Arouch, tué dans une expédition près de Tlemcen. Son premier acte, après s'être attiré l'affection de ses sujets par ses sévices contre les chrétiens, fut d'offrir au sultan de Constantinople Sélim, l'hommage de sa soumission. Il fut récompensé par le litre de Bey d'Alger et recut un secours de deux mille hommes. L'échec de l'expédition de Charles-Quint qui vit périr devant Alger, en face Mustapha, vingt-six navires et quatre mille hommes engloutis par les flots, habilement exploité, augmenta son autorité et lui permit, d'entreprendre ses randonnées à travers la Méditerranée. Ses longues absences manquent causer sa ruine ; des révoltes se produisent, des ambitions se dévoilent. A la suite de l'attaque d'un de ses vaisseaux rentrant au port, par les batteries de la marine, Khaïr-rd-Din réunit ses forces, débarque à Sidi-Ferruch et marche sur Alger, dont il s'empare facilement, puis sur Cherchell. C'est alors qu'il conçut le projet d'attaquer et de détruire le Peñon. Ne pouvant y réussir par la ruse, il résolut d'en finir par la force. Le 5 mai 1530 (le 27, disent d'autres historiens), il fait avancer vers la forteresse espagnole, défendue par Don Martin de Vargas, quarante-cinq navires et, pendant dix jours consécutifs, jette dans le fort une grêle de projectiles de toutes sortes.

A peine s'est-il emparé du Peñon qu'il songe à assurer aux navires pirates non seulement un abri contre les incursions possibles des chrétiens, mais aussi un refuge contre les tempêtes fréquentes sur ce littoral. Il fait établir un appontement au cap Matifou et avec les ruines de Rusguniae et celles du Peñon, construit la digue qui porte actuellement son nom et réunit l'Îlot de la marine à la terre, sur une longueur de plus de 200 mètres, une largeur de 25 et une surélevation de 1m 50.

Au Sud de celle digue, il organise un port de trois hectares de superficie avec une passe ouverte au Sud de 130 mètres de largeur. C'est la darse actuelle (darse des Turcs) utilisée par la Marine de guerre pour le mouillage des torpilleurs en station ou de passage à Alger. Ce bassin constituait une grande amélioration mais il ne pouvait cependant protéger plus de trois ou quatre bricks et une trentaine de galères contre la grosse mer du large, sans les soustraire au ressac produit par les tempêtes du Nord-Est dont la violence brisait parfois les navires les uns contre les autres ou contre les quais. C'est ce qui explique qu'en hiver la flotte algérienne se réfugiait dans le port de Bougie, plus calme et mieux abrité.

Son successeur Hassan fit établir les premières batteries sur cette jetée. En 1560, Sala-Reïs la consolida, du côté de la pleine mer, par un amoncellement de roches afin de la préserver contre les tempêtes. Ce n'est qu'en 1573 et sous Arab-Ahmed, que furent construits le phare, une tour de surveillance, le parapet qui entoura le Peñon et enfin le gros môle qui devait assurer la tranquillité du port.

Nous ne suivrons pas plus longuement l'histoire d'Alger désormais connue de tous et ces notes nous paraissent plus que suffisantes pour montrer ce que furent cette ville et on port depuis les temps les plus lointains jusqu'au moment de l'expédition française qui devait amener la ruine de la piraterie et transformer si merveilleusement toute celle région. Nous allons étudier les différentes phases par lesquelles le port d'Alger est passé depuis cette date jusqu'à nos jours.

PREMIÈRE PÉRIODE

LE PORT D'ALGER PENDANT LES PREMIÈRES ANNÉES DE L'OCCUPATION

Bâti en amphithéâtre, sur le versant oriental d'un petit promontoire des derniers contreforts de l'Atlas, ce nid de pirates présentait la forme d'un triangle dont la base s'appuyait à la mer et dont le sommet se terminait à la citadelle de la Casbah. Son enceinte avait un développement de 3,000 mètres.
La baie d'Alger n'offrait primitivement aucun abri assuré contre les mauvais temps et les coups de vent venant du Nord et de l'Est. La rade foraine, abritée par le cap Caxine. formait le meilleur mouillage de la baie et les vaisseaux jetaient l'ancre à un mille environ à l'Est du phare actuel de l'Amirauté, sur des fonds vaseux, par 30 à 50 mètres de profondeur.

Avant la conquête, la ville proprement dite était séparée de la mer par une falaise rocheuse de 10 à 20 mètres de hauteur, battue en plein par la houle du large et sans abri pour les bateaux. L'îlot de la Marine, nommé des " Beni-Mezranna ", permettait d'abriter tout au plus sept ou huit navires de faible tonnage. Les vaisseaux d'un tonnage ordinaire ne pouvaient utiliser que la rade foraine. Il était d'ailleurs reconnu que le " port d'Alger " était le plus mauvais de la côte barbaresque, réputation qui lui permettait de servir de repaire aux bâtiments des corsaires.

C'est ainsi que, pendant la prise d'Alger, la flotte française avait été maintenue au large par le mauvais temps et n'avait pu aider l'armée. Le 6 juillet, cependant, vers midi, le vaisseau " Provence " venait mouiller, le premier, sous les murs de la ville, cependant que les autres bâtiments de l'armée navale, partagés en deux divisions sous le commandement du contre-amiral Rosamel et du capitaine de vaisseau Perrier, croisaient à l'Ouest des baies de Sidi -Ferruch et d'Alger.

Il ne fut trouvé dans le port qu'une frégate et une corvette hors de service, sept bricks ou goélettes et un certain nombre de chebeks. I.a frégate et la goélette furent démolies pour fournir du combustible aux soldats; quatre des bricks furent mis en disponibilité et les chebeks furent utilisées pour les communications entre le port et l'escadre. Trois cents pièces de canon formaient l'armement du môle dont les fortifications étaient bien plus importantes que celles de la Casbah.

Il fallut donc, dès les premiers jours de l'occupation, songer d'abord à réparer les ouvrages négligés, faute d'argent, depuis 1816, date du bombardement de ce refuge de pirates par l'amiral anglais lord Exmouth, selon les résolutions prise au Congrès de Vienne ; puis s'occuper de l'agrandissement de la darse. On résolut, en 1837, de prolonger vers le Sud Sud-Ouest, le môle construit par les Turcs au Sud de l'îlot de la Marine. On procéda à ces travaux sans éludes approfondies et sans but d'avenir. Une seule préoccupation existait : assurer plus vite un refuge à nos vaisseaux. Ce môle fut ensuite dévié vers l'Est, ce qui permit de couvrir une plus grande nappe d'eau et sa convexité, très prolongée du côté du large, provient des transformations successives subies par le projet primitif et des hésitations du gouvernement, résultant de l'incertitude dans laquelle on se trouvait, en France, sur l'opportunité de la conservation de notre conquête. Une violente campagne de presse fut menée pour obtenir l'abandon définitif de l'Algérie, et peu s'en fallut qu'elle ne réussit. L'ingénieur hydrographe Lieussou, bien qu'auteur d'un des projets de création d'un port à Alger et inventeur d'un port de commerce à établir au Nord de la jetée Kaïr-etl-Din (dont nous parlerons plus tard), était loin de prévoir l'importance que devait prendre la future capitale algérienne. Aussi s'attachait-il, dans ses étude sur les Ports d'Algérie, parues en 1850, à essayer de démontrer qu'Alger ne saurait être qu'une capitale provisoire, que sa situation ne ferait jamais un port de guerre et encore moins un port de commerce important. Toutes ses préférences allaient vers Bougie et il s'étendait avec complaisance sur les propriétés commerciales et militaires de la baie de l'ancienne Salda des Romains dont il voulait faire la ville principale de notre nouvelle conquête, un port militaire de premier ordre et le grand port de transit entre l'Europe et l'intérieur de l'Afrique. Nous ne suivrons pas M. Lieussou dans ses projets qui furent heureusement rejetés par les différentes commissions appelées à s'occuper de ces questions.

Alger, par sa situation au centre de la colonie, devrait être la préoccupation première de nos gouvernants et devenir de ce fait le port principal. Les événements ont montré combien grossières furent les erreurs de cet ingénieur et d'une partie de la presse métropolitaine.

Les premiers travaux furent entrepris par l'ingénieur Noël, qui fit d'abord étayer la jetée Kaïr-ed-Din. On s'occupa ensuite de l'élévation d'un nouveau phare, dont le feu brûla pour la première fois le 18 novembre 1834.

De nombreux projets furent alors proposés.

Citons en particulier ceux de M. Montluisant (1835), de MM. Rang, Poirel (1837) et Garella (1838). Ils furent tous impitoyablement rejetés le 15 avril 1839 par le Conseil général des Ponts et Chaussées qui ne pouvait admettre, lui aussi, qu'il fut possible de créer à Alger un port militaire, voire même un abri sérieux pour les navires de commerce, dont on se préoccupait d'ailleurs fort peu. tant on était hanté par la seule idée qu'il fallait avant tout procurer un refuge à nos flottes de guerre. Dominée de tous côtés par des hauteurs d'un abord facile, Alger ne pouvait être qu'une mauvaise position militaire, dont la meilleure défense résidait justement dans les difficultés de débarquement d'une armée d'envahissement. On admettait cependant que, grâce à sa situation en face de Toulon, elle permettait de surveiller le passage entre les îles Baléares et la côte d'Afrique et facilitait les relations entre la France et le corps d'occupation.

Ce n'est qu'en 1840 que fut présenté, par l'ingénieur Raffeneau de Lisle, le plan d'un port de guerre et de commerce réellement intéressant, mais qui fut cependant repoussé comme trop onéreux et trop grandiose, bien que, en réalité, d'une envergure restreinte, puisqu'il n'offrait qu'une darse marchande de vingt hectares, une darse militaire de seize hectares précédées toutes deux d'un avant-port d'environ cinquante hectares de superficie. Mais la dépense exigée pour l'exécution de ce projet effraya le gouvernement et il fut question de supprimer la digue d'enceinte partant de Bab-Azoun, ce qui permettait de resevrer lu possibilité d'extensions futures du port vers l'Est. On eut aussi l'idée de renoncer à la rade de l'avant-port, en supprimant le brise-lames pour le remplacer, comme le proposait M. Bernard, inspecteur général des Mines, par un prolongement du commencement de la jetée construite depuis 1837 au Sud de " l'Îlot de la Marine ". Ce plan, qui permettait d'utiliser les travaux entrepris par les Turcs et ceux effectués depuis 1837, aurait donné, en peu d'années, un port formé il est vrai, mais il faisait perdre toute possibilité d'extension dans l'avenir. La commission du budget comprit cette situation et rejeta cette transformation.

Désirant gagner du temps et surtout économiser de l'argent, ayant en outre l'appréhension d'une guerre maritime, la Chambre adopta le projet Bernard malgré les protestations de M. Raffeneau et de la commission du budget. Pour appuyer sa protestation, M. Raffeneau fit publier, le 20 mai 1842, un mémoire très intéressant. Ce fut en pure perte.

Afin de provoquer la révision du projet Bernard, M. Lieussou soumit, le 1er mars 1845, au commandant supérieur de la Marine en Algérie, tout un contre-projet dont l'originalité consistait dans la création d'un port marchand de quarante-cinq hectares d'étendue au Nord de la jetée Kaïr-ed-Din, emplacement auquel, jusqu'à ce jour, personne n'avait songé (partie teintée en noir sur le plan des différents projets.. Le port militaire, avec une surface de soixante-quinze hectares, restait au Sud de cette jetée. Les deux bassins communiquaient entre eux mais avaient des entrées différentes. M. Lieussou estimait qu'il fallait d'abord organiser le port militaire qui, au besoin, pouvait recevoir les navires marchands. La construction du port de commerce viendrait ensuite. Sur les instances de l'amiral Rigodit, commandant supérieur de la Marine en Algérie, le Ministre de la Guerre autorisa, le 23 mars 1845, la Commission mixte, instituée à Alger pour la surveillance des travaux du port, " à examiner de nouveau le projet adopté en 1812 par le gouvernement et à le modifier s'il y avait lieu ".

Cette Commission reconnut, à l'unanimité, l'insuffisance du projet Bernard et, après étude du contre-projet Lieussou, ne crut cependant pas devoir se prononcer sur la création d'un port de commerce au Nord de la jetée Kaïr-ed-Din. Elle approuvait cependant toutes les dispositions de ce contre-projet relatives au port militaire, avec cette seule modification qu'elle agrandissait ce dernier de. quinze hectares " en portant la digue d'enceinte parallèlement à elle-même à cent mètres plus au large et en prolongeant le môle Nord également de cent mètres, de manière à conserver à la passe la même orientation et la même largeur ". Celte modification, proposée le 11 février 1846 par la Commission mixte, fut approuvée en mai 1846 par le Conseil d'Amirauté.

Toutes sortes d'améliorations furent alors présentées, tant par M. Bernard, que par l'ingénieur en chef Béguin et la Commission mixte.
De toutes ces études et discussions naquit un plan définitif qui fut adopté le 13 avril 1847 par le Conseil d'Amirauté et le 1er juillet de la même année par le Conseil général des Ponts et Chaussées. Il utilisait la rade du plan programme en y ajoutant un port de quatre-vingt quinze hectares de superficie, dont le tracé ne différait de celui adopté par la Commission que par la longueur du môle Nord porté de sept cents à neuf cents mètres.

DEUXIEME PÉRIODE
1847 A 1872

Pendant toutes ces discussions et ces propositions, les travaux se continuaient lentement et en subissant les différentes modifications à l'ordre du jouir. En 1849, le grand môle avait atteint une longueur de cinq cent cinquante mètres sur les sept cents projetés. En 1850, la nappe d'eau abritée était de trente hectares, couverte à l'Ouest par la ville, au Nord par la jetée Kaïr-ed-Din et l'îlot de la Marine, et à l'Est par le brise-lames. Ce port ne pouvait encore contenir que trois ou quatre vaisseaux, autant de frégates, douze vapeurs et cent navires marchands. Les quais de rive, peu étendus, n'étaient pas abordables pour les grands navires et le mouvement des marchandises, entre la ville et le port, se faisait à dos d'hommes. En 1851, la consécration de l'union douanière de la France et de l'Algérie vint hâter la marche des travaux en cours, dont l'urgence se faisait de plus en plus sentir devant l'essor considérable, inattendu pour certains, pris déjà par la capitale algérienne. Dès 1857, le port d'Alger se trouvait formé par deux jetées d'un développement total de mille neuf cents mètres avec une passe de trois cent cinquante mètres de largeur, ouverte au Sud-Est. Le bassin ainsi abrité représentait quatre vingt-dix hectares accessibles aux vaisseaux presque sur toute son étendue. On parlait déjà de la " Roche-sans-Nom ", dont la disparition devait permettre de loger dans le nouveau port vingt vaisseaux, autant de frégates et trois cents navires marchands. Tel qu'il se présentait alors, il suffisait pour abriter de la grosse mer; mais, par gros temps, l'arrivée des vagues sur le musoir produisait une forte houle qui se propageait à l'intérieur, occasionnant sur les quais, dits de la Santé, un fort ressac excessivement dangereux pour les navires.

Juchereau de Saint-Denys, attaché à l'état-major du corps expéditionnaire, avait évalué, lors de l'occupation d'Alger, les importations à 4,000,000 de francs dont 1.210,000 provenaient de France, et les exportations à un million, dont 650,000 francs pour notre pays. Cinq ans après, c'est-à-dire en 1835, les importations et exportations s'élevaient à 6,500,000 francs. Alger, qui comptait à peine 30,000 habitants au moment de la conquête, en avait 51,203 en 1845, et la valeur des marchandises importées se chiffrait à 61,142,321 francs. Les navires entrés jaugeaient 206,963 tonneaux. C'était le prélude de la prospérité future que fut obligé de reconnaître l'ingénieur Lieussou, malgré son parti-pris contre le port d'Alger et ses préférences pour Bougie.
Le port, d'ailleurs, ne satisfaisait déjà plus aux exigences du Commerce. Les quais étaient encombrés, les marchandises y gisaient pèle-mêle et leur déplacement était difficile. Il était impossible d'élargir les quais, limités au Nord par les bâtiments de l'Amirauté, au Sud par la baie de l'Agha et à l'Ouest par les boulevards.

Le 14 novembre 1872, le Conseil général des Ponts et Chaussées posait le principe de l'agrandissement du port par l'établissement de bassins successifs, ce qui permettrait une extension indéfinie le long de la côte.

Ce principe, longtemps sans application, devait être pourtant riche de conséquences, et il aboutit, après plus ou moins de péripéties, il est vrai, à la construction de l'arrière-port de l'Agha, première étape de l'agrandissement vers l'Est.

TROISIÈME PÉRIODE
LES PROJETS EN COURS D'EXÉCUTION OU A L'ÉTUDE

Un premier projet fut alors présenté : celui de la construction de l'arrière-ports de l'Agha.

Tout l'honneur de cette création revient à la Chambre de Commerce d'Alger qui sut, par sa patience et sa persévérance, mener à bien l'énorme entreprise.

C'est au début de l'année 1893 qu'elle reprit l'idée émise en 1872 de créer de toutes pièces de nouveaux bassins, et, dès le 10 mars de la même année, elle adoptait un projet présenté par les ingénieurs des Ponts et Chaussées pour la création de terre-pleins dans la baie de l'Agha, et décidait, à l'unanimité de ses membres, de demander la concession de ces terrains. La place qui nous est accordée dans cette publication ne nous permet pas d'exposer toute la série, fort longue mais intéressante, des pourparlers qui furent engagés et des améliorations qui survinrent pour l'exécution de ce projet. Disons seulement que la construction d'un arrière-port dans la baie de l'Agha et la concession de terrains et d'appontements à la Chambre de Commerce d'Alger furent autorisés par la loi du 4 juillet 1897.

Le 14 juillet 1897, M. Cambon, alors gouverneur général de l'Algérie, posait la première pierre du nouveau port. Le 30 mars 1898 avait lieu l'adjudication des travaux qui échut à MM. Denize et Marié, avec 31 % de rabais sur les prix fixés. Ils commencèrent dès le 21 décembre de la même année leur entreprise qu'ils terminèrent vers la fin de 1904. La première étape de la construction de l'arrière-port de l'Agha était terminée. Elle laissait, comme constructions acquises, environ dix-huit hectares de terre-pleins avec des murs, des quais et des égouts, une amorce de jetée, longue de trois cents mètres, enracinée au " Fort du Coude ", un môle de deux cent dix mètres de long sur cent dix de large.

ÉLABORATION DE NOUVEAUX PROJETS

Ces travaux accomplis en appelaient d'autres. L'arrière-port de l'Agha, s'il était resté ce que l'avait fait la loi de 1897, n'eût pas été protégé et les travaux terminés eussent été inutiles. Les ingénieurs des Ponts el Chaussées étudièrent donc un nouveau plan. Un projet de loi fut conçu, tendant à l'achèvement de l'arrière-port.

Le nouveau projet fut déposé à la Chambre des députés le 29 mars 1905 et présenté par MM. Bouvier, Gauthier, Dubief et Étienne. En citant exactement quelques-uns des passages de l'exposé des motifs, nous ferons connaître de la meilleure façon les nouveaux travaux projetés :

" ... Depuis que les travaux ont été jugés nécessaires, le trafic du port d'Alger a continué de s'accroître considérablement. Le tonnage de jauge des navires, qui était, en 1893, de 5,057,000 tonneaux, atteint, en 1903, 10,647,000 tonneaux. Dans celle même période décennale, le trafic des marchandises est passé de 925,000 tonnes à 1,911,000. Il parait devoir s'augmenter prochainement d'une quantité notable de minerais de fer.

... Les nécessités de la sécurité et les besoins économiques du pays exigent donc l'achèvement du premier bassin au Sud du port. Les travaux projetés comprennent essentiellement : 1° Une jetée de 500 mètres, dont 300 en prolongement du premier alignement de 300 mètres déjà existant, et une amorce de 200 mètres, un peu plus ouverte vers le large, disposition commandée par la forme du rivage (l'angle est de 15 degrés); 2° Un grand môle d'environ 550 mètres de long et de 145 mètres de large, perpendiculaire au quai de rive, et limitant le bassin dans la partie Sud, avec quais accostables sur tout son pourtour, rues et voies ferrées ; 3° Deux jetées secondaires de 80 mètres de long, dont l'une s'enracine au coude de la jetée du large et l'autre prolonge l'extrémité du môle. Entre les deux est ménagée une fosse de 100 mètres. Le nouveau bassin sera en eau parfaitement calme. "

Les dépenses étaient évaluées à 8,200,000 francs. La Chambre de Commerce procurait un subside de 2,400,000 francs, versé à litre de fonds de concours. La colonie avait à fournir 5,800,000 francs qui devaient être pavés, partie sur les fonds de l'emprunt de 5,000,000 de francs et partie sur les crédits inscrits annuellement au budget de la colonie pour travaux neufs des ports maritimes. Une loi du 19 juillet 1905 déclarait ces travaux d'utilité publique. Quant à l'adjudication, elle fut faite le 18 octobre 1905 pour les travaux dont le détail est exposé plus haut, et en outre pour l'exécution de dragages nécessaires à la mise à la profondeur voulue des fonds, aux abords des quais du môle. La durée normale des travaux, à partir du jour de la notification à l'entrepreneur de l'approbation de l'adjudication, était fixée à six ans.

Le nouveau bassin ainsi formé par les jetées et le grand môle devait avoir une superficie de trente-cinq hectares environ. Quant au môle à minerais (môle de l'Agha), situé au milieu de ce bassin devenu insuffisant par suite de l'extension croissante des exploitations minières de la région, sa longueur fut portée de deux cents à trois cents mètres.

Cependant que ces travaux étaient en cours, d'autres projets furent soumis à la Chambre de Commerce. En juillet 1905, fut posée la question du prolongement de cent mètres du môle de l'Agha, insuffisant à cause du développement progressif des exploitations minières du département d'Alger.
Le 8 janvier 1908, le rapporteur de la Commission du Port exposait à la Chambre de Commerce deux projets présentés par les ingénieurs Boisnier et Coustolle et celui élaboré par la Commission elle-même. Ce dernier comprenait le renforcement et le prolongement de la jetée Nord, la construction de trois môles (môle Al-Djefna, môle des Hangars-Abris et môle Bab-Azouu), le déplacement des quais de rive entre les Hangars-Abris et la Direction du Port de Commerce. La Chambre de Commerce adopta ce rapport.

Le 15 juillet 1912, le grand môle de cinq cent cinquante mètres était remis à la Chambre de Commerce; c'était reconnaître l'achèvement des bassins de l'arrière-port de l'Agha. Il ne s'agissait plus que d'obtenir des améliorations pour l'ancien et le nouveau port, améliorations reconnues en cours des travaux et en réalité de peu d'importance, en dehors de celle de l'outillage dont l'augmentation était de première nécessité. L'œuvre accomplie qui valait, tant à la Chambre de Commerce qu'au service des Ponts et Chaussées, les félicitations de la Colonie entière, ne permettait pas cependant de la considérer comme suffisante.

Elle n'était qu'un acheminement vers des projets de plus grande envergure qui doivent doter Alger d'un port digne de la capitale de l'Afrique du Nord, attirant vers lui, grâce aux voies ferrées projetées, les produits non seulement de l'Algérie, mais encore de tous nos territoires de l'extrême Sud et de nos colonies du Centre africain. Ce sera l'application de l'idée émise le 14 novembre 1872 dont nous avons parlé. Tout l'avenir du port d'Alger est dans l'exécution de de projet. M. l'ingénieur Coustolle avait déjà prévu, comme financièrement possible, la création de ces nouveaux bassins en prolongement de l'arrière-port, parce que les travaux s'accompagnent de la création d'immenses terre-pleins concessibles et productifs, par là, de revenus importants. Tel qu'il se présentait alors, le port d'Alger se plaçait déjà le quatrième pour l'effectif des marchandises dans le classement de tous les ports de France et le second au point de vue de son tonnage.

L'arrière-port, qui venait d'être terminé, donnait une surface liquide de trente-cinq hectares beaucoup plus calme que celle de quatre-vingt-deux hectares, du vieux port d'Alger. La nappe d'eau forme une large étendue libre entre les deux passes de l'arrière-port et s'étend, du côté des terre-pleins, dans deux bassins rectangulaires de deux cents mètres chacun, destinés à faciliter les opérations commerciales, La profondeur de l'arrière-port varie ; aux deux passes elle atteint 12 à 13 mètres, à l'intérieur du bassin 9 à 15 mètres et le long des quais 7 à 8 mètres.

Ces différents travaux oui donné au port de l'Agha 1,140 mètres de quais, dont 710 mètres environ accostables. Le vieux port d'Alger ne possédait, jusqu'au moment où fut démoli et réuni à la terre l'îlot Al-Djefna, que 1,733 mètres de quais, mais aucun en eau profonde, ce qui ne permettait de manipuler les marchandises qu'à l'aide de chalands dont la grande quantité est à la fois un encombrement et un obstacle aux évolutions rapides des navires. En raison de la forme des navires modernes on a veillé à ce que le parement de tous les murs de quais soit absolument vertical. On a employé et on emploie encore pour la construction des jetées, des blocs artificiels de types différents (de 15 à 25 mètres cubes) posés les uns sur les autres. Les fondations sont constituées par des enrochements. Quant aux murs de quais, pour des profondeurs de 10 mètres et 10 m 70, les blocs, faits en ciment, ont de 70 à 92 mètres cubes.

Les terre-pleins du vieux port ont une superficie de 48,000 mètres carrés; ceux faisant suite aux quais de l'arrière-port, 17 hectares et demi.
Les navires peuvent pénétrer dans l'arrière-port de l'Agha, soit par la passe qui les met en communication avec le port d'Alger, soit, par celle qui conduit directement de la haute mer à l'intérieur du bassin.

Les entrées des deux ports d'Alger sont indiquées, en dehors des feux réglementaires des passes, par le phare du cap Caxine, situé à 10 kilomètres à l'Ouest d'Alger (feu blanc à éclipse et d'une portée de 27 milles), puis par. le phare du cap Matifou, à l'Est (feu blanc à éclats), enfin par le phare de l'Amirauté, situé sur l'îlot de la Marine, à l'extrémité de la jetée Kair-ed-Din (feu clignotant blanc et rouge). Sur le massif de la Bouzaréah (407 mètres d'altitude) et au cap Matifou, existent deux sémaphores qui transmettent, au service du port les signaux faits par les navires au large.

La superficie occupée par les Hangars-Abris concédés à la Chambre de Commerce et les services d'exploitation sont de 6,900 mètres carrés.

Il existe deux formes de radoub : l'une de 139 mètres de longueur sur 26 m 40 de largeur et 8 m 35 de tirant d'eau ; l'autre, de 82 mètres sur 22 de largeur et 5 m 68 de tirant d'eau ; trois cales sèches d'une longueur de 80 mètres environ, mais de largeur variable (12, 30 et 40 mètres).

L'outillage comprend six grues fixes, une de la force de 3,000 kilos, deux de 2,500, deux de 1,500 et une de 1,000 kilos. Mais cet outillage est, absolument insuffisant et la Chambre de Commerce poursuit l'établissement dans les deux ports de quatre grues électriques à portique mobile sur rails (deux de la force de 3,000 kilos et deux de 1,500). Elle projette aussi de munir le grand môle de vingt-quatre grues électriques, dont vingt de 1,500 kilos et quatre de 3,000.

La Société Ch. Schiaffino et Cie compte, de son côté, troisois pontons-grues de 10, 20 et 40 tonnes. Enfin, la Société d'Embarquement a installé, par rétrocession de la Chambre de Commerce, un titan transbordeur et une grue à portique actionnés par l'électricité.

Le port possède, en outre, 449 chalands, 30 remorqueurs, 2 bateaux-citernes et un matériel complet, de sauvetage, de renflouement et de protection contre l'incendie des navires.

PROJET BUTAVAND

Dès 1907, M. Coustolle, inspecteur général des Ponts et Chaussées, avait songé, pour l'amélioration du port de l'Agha, à la création d'un autre bassin. Au cours des travaux qui suivirent ce projet, il fut reconnu que cette amélioration serait, bien vite insuffisante et qu'il fallait de suite voir et faire grand. De nouvelles éludes fuient donc entreprises et donnèrent naissance aux projets de l'ingénieur en chef Gauckler et de l'ingénieur- Butavand. Ce dernier présentait un avant-projet, réalisable en deux étapes, d'une magnifique et grandiose conception. Il comportait : en première urgence, la création d'un immense bassin abrité, au Sud du bassin de l'Agha, en face le hameau Charles-Quint, et la construction d'un avant-port ; en deuxième urgence, l'achèvement de l'avant-port, la protection de son entrée, enfin la prolongation du bassin Charles-Quint vers le Sud.

Le projet de M. Butavand, une fois exécuté, donnera au port d'Alger 13 à 14 kilomètres de quais accostables et, par la création d'un avant-port, permettra aux plus puissants dreadnoughts d'évoluer facilement, de stationner et de se ravitailler en nombre suffisant. N'oublions pas que le port d'Oran, qui fut choisi ces années dernières comme point d'appui pour nos escadres, ne semble pas avoir répondu aux exigences de sa destination et que, tôt ou lard, Alger redeviendra le troisième point d'appui ou de refuge de nos unités navales dans la Méditerranée. Nous ne saurions mieux résumer et donner en même temps une idée exacte de l'importance de ces travaux qu'en citant le rapport présenté à la Chambre de Commerce d'Alger, par sa Commission du Port, dans la séance du 19 juin 1912

" M. l'ingénieur Butavand indique que, dans l'ensemble, le programme- des travaux présenté tend à faire du port d'Alger un port, de premier ordre, selon, la formule de sir William While (1903) : " Bientôt on ne considérera plus comme port de premier ordre que ceux qui pourront, recevoir des paquebots de 1,000 pieds (305 mètres)... "

Le principe- adopté consiste à créer, le long de la côte, à la suite du bassin de l'Agha, un. terre-plein d'une largeur moyenne de 450 mètres environ en établissant un quai de rive par des fonds apparents de 6 à 7 mètres. En avant de ce quai sont les bassins d'une largeur de 780 mètres et d'une superficie de 140 hectares au total comme nappe d'eau. Des môles sont branchés sur le quai de rive. Du côté du large, les bassins seront limités par un môle de 100 mètres de largeur destiné au trafic des charbons réexportés ou des minerais, permettant d'éloigner de la ville la manipulation de ces matières.

La superficie des terre-pleins de rive créés, môles non compris, est ainsi de 82 hectares pour la première urgence et de 35 hectares pour la deuxième, soit au total 117 hectares. En comprenant tous les môles on trouve, pour la première étape, 115 hectares et 75 pour la deuxième, soit, pour l'ensemble, 190 hectares.

Le premier bassin sera établi au droit du hameau Charles-Quint et portera ce nom, perpétuant ainsi un souvenir célèbre dans l'histoire d'Alger. Le prolongement vers le Sud sera situé en face du Jardin d'Essai ou Jardin du Hamma el sera désigné sous le nom de bassin du Hamma. Le port d'Alger comprendra donc :
L'ancien port ou bassin Bab-Azoun
L'arrière-port ou bassin de l'Agha
Le bassin Charles-Quint
Le bassin du Hamma

Sur le front des trois premiers bassins sera un avant-port limité par deux jetées dont l'une prolonge la jetée Nord sur 850 mètres et dont, l'autre, à peu près parallèle à la jetée Sud de l'ancien port, et à 800 mètres au large de celle-ci, vient à la rencontre de la première en ménageant une passe de 175 mètres. L'entrée se présentera dans des conditions identiques à celles de la passe Nord actuelle qui est classique. La superficie de l'avant-port sera de 115 hectares environ.

L'ensemble des bassins Charles-Quint et du Hamma présentera sept darses, avec 200 mètres de largeur et 550 mètres de longueur maximum pour quatre d'entre elles. Elles laisseront entre l'about des môles et le môle du large, une longueur de 270 mètres. M. Butavand réserve la dernière darse du bassin du Hamma à la création de grandes formes de radoub et l'installation de tous les établissements nécessaires aux réparations. Ajoutons que les môles séparant les différentes darses doivent avoir 170 mètres de largeur. "

Telles sont, dans leurs grandes lignes, les propositions faites par M. l'ingénieur Butavand. Malgré quelques transformations proposées par M. l'ingénieur Gauckler, la Commission du Port demanda à la Chambre de Commerce d'approuver en principe l'avant-projet complet, tel qu'il était présenté. Ce projet fut adopté à l'unanimité par la haute assemblée algérienne et converti en délibération qui fut transmise, dès le 29 juin 1912, à M. le Gouverneur général de l'Algérie. De plus, la Commission nautique, instituée le 20 septembre de la même année, adopta à l'unanimité, après étude de la question, sous réserves des quelques modifications suggérées par M. l'ingénieur Gauckler, tout l'avant-projet Butavand, et déclara, en outre qu'il n'y avait pas lieu d'établir de distinction entre les travaux de première et deuxième urgences ; que le projet constituait un tout et qu'il était nécessaire de l'adopter tel qu'elle le préconisait, en l'exécutant au fur et à mesure des besoins et des disponibilités. L'avant-projet Butavand exigeait pour son exécution la somme de cent trois millions. L'arrière-port de l'Agha avait demandé dix-sept millions.

Le rapport de la commission nautique fut présenté à la Chambre de Commerce le 20 novembre 1912. Celle-ci, après étude et discussions, l'adopta à l'unanimité.

Sur les vives instances de M. Billiard, président de la Chambre de Commerce, qui s'était rendu à Paris afin d'activer la marche des formalités exigées pour l'adoption du projet présenté, le Ministre de la Marine fit espérer que son département entrerait pour une somme de huit millions dans les dépenses prévues. Le Ministre des Travaux publics promit à son tour qu'une commission technique serait envoyée dans la capitale algérienne pour étudier le projet sur place, afin d'éviter les pertes de temps considérables occasionnées par les transmissions successives du dossier. Cette commission arrivait à Alger le 19 décembre 1912, étudiait, de suite les différents projets d'agrandissement qui lui furent présentés, et visitait, les travaux en cours ains que les emplacements des futurs bassins, et il n'est pas douteux que son avis ne soit favorable.

Il eut été très intéressant de terminer ce très rapide historique du port d'Alger par quelques statistiques indiquant sa marche progressive ; de montrer l'importance qu'il prend de jour en jour au point de vue du commerce et de préciser sa situation comme port charbonnier, port de relâche et de tourisme. Mais la place nous fait défaut et nous oblige à terminer là cette élude. Heureux, s'il nous est permis d'écrire un jour une page plus brillante etl d'assister aux riches moissons que nous réserve l'avenir.

carte du port agrandie