|  
         
         
         
        M. J. Seiberras 
       En 1912, alors que le cinéma 
        - riche en promesses - était en pleine évolution, un nouvel 
        établissement ouvrait ses portes aux Algérois. C'était 
        une petite salle modeste, située dans un quartier populeux de la 
        ville (le 
        PlateauSaulière). Mais ses programmes, judicieusement 
        établis, ne tardèrent pas à y attirer un public enthousiaste 
        et vibrant. 
        ..-  
        M. J. Seiberras, directeur du Cinéma du Plateau, prévoyait 
        le formidable essor du septième art et, dès lors, il se 
        consacra entièrement à l'exploitation et résolut 
        de créer un vaste mouvement cinématographique en Afrique 
        du Nord. 
         
        Il venait d'acheter une seconde salle au boulevard Bru lorsque la guerre 
        éclata. Il partit au iront avec cette belle confiance et cet optimisme 
        qui furent l'apanage de nos poilus de 1914. Cependant les mois, puis les 
        années passèrent et les hostilités duraient toujours. 
        Lutte de l'homme sur l'homme, (.:)...-enier humain, deuil, larmes, désolation. 
         
        M. Seiberras allait-il désespérer ? Non. Algérien, 
        et par conséquent fataliste, il attendit pa-tiemment la fin du 
        grand cauchemar. 
         
        Libéré en 1919, il se remit immédiatement et courageusement 
        à la tâche, bravant les plus basses jalousies et, surmontant 
        tous les obstacles. qui se présentaient à lui avec une habileté 
        extraordinaire. 
        . . . 
        Quelques mois après sa démobilisation, il faisait construire. 
        à Alger, les Variétés et, un an plus tard, en 1920, 
        le Montpensier. En 1922, il achetaii "le 
        Régent, le. transformait 'heureusement et en faisait une salle 
        d'exclusiirités luxueuse, rendez-vous de l'élite algéroise. 
         
        ... Et l'activité de M. Seiberras alla grandissant. A Oran, il 
        créa le Régent. En 1924, il installa le Régent de 
        Casablanca; en 1925, celui de Rabat. Il ouvrit ensuite des salles à 
        Sidibel-Abbés (Oran), Mostaganem (Oran), Marrakech et Tanger (Maroc). 
         
        Enfin, en 1928. après s:,être rendu acquéreur du Casino 
        d'Oran, il fonda une puissante agence de location à Alger, avec 
        sous-agences à Casablanca et à Tuais, prenant la représentation 
        pour l'Afrique du Nord de quinze firmes importantes, parmi lesquelles 
        : Cinéromans, Films de France, Franco-Filin, Alliance Cinématographique 
        Européenne, Super-Film, Sofari Armor, Mappemonde, Vitagraph, Films 
        Célèbres, Lutta-Film, Exclusivités Jean de Merly, 
        Erka-Prodisko, Universal, Exclusivités Artistiques, etc... 
         
        Travaillant sans cesse, il ne s'en tint pas lb. A l'occasion du Centenaire, 
        voulant doter la capitale nord-africaine (l'un établissement grandiose, 
        il décida la création du Majestic d'Alger, palace qui ne 
        contiendra pas moins de 3.000 places assises et comptera parmi les cinq 
        plus grandes salles de l'ancien continent. Actuellement, les travaux battent 
        leur plein. La crise de la main-d'oeuvre sévissant particulièrement, 
        ces temps-ci, M. Seiberras a fait venir des maçons (l'Italie et 
        quatre-vingts ouvriers travaillent avec acharnement sur le chantier. 
         
        L'ouverture du 
        Majestic d'Alger est prévue pour janvier 1930. Les travaux 
        reviendront à plus de trois millions. 
         
        Deux autres salles sont également en cours d'exécution : 
        l'Empire de Casablanca, qui sera prêt pour la rentrée d'octobre, 
        et l'Empire de Fez. 
         
        J'ajouterai que M. Seiberras est concessionnaire du Pathé-Rural 
        et qu'il fait de gros efforts en vue de répandre cet excellent 
        instrument de propagande et d'enseignement 
        dans nos campagnes de l'intérieur. Efforts contre cette aversion 
        bien légitime des races arriérées pour tout ce qui 
        est nouveau et mécanique; efforts contre (les éléments 
        défavorables de toutes sortes (le manque .de courant surtout). 
         
        Mais, en véritable pionnier, M. Seiberras ne se laisse jamais décourager. 
         
        Pionnier ? oui et dans toute l'acception du terme. Le premier, il osa 
        organiser des séances cinématographiques dans les régions 
        les plus reculées du Sud algérien et marocain, apportant 
        aux quelques rares Européens - que le devoir ou la profession retient 
        loin du monde civilisé - un dérivatif infiniment précieux. 
        Le premier encore, il fit passer des films français à Tanger, 
        favorisant ainsi la propagation de nos idées clans une zone qui 
        subit l'influence, plus ou moins pernicieuse, de certains peuples étrangers. 
         
        Bûcheur infatigable, voyageur, réalisateur étonnant, 
        businessman averti, menant de front - et avec une égale intelligence 
        - l'exploitation et la location, M. Seiberras est aujourd'hui l'une des 
        figures les plus caractéristiques du cinéma français. 
         
        Le petit directeur de 1912 a fait son chemin certes, mais s'il est aujourd'hui 
        à la tête d'une situation aussi brillante, il ne le doit 
        qu'à son labeur personnel cl à sa ténacité. 
         
        Loin de se laisser griser par la réussite de ses projets, M. Seiberras 
        est resté l'homme simple, accueillant et sympathique qu'il était 
        autrefois. 
         
        Philanthrope, il faut voir avec quel tact et quel dévouement il 
        se penche sur les misères qu'il découvre I On le rencontre 
        partout où il peut prodiguer ses bienfaits, dans les hôpitaux, 
        les crèches, les asiles, etc... 
         
        Espérons que le Gouvernement français saura bientôt 
        reconnaître et récompenser comme il convient les mérites 
        d'un homme qui se place au tout premier rang de nos grands industriels 
        et (le nos vaillants colonisateurs. 
         
        ANDRÉ SAIIROUY.  
       |