
Si vous voulez des
grues. En voici quelques-unes.
PORT D'ALGER, RUCHE BOURDONNANTE
Les grutiers de nos quais sont-ils des maîtres de ballet qui signorent
?
Les engins de levage sont
à un port ce que bras et mains sont à lhomme. Cest
dire leur importance.
Mais cest également émettre une évidence.
Car qui, de nos jours, oserait contester quil ne saurait y avoir
de grand havre moderne sans outillage suffisant pour la manutention
des marchandises ?
Comment, par exemple, Alger-Port pourrait-il accueillir les quelque
9.000 navires qui, chaque année, débarquent ou embarquent
sur ses môles plus de 4 millions de tonnes de marchandises, si
ses 23 postes damarrage, répartis sur ses 8.400 mètres
de quais nétaient des servis, en moyenne, par deux grues
de trois à six tonnes par poste ?
Et nous ne parlons pas ici des grues flottantes, dont les silhouettes
et la puissance sont bien connues des Algérois.
Aussi notre but nest-il pas de démontrer la nécessité
intrinsèque de ces outillage moderne, mais bien de dégager
ce que nous osons appeler son utilité esthétique.
Vu sous cet angle, les statistiques perdent toute puissance évocatrice.
Et cest heureux, car quoi de plus inhumain, et souvent de plus
illusoire, que cette rébarbative succession de chiffres qui se
veulent impressionnants, mais qui, la plupart du temps, surtout pour
un non-initié, donc pour la majorité ne
réussissent quà être désespérément
monotone.
Pour moi, une grue en plein travail, ce nest nullement un rendement,
mais un fantastique et souple chorégraphe dressé à
la verticale sur la pointe extrême de ses chaussons et virevoltant
dans le ciel avec grâce.
Quant à la forêt de ferraille superposée et enchevêtrée,
que constitue la somme des grues dun port, ce nest pas son
potentiel délèvement qui mimpressionne, mais
bien sa façon « crâne » de défier léquilibre
et la pesanteur.
Certes, je conçois que le grutier, qui, huit heures par jour,
reste à douze mètres du sol dans une cabine inconfortable,
nait pas du tout sur la question la même opinion que celui
qui na jamais eu à subir les mille trépidations,
grincements et tournoiements de la machine en plein effort.
Mais est-ce que le terrien, qui admire la ligne majestueuse dun
paquebot pourfendant la lame, songe toujours au travail de forçat
des hommes des machines, chargés dentretenir les feux dans
une chaleur infernale ?
Il a bien assez, souvent, de ses propres soucis inhérents à
sa vie dusine, datelier ou de bureau.
Et il préfère saccrocher à ce rêve
qui passe, sans avoir à se demander sil est réalité
ou façade.