ASSUS Salomon
Afrique du nord illustrée du 15-3-1919 - Transmis par Francis Rambert
nov.2021

A S S U S

Assus n'est plus. Cette nouvelle ira au cœur de tous ceux qui l'ont connu. Combien sera regretté cet artiste qui vécut dans une humilité volontaire et, discrètement, avec un air de s'excuser, caricatura les uns et les autres.

C'était un petit homme, toujours coiffé d'un chapeau mou, toujours enveloppé d'une pèlerine sous laquelle se dissimulait quelque grand carton à dessin. Il semblait retiré derrière ses sourcils épais et cette barbe qui envahissait, dévorait son visage. Il fallait franchir cette broussaille pour arriver, derrière les lunettes où son regard se glaçait un peu, jusqu'à ses yeux d'un gris bleu, si doux, si bons, éclairés souvent d'une lueur malicieuse, et inoubliable pour qui en avait reçu la généreuse lumière.

Assus aurait pu laisser seulement le souvenir d'un artiste habile à saisir l'expression d'un visage, la vérité d'une attitude.

A cette renommée qui eut, certes, servi à léguer son nom à l'avenir, il ajouta la réputation de l'homme de cœur. Et il est difficile de ne point parler de cette bonté en analysant une œuvre qui la reflète comme le plus fidèle des miroirs.

Nous n'avons plus de moralistes. Où sont les Molière, les La Bruyère,les La Rochefoucauld, les Saint-Simon ?
Sans doute, est-ce parce qu'elle s'en tient à une observation à fleur d'âme que notre littérature nous apparaît aussi superficielle. Les grandes œuvres où, en marquant une époque, l'écrivain atteint le fond même de l'humanité, sont de plus en plus rares.

N.B : CTRL + molette souris = page plus ou moins grande
TEXTE COMPLET SOUS L'IMAGE.

2.- Salomon Assus croquait la vie
pnha n°73, nov 1996
.
sur site le 16/12/2002...+ janvier 2016

3-.
SALOMON ASSUS : TEMOIN DE SON TEMPS
Texte issu , avec autorisation, de la revue n° 85 "A.F.N. Collections"
http://afn.collections.free.fr/pages/bulletin.html
janvier 2016

600 Ko
retour
 
ASSUS Salomon
A S S U S

Assus n'est plus. Cette nouvelle ira au cœur de tous ceux qui l'ont connu. Combien sera regretté cet artiste qui vécut dans une humilité volontaire et, discrètement, avec un air de s'excuser, caricatura les uns et les autres.

C'était un petit homme, toujours coiffé d'un chapeau mou, toujours enveloppé d'une pèlerine sous laquelle se dissimulait quelque grand carton à dessin. Il semblait retiré derrière ses sourcils épais et cette barbe qui envahissait, dévorait son visage. Il fallait franchir cette broussaille pour arriver, derrière les lunettes où son regard se glaçait un peu, jusqu'à ses yeux d'un gris bleu, si doux, si bons, éclairés souvent d'une lueur malicieuse, et inoubliable pour qui en avait reçu la généreuse lumière.

Assus aurait pu laisser seulement le souvenir d'un artiste habile à saisir l'expression d'un visage, la vérité d'une attitude.

A cette renommée qui eut, certes, servi à léguer son nom à l'avenir, il ajouta la réputation de l'homme de cœur. Et il est difficile de ne point parler de cette bonté en analysant une œuvre qui la reflète comme le plus fidèle des miroirs.

Nous n'avons plus de moralistes. Où sont les Molière, les La Bruyère,les La Rochefoucauld, les Saint-Simon ?
Sans doute, est-ce parce qu'elle s'en tient à une observation à fleur d'âme que notre littérature nous apparaît aussi superficielle. Les grandes œuvres où, en marquant une époque, l'écrivain atteint le fond même de l'humanité, sont de plus en plus rares.
Pour un Abel Hermant, pour un Henri Barbusse, que de pseudo-romans de mœurs, que de prétendues études de caractères !
Le théâtre lui-même cette grande chaire des moralistes ! n'est que prétexte à pantalonnades.
Je pense avec étonnement que pour avoir une idée assez exacte de notre temps et dee ses travers, c'est à l'album du caricaturiste qu'il faudra plus tard avoir recours..
La caricature... et M. Henry Bérenger, voilà la suprême défense de nos mœurs !
Quel document saisissant seront, dans deux ou trois siècles, un Forain, un Léandre, un Veber, un Guillaume.
Castigant ridendoa mores... Ils critiquent en riant. Mais peu d'entre eux échappent à la tentation de pousser cee rire jusqu'au ricanement, jusqu'au sarcasme.
On a pu dire - et Rémy de Gourmont le pensait - que les caricatures d'un Bouveyre sont de mauvaises actions. Forain, à l'esprit redoutable,souvent cynique, fait, par endroits, penser à Mirbeau.
Huart nous a donné sur la province des pages incisives où se retrouve la verve amère de Balzac et de Maupassant.
Les maintes légendes dont ces artistes soulignent leurs observations qont la forte substance et la vérité des maximes les plus célèbres.
Mais, comme dit Musset...
Mais il pend bonjours quelques gouttes de sang.
Quelle aura été la signification de l'œuvre qui nous occupe à une époque ou le porte-fusain cache des lames de bistouri.
Assus répugnait à ces sortes d'opérations.
Il fut un caricaturiste humain. Ce bon artiste me fit part souvent, de ses tribulations passées. Le journal le mandait aux grands soirs des luttes algériennes. On avait recours à lui comme à un magicien qui détient une arme dangereuse. Et on souhaitait secrètement, devant le fusain innocent, la lame cruelle et profonde.
En vain, et lorsque le brave Assus reparaissait, sa planche sous le bras, on constatait, un peu déçu sans doute, que ce nain des bonnes légendes s'était contenté de transformer en bilboquet le personnage visé, de mettre une grosse tète sur un petit corps.
Toute sa malice consistait en ceci : tirer des oreilles, allonger des nez ? Pour qui savait voir, c'était. déjà une assez pénible correction...
Je souhaite qu'une main pieuse réunisse plus tard ces pages.
Elles marquent un moment de notre petite histoire.
On ne saurait les revoir sans évoquer toute une période mouvementée, fertile en incidents héroï-comiques, en anecdotes parfois sanglantes, de la vie algérienne.
Elles illustrent nos dossiers, Ce sont de rares et précieux documents.
Mais la politique n'attirait pas beaucoup cet artiste.
C'est malgré lui qu'elle le mêlait à des luttees au milieu desquelles il se sentait dépaysé, sans goût pour une action dont sa bonté aurait eu à souffrir.
Le véritable Assus, il faut le rechercher dans ces menus croquis relevés d'une légère couleur où il a saisi d'un trait prompt les singularités de la rue.
Suivez le chez le barbier maure, à l'école arabe, dans la boutique mozabite, suivez-le dans cette kasbah où il croque si drôlement un donneur de sérénades, un ânier poussant de la trique et du poing ses ânes.
Suivez-le au bain, chez le cafetier, dans la cour mauresque où se joue une haletante partie de dames.
Assus n'a point hésité davantage devant le seuil patriarcal de ses ancêtres.
Voici le vieux juif enturbanné, la lourde juive en serre-tête, en robe brochée d'or, en babouches.
Il excelle dans l'évocation de ces ruelles turques, nids d'araignées et de cafards, et son crayon prestigieux sait entre-bailler la lourde porte sur une vieille au cou de tortue ou faire apparaître derrière le croissant doré d'un grillage, entre le pot de basilic et les cornes de bélier, le visage inconnu et mystérieux
Là, est la véritable originalité de cetl artiste.
Il lui suffi là d'un banc sur une de nos places pour nous offrir les types pittoresques d'Alger.
Il assoit, le pécheur napolitain aux boucles d'oreilles à côté du voyou de la Marine en casquette et en maillot rayé, le tondeur de chien à la peau de cuivre et aux luisantes rouflaquettes à côté du juif en turban et la vieille au cabas bariolé auprès du bleu tirailleur.
Il sait jeter, comme à pleines poignées, sur le bord d'un trottoir les biskris tapageurs, les cireurs tumultueux qui poursuivent, la brosse levée, les étrangers déconcertés.
Ceux-ci n'ont point été omis, de la miss, sèche comme hareng, au herr professor à lunettes.
Ces croquis enlevés d'une plume alerte, dénotent une observation approfondie, révèlent une patiente
étude où le sens comique n'est jamais forcé, mais où perce une malicieuse el souriante bonhommie.
Assus a mené sans pose et sans tapage une vie simple et belle, loin des tréteaux où d'autres se hissent avec une si impudente et si risible naïveté.
Il fut un passant désireux de n'être point remarqué, dans celle ville qu'il aima et qui ne nous parait pas le lui avoir suffisamment rendu.
Il laisse un fils dont il a guidé les premiers pss et qui a, d'une éclatante aurore, ébloui sa vieillesse heureuse.
Et, sans doute, aux minutes suprêmes, fut-il consolé à la pensée que son nom serait perpétué et, porté plus haut encore, à une cime inespérée.


assus salomon

-----Salomon ASSUS est né le 31 Août 1850 à Alger dans l'ancien "quartier de la Marine", rue Navarin.
-----C'est dans cet ancien quartier de la Marine qu'il vécut son adolescence.
-----A cette époque c'était le centre de la ville. Alger ne s'étendait alors qu'entre la porte fortifiée de Bab-el-Oued et celle de BabAzoun, entre le boulevard Guillemin et ce qui devait devenir la Grande Poste.
-----Salomon Assus fit ses études secondaires au grand Lycée National d'Alger où il eut pour condisciple et ami Charles de Galland. Puis sorti du lycée ce fut l'Ecole des Arts et Métiers puis l'Ecole des Beaux-Arts d'Alger installée alors dans la basse Casbah et que dirigeait le peintre Lazerges.

Premiers coups de crayon

-----En 1868, Salomon Assus, à dix-huit ans, fait paraître. en collaboration, un album intitulé : "Coups de crayon et coups de plume" charges et biographies des célébrités du moment.
-----En mars 1877 il collabore avec de Noter au "Tartempion" journal algérois satyrique, artistique et humoristique.
-----Puis il partit compléter son éducation à Paris. II y rencontra André Gill, (le caricaturiste de l'Eclipse, auteur de l'enseigne du
cabaret du père Frédé, rue des Saules : le "Lapin à Gill...". Puis il séjourna, chez sa tante, à Londres, où il compléta son éducation artistique en étudiant sur place les toiles des maître anglais. II y rencontre Gustave Doré. Son rêve, à Paris devint alors de travailler pendant une année au moins chez ce dessinateur réputé Gustave Doré. La guerre de soixante-dix et la crise qui suivit l'empêcheront de le réaliser. L'influence d'André Gill, à Paris, se fit sentir, tout au moins au début de sa carrière, dans les portraits-charges des célébrité algériennes de l'époque et que Salomon ASSUS exécuta plus tard jusque vers les années 1895-1896 pour la première page de différentes revues, notamment " Le Turco", "La Revue Algérienne "Le Charivari Oranais" puis le "Charivari Oranais et Algérois". On retrouve en effet,dans ces portraits les mêmes déformations que celles que présentent ceux d'André Gill : la tête, considérée comme le centre d'intérêt est l'objet d'une analyse formelle psychologique serrée ; son volume, pour la même raison est démesurément grossi comme pour forcer l'attention sur ce qui doit être considéré comme l'essentiel alors que le corps ne semble être là que pour exprimer l'action en s'accompagnant d' attributs particuliers au personnage. II est parfois même, chez certains, remplacé par celui d'un animal pour rendre plus évident un travers ou un trait de caractère. Mais ces traits disparurent quand ASSUS réalisa ses cartes postales. II fit alors preuve d"une technique tout à fait personnelle.

Scènes et types

-----Là, Salomon Assus fut en quelque sorte le témoin de son temps, aussi bien par les personnalités qu'il dessina que par les scènes de rue qu'il décrivit avec humour et vérité. II fit en particulier un portrait de Salomon Zennati, célèbre rabbin vénéré au XIXè siècle qui aurait porté une lettre de l'Emir Abd-el-Kader au roi Louis-Philippe en 1839.

---Parmi tant d'autres il fit les portraits de M. Eugène Robe. Conseiller Général, d'Aumerat, et de nombreuses célébrités de l'époque.
-----Ces portraits, en plus de l'attrait politique qu'ils présentaient constituaient avec les scènes et types algériens, des documents d'un vif intérêt sur l'évolution de ce pays et sur l'atmosphère qui y régnait à une certaine époque.
-----II s'appliquait, d'ailleurs à représenter les différents types d'habitants de cette Algérie de fin de siècle sous forme d'une série de groupes divers à l'habillement et au parler divers, caractérisant cette cohabitation polyethnique, à l'époque, à première vue, harmonieuse.
-----Mais avant d'en venir à ces "scènes algériennes" par lesquelles s'affirme, dégagée de toute influence, la personnalité de Salomon Assus dans toute son originalité, il convient de rappeler qu'il fut aussi un peintre d'un authentique talent. Malheureusement peu de ses peintures subsistent aujourd'hui.
-----Dans ces scènes, ces types de la rue, dans l'étude desquels il s'est entièrement réalisé témoignaient de rares dons d'observation et d'un sens pénétrant de la vie. C'est pourrait-on dire l'essence d'Alger... d'un Alger non point tant observé de l'extérieur mais vécu. éprouvé presque, dans l'invention qui n'était qu'une restitution.
-----C'est la plupart de ses dessins qui illustrèrent ensuite ses cartes postales. Cartes postales qu'il édita lui-même ; ces cartes postales humoristiques furent propagées et vendues non seulement sur tout le pourtour méditerranéen mais également dans les pays du Moyen-Orient et dans des villes de la Mer Rouge comme Aden...

Un fin lettré

-----Salomon Assus parlait couramment plusieurs langues, l'arabe, l'anglais, l'espagnol,...
-----Les sujets traités sur ces cartes étaient accompagnés de textes humoristiques. Ces cartes postales que se disputent les collectionneurs sont devenues rares aujourd'hui.
-----II en est également qui représentent la plupart des personnalités, d'Alger, et de France. L'ensemble constitue un document historique et sociologique de valeur sur toute la seconde moitié du XIXè siècle.
-----C'est également Salomon ASSUS qui immortalisa "Cagayous" ce gavroche Algérois, enfant de Bab-el-Oued. II en fit l'image pour illustrer les récits picaresques, aujourd'hui à peu près introuvables, oeuvres de son ami Robinet alias Musette et dont le succès s'est étendu jusqu'en territoire métropolitain. (on vient d'en faire une partielle réédition).
-----De nombreux dessinateurs tentèrent à Alger de l'imiter en empruntant ses sujets mais ils y apportaient, outre le superficiel de l'observation un esprit de moquerie agressive tout à fait étranger à son talent. Ses oeuvres doivent souvent être lues au second degré.
-----En effet, on chercherait en vain dans ses dessins la moindre trace d'agressivité ou d'intolérance : la vérité y est seulement rendue évidente par l'exagération de certains traits humains, dans le sens de la drôlerie sans doute, mais toujours avec l'accent de la sympathie et l'unique et l'innocent désir d'amuser et surtout de témoigner. Jamais ni critique, ni dénigrement. Attitude volontairement intransigeante qui lui fit rompre toute collaboration avec la presse à partir de l'année 1897, malgré ses grandes difficultés financières.
-----Pendant la grande guerre et après le départ de son grand fils et de ses gendres, il dut subvenir aux besoins de ses enfants et petits-enfants. Surmenage et manque d'argent, dit-on, le mirent à dure épreuve.
-----Salomon Assus est mort à Al,er en 1919 au cours de l'épidémie de grippe espagnole. Son corps est inhumé au cimetière de Saint-Eugène à Alger. Une décoration ornait sa boutonnière.
-----Une rue d'Alger portait son nom.

Docteur André Assus


Il existe le PDF avec les illustrations -600 ko - de l'article ci-après. Cliquer sur la petite image pour le visionner : assus

SALOMON ASSUS : TEMOIN DE SON TEMPS
Rien ne s'accomplit dans ce monde sans passion.
Hegel

S'il y a une époque qui fut prolifique en artistes et caricaturistes, ce fut bien la fin du XIXe siècle et le tout début du )0(e siècle. L'Algérie fut, à cette époque, le lieu de ralliement de nombreux artistes en quête d'un Orient rêvé et lointain. Il y en a un qui, par la qualité et l'abondance de ses dessins domina cet aéropage. Le portrait humoristique, la caricature, loin d'être un art mineur, exigent un sens aigu de l'observation, l'aptitude à brosser un dessin rapide mais ressemblant. Salomon Assus alliait à cette aptitude un humour, une sensibilité, une humanité et une richesse de pensée sans pareille.

Il a été vraisemblablement le précurseur d'un art nouveau : la carte postale humoristique. Au travers de ses nombreuses productions il nous livre l'Algérie de son époque : la vie de la rue, la diversité des personnages qui l'animaient. Certains ont voulu voir dans ces productions des images acerbes, intolérantes, teintées d'un racisme forcené. C'était là avoir une vision partisane de l'artiste profondément humain que fut Salomon Assus. Cela ne vous évoque-t-il pas de récents et douloureux événements ?

L'enfance et la jeunesse de Salomon Assus

Né le 31 août 1850 à Alger, rue Navarin, dans le quartier dit " de la Marine ", le jeune Salomon fut élevé dans un milieu cultivé, tolérant, ouvert à la pensée d'autrui. Il vécut son enfance et son adolescence dans ce quartier aujourd'hui disparu mais qui, à cette époque, était le centre d'Alger. C'était un lieu pittoresque avec ses gargotes, ses bars à pêcheurs, son célèbre café " l'Apollon ", son cabaret-théâtre " La Perle ".

Le jeune Salomon manifesta très tôt des dispositions pour le dessin alors que Nn m entourage ne le destinait pas à une carrière de dessinateur. Il dessinait spontanémeni, couvrant papiers, cahiers marges de livres, de personnages surprenants de vérité. (Ce n'est que bien plus tard qu'il orientera sa carrière vers la caricature et la carte postale humoristique.

Salomon fit ses études secondaires dans le " Lycée National " qui deviendra par la suite le " Lycée Bugeaud ". Ses premiers pas dans la vie professionnelle chez un notaire, un ami de son père, lui permirent d'acquérir un matériel de peinture. Cette première expérience lui fit entrevoir l'aventure morne et ennuyeuse qui l'attendait dans cette étude notariale qu'il s'empressa de quitter. Impatient de pénétrer dans le domaine de l'art, il suivit les cours de l'Ecole Industrielle des Arts et Métiers, apprit le dessin au cours du maître Sintès et produisit ses premières caricatures, genre qui l'inspira immédiatement.

Notons, par ailleurs, qu'il eut pour condisciple Edouard Herzig, autre caricaturiste bien connu des cartophiles.

Après un court séjour à l'école des Beaux-Arts d'Alger, installée dans la basse Casbah et dirigée par le peintre Hippolyte Lazerges, il partit à Paris pour compléter son éducation artistique et y rencontra André Gill, caricaturiste et auteur du fameux lapin ornant l'enseigne du cabaret montmartrois connu sous le nom de " Lapin Agile ".

C'est toujours en vue de parachever sa formation qu'il partit pour Londres. Au cours des nombreuses visites des musées de cette métropole, il étudia les techniques picturale des grands maîtres anglais. Il y rencontra le peintre français Gustave Doré, propriétaire d'une galerie d'exposition et dessinateur de grand talent. Au contact d'un tel maître en pleine renommée, le jeune Assus rêvait de poursuivre sa formation et d'entreprendre une carrière de peintre.

Le sort en décida autrement. La guerre de 1870 vint bouleverser ses projets. La défaite des troupes françaises entrainèrent la chute du Second Empire avec son lot de catastrophes : finances obérées, famines sévères et chômage incontrôlable. Cette situation économique extrêmement critique sévit par sa dévastation dans la plupart des régions françaises. Les nouvelles venant d'Algérie n'étaient guère meilleures. Sans pécule sans espoir de retrouver à court terme, une situation plus favorable à son rêve, Assus décida de regagner son pays natal. Ces difficultés financières qui furent le lot de la plupart des artistes de cette époque n'expliquent qu'en partie ce départ. Son tempérant peu entreprenant et sa timidité maladive furent aussi déterminants dans sa prise de décision.

La vie familiale et professionnelle

Marié en 1873 à une algéroise, père de nombreux enfants (" onze " dit-on), il dut dès lors s'ingénier à gagner sa vie de ses dessins et portraits commandés parfois dans la rue et les bars. L'influence d'André Gill se fit sentir dans les premiers portraits des célébrités de l'époque. Il dessina presque tous les grands noms du second empire et du début de la troisième République. Ces portraits étaient publiés dans différentes revues notamment " Le Turco ", " La Revue Algérienne ", " Le Charivari Oranais " puis le " Charivari Oranais et Algérois ".

Quelques travaux parallèles devaient lui assurer des ressources complémentaires : création de décors de théâtre, réalisation d'affiches manuscrites pour les grands magasins d'Alger. Il se plia même à l'exigence d'un numéro de music-hall à " l'Alcazar " de Marseille : il exécutait, sur scène, en un court instant, le portrait d'un spectateur bénévole. Curieuse destinée !

Assus avait la chance d'avoir à ses côtés une épouse attentive s'accommodant de cette situation précaire et prête à s'occuper de tout pour concéder à son époux le temps nécessaire pour accomplir ses nombreuses tâches.

Le dessinateur talentueux

Assus savait où trouver ses modèles : sur les quais, au marché, dans les bars, sur les places de la ville. Tôt le matin, il partait à leur recherche. Il avait un sens inné de l'observation et savait discerner les traits caractéristiques des personnages. La capitale algéroise abondait à l'époque de personnages atypiques : l'homme du Sud, sec et au teint hâlé, le Mozabite, ventripotent et à l'allure empressée, le Turc, à la barbe broussailleuse, le juif patriarcal, la bourgeoise hautaine et à rceil conquérant.

Assus marchait lentement, observant tout, le regard furtif, notant quelques mots, quelques traits saillants. Arrivé chez lui, il réalisait son oeuvre, dessinant de mémoire, recréant le personnage ou l'objet. Il les représentait avec beaucoup de talent grossissant quelques traits physiques et sachant marquer leur différence. Cette galerie de portraits a permis de conserver le contexte ethnographique de l'époque. Le caricaturiste voulait déclencher le rire en présentant ses personnages dans une situation cocasse. Rire grinçant, engendré par une situation inepte, partant à l'assaut des incompréhensions, des intolérances, des rejets entre les communautés composant une population aussi bigarrée que celle de l'époque. Pas de racisme, pas d'antisémitisme outrageant. Assus reste fidèle à ses origines humbles, à son détachement de toute religion.

La carte postale. témoin d'une réalité oubliée

assus, marchand de beignets



Vers la fin de sa vie alors que son fils et ses gendres étaient au front. Assus eut la lourde tâche de faire vivre sa famille, son vieux père, les sept enfants qui lui restaient et ses petits-enfants. Il se tourna vers la carte postale.

Il en dessina et en imprima très tôt mais au début, elles restaient accessoires dans son oeuvre. Mais de 1898 à 1906, la demande se fit croissante. Elles devinrent son occupation principale et son unique source financière.

Les lois scolaires de 1882 rendant l'enseignement obligatoire pour les enfants français contribuèrent à faciliter l'accès à la lecture et l'écriture. La carte postale bénéficia de ces mesures. Par ailleurs, elle se révéla être un document historique authentique, témoin des moeurs et travers d'une époque.

Assus fut sans conteste possible le grand précurseur de la carte postale humoristique. Il ne fut pas l'inventeur de la carte postale mais il sut y introduire l'humour. l dehors de l'aspect commercial, la carte postale devint un objet d'étude pour les historiens ut sociologues. Elle permettait d'apprendre mieux qu'avec un livre, ce qu'était la lue ru Algérie. Document historique incontestable, elle permet de faire l'inventaire des (tillé rentes ethnies qui se sont fondues en un peuple neuf et original.

Conclusion

Le surmenage et le manque d'argent furent, pour Assus, en fin de vie une dure épreuvee. Il mourut à Alger en 1919 emporté par la grippe espagnole. Il fut inhumé au cimetière de Saint Eugène à Alger.

Claude BARNIER

Bibliographie
" Salomon Assus " André Assus et Jean-Pierre Badia. Editions Jacques Gandini
Sites internet.