L'équipement technique moderne de l'Administration algérienne des P.T.T.
La mise en service à Alger
du téléphone automatique

Une visite des installations modernes

Après les liaisons radiotéléphoniques bilatérales France-Algérie et l'installation d'un réseau de câbles téléphoniques souterrains reliant Alger aux principaux centres des départements voisins, l'Administration algérienne des P.T.T. (à la tête de laquelle préside un polytechnicien ; M. Escande, jeune et actif directeur, brillamment secondé pour la partie technique par M. Lelluch, également polytechnicien et ingénieur en chef des P.T.T.) va compléter son équipemènt moderne par la prochaine mise en service du téléphone automatique.

De plus en plus l'automatisme tend à s'imposer dans tous les domaines de la vie publique et le téléphone ne devait pas échapper à cette évolution.

Dès 1930, Blida était équipée du téléphone automatique, puis ce fut le tour de Bel-Abbès, Sétif, Tiaret, Mas, Mostaganem, Oran, Constantine, Bône. L'installation d'Alger, qui présentait un travail considérable, vient d'être terminée et sera mise en service dans quelques semaines.

Par une aimable attention de MM. Escande et Lelluch, nous avons été con
vié à une très intéressante visite du nouvel équipement, visite des plus instructives grâce aux nombreux renseignements fournis par les ingénieurs de l'administration, MM. Lelluch et Dèzes, et de la Compagnie des téléphones Thomson-Houston, MM. Delpoux et Charvet, qui a construit et installé les organes automatiques.
(suite sous l'aticle)

Echo d'Alger du 24-5-1938, adressé par notre fureteur* Francis Rambert
mise sur site : février 2014
* Le fureteur, rubrique dans "Spirou", dès le 1er n° en 1938. Il était répondu aux questions des lecteurs.

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La mise en service à Alger

L'ancien téléphone dit manuel

Au préalable, donnons quelques explications sur le fonctionnement du té léphone que, pour la commodité de notre exposé, nous appellerons téléphone manuel et qui, depuis plus de trente ans. a assuré cet important service public.
Tous les abonnés d'Alger, dont le nombre atteint dix mille, sont raccordés à la Grande Poste sur deux multiples, l'un en batterie locale pouvant recevoir 7.000 abonnés, l'autre en batterie centrale recevant 3.000 abonnés.

Au central, les téléphonistes sont assises devant des panneaux meublés de tablettes horizontales percées d'innombrables trous appelés jacks ou prise femelle. A ces panneaux aboutissent les lignes d'abonnés qui s'épanouissent en un certain nombre de dérivations appelées " multiplage ". Dans le bas des panneaux arrivent également un certain nombre de lignes d'abonnés (100 sur le meuble à batterie locale et 180 sur le meuble à batterie centrale). L'opératrice, assise devant ce panneau, a à surveiller et à répondre aux, appels des abonnés précités. Ces appels se manifestent par l'allumage d'une petite lampe. La téléphoniste dispose de seize cordons souples, appelés dicordes, qui lui servent à établir les connexions entre abonnés et les autres services.

Lorsque l'un de ces abonnés appelle le central, la lampe commandée par son circuit s'allume. L'opératrice répond et. en même temps que son correspondant énonce son numéro, elle approche la fiche libre du cordon dicorde vers le groupe des mille et des centaines annonces et, dès lors, elle a vite fait de se trouver en face des dizaines et de
l'unité terminant le numéro demandé.

La communication prenant fin, l'abonné provoque, soit par le raccrochage de son combiné soit par un tour de magnéto, soit en appuyant sur le bouton d'appel, l'allumage d'une autre lampe dite de fin de communication, ce qui avertit l'opératrice qui n'a plus qu'à s' assurer de la fin de conversation.

Lorsqu'un abonné demande à correspondre avec l'interurbain, l'opératrice du tableau dispose d'un certain nombre de jacks lui permettant de passer son abonné au service de " l'inter ", où une annotatrice inscrit la demande sur une fiche, ces fiches, après classement par localité, sont remises par les boulistes aux opératrices interurbaines desservant les localités demandées.

Le téléphone automatique

Le téléphone automatique est un merveilleux mécanisme, actif, précis, discret et infatigable qui remplace les yeux, les oreilles, les bras et le cerveau des 'téléphonistes.- Tout cela, grâce au simple fonctionnement de petits électro aimants classiques, commandés directement par l'usager, sans aucune autre intervention, tout au moins en ce qui concerne les communications urbaines et, bientôt, celles de la périphérie algéroise.

Comme nous l'avons fait pour le téléphone manuel, nous allons donner quelques explications élémentaires sur le principe de fonctionnement de l'automatique.

Tous les appareils installés chez les abonnés sont munis d'un cadran d'appel constitué par un disque percé de dix trous en face desquels sont inscrits dix chiffres.

Pour appeler un correspondant, il suffit, après avoir décroché le récepteur et entendu dans l'écouteur un signal l'invitant à numéroter, d'introduire le doigt successivement dans les trous du disque mobile correspondant au chiffre formant le numéro de l'abonné demandé et de faire tourner chaque fois le disque, dans le sens des aiguilles d'une montre, jusqu'à une butée d'arrrêt; puis de l'abandonner pour qu'il revienne de lui-même à son point de départ.

Ces simples manoeuvres actionnent chaque fois des électro-aimants formant relais. Dès le décrochage de son récepteur, l'usager connecte automatiquement sa ligne sur un enregistreur qui enregistre les chiffres composés par l'abonné et les retransmet, commandant ainsi toujours automatiquement les sélections successives jusqu'à la connexion avec le correspondant demandé. Dès ses ma-Dès ses manipulations terminées, .le demandeur perçoit dans l'écouteur un signal d'attente indiquant que ses ordres sont en train de s'exécuter et, sitôt après, un signal très caractéristique dénommé " retour d'appel " l'informera que la sonnerie du poste appelé est actionnée.

Si le poste est occupé, un autre signal à cadence musicale lente dit " signal d'occupation " se fait entendre et le demandeur n'a plus qu'à raccrocher et à rappeler quelques instants après.

Pour obtenir automatiquement l'interurbain, les renseignements ou les réclamations, le demandeur, après avoir décroché son microphone, n'a qu'à entraîner deux fois le disque mobile en composant les chiffres indiqués au cadran même.

L'interurbaio a par exemple, le chiffre 10. Après l'établissement de cette combinaison, l'abonné sera automatiquement et directement relié avec l'inter sans passer par l'annotatrice, ce qui est un gain de temps appréciable. L'opératrice de l'inter, après avoir noté le numéro demandé, prie alors son correspondant de raccrocher et l'appelle quelques instants après ; ce rappel est fait pour s'assurer de l'identité du demandeur et éviter que des " resquilleurs " empruntant le numéro d'un abonné ayant des provisions puissent obtenir des communications interurbaines au frais de l'abonné précité.

Cette nouvelle disposition de l'interurbain permet un écoulement plus rapide du trafic, car si l'opératrice ne peut obtenir immédiatement la communication demandée, elle note et passe l'instance, grâce à un minuscule tapis roulant, à l'une de ses collègues spécialisée pour l'établissement de ces communications différées.

Toutes les communications urbaines ou interurbaines seront payantes

Toutes les communications urbaines, sauf celles à destination des services spéciaux (numéros à deux chiffres) seront payantes ; elles viendront s'ajouter au forfait actuellement en pratique, mais ce dernier sera réduit dans de sensibles proportions. Un compteur notera automatiquement le nombre de conversations urbaines de chaque demandeur. En effet, les communications entre abonnés urbains s'établissent automatiquement sans le secours d'une opératrice. Aussi a-t-on chargé un compteur d'inscrire chaque conversation.

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Le montage de l'automatique s'est fait, sans interrompre ni gêner le service quotidien du téléphone manuel, sous la direction de M. Charvet, ingénieur de la Compagnie Thomson-Houston, adjudicatrice de ces installations, et avec le concours des services techniques des P.T.T. sous le contrôle de M. Dèze, ingénieur des P.T.T.

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Quelques détails supplémentaires. Si l'on ajoutait bout à bout les circuits des abonnes algérois du téléphone, on pourrait facilement établir un circuit qui ferait un tour complet de la terre. 11 y à en effet 40.000 kilomètres de lignes à deux conducteurs

Toutes ces lignes arrivent aux centraux par de gros câbles qui aboutissent à des tunnels. De là, ces câbles sont amenés dans un ordre parfait jusqu'aux salles des répartiteurs, où les circuits d'abonnés s'épanouissent, classés par centaines, sur des châssis où chaque ligne est protégée par des fusibles, des parafoudres, des bobines thermiques. En outre, des lampes d'alarme signalent, automatiquement, les avaries sur chaque section.

Dans ces salles se trouvent des tables de contrôle et de mesure de haute précision qui permettent de déterminer rapidement la cause et le lieu d'un dérangement.

Dans chaque central automatique, des tables identiques assurent, de même, la localisations de tout mauvais fonctionnement des organes automatiques.

Si l'on sait que dans un simple cadre des circuits de l'automatique, cadre de 60 centimètres au carré, il y a 24.000 connexions soudées, l'on appréciera le rôle et l'importance de ces tables de contrôle qui, cependant, sont rarement mises au travail..

En terminant, signalons que l'administration s'efforcera de réaffecter le plus grand nombre possible de teléphonistes dont l'emploi sera vacant par suite de la nouvelle installation.

Remercions tout particulièrement M. Escande, directeur des services algériens des P.T.T. : M. Lelluch. ingénieur chef des P.T.T. et M. Delpoux. ingénieur en chef de la Compagnie Thomson-Houston d'Algérie, pour l'amabilité avec laquelle ils nous ont documenté.

Fred BEDEIL