Alger, quartier de la Marine et alentours
LE VIEIL ALGER
La démolition du quartier - 1933
Hygiène. Urbanisme. Esthétique

Les vieux et pittoresques quartiers de la Marine doivent disparaître.
Une population de plus de dix-huit mille personnes vit dans ces maisons lépreuses, branlantes et vermoulues qui ne tiennent que par miracle et où les plus élémentaires lois de l'hygiène ne peuvent être respectées. Des familles entières sont logées dans d'étroites pièces envahies par la vermine et ne prenant jour que sur des cours intérieures profondes et froides comme des puits, ou des ruelles larges comme des couloirs que le soleil ne visite jamais.

Des enfants poussent dans cet air vicié et ne disposent, comme terrain de jeu, que du pavé gras de l'étroite rue sur laquelle s'ouvre le non moins étroit logis où toute la famille s'abrite.

Pour une superficie de 100.000 mètres carrés, il n'existe que 13.000 mètres carrés de voirie, c'est -à-dire qu'il y a fort peu de possibilité d'air et de lumière.

[...] Cinq groupes de constructions, situés en cinq points différents d'Alger permettront de loger intégralement, — le recensement de l'actuelle population du quartier de la Marine ayant été fait personne par personne, — les quelque dix-huit mille habitants de ce quartier, y compris ceux qui, après la catastrophe de la rue des Consuls, évacuèrent leurs logis et sont depuis abrités dans les baraques au Champ-de-Manoeuvres - baraques où entre parenthèse ils se trouvent fort bien et que beaucoup ont transformées en « petites villas avec jardinet ».
(suite sous l'article)


Echo d'Alger du 3-2-1933 - Transmis par Francis Rambert

sur site : juin 2014

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Dans le plan de reconstruction que M. Molbert, Ingénieur en chef et M. Barbara, directeur de la Régie foncière de la ville d'Alger, nous ont exposé hier la superficie des constructions sera de 50.000 mètres carrés et celle de la voirie de 50.000 mètres carrés également.

Et dans ce quartier parfaitement organisé, où se dresseront trois ou quatre importants gratte-ciel, ne seront logés, au lieu des 18.000 habitants qui occupent l'actuel quartier, que quatre mille personnes.

Mais où se réfugiera donc cette population composée de pêcheurs, d'artisans et d'ouvriers ?
MM. Molbert et Barbara nous l'ont expliqué.

Depuis déjà longtemps, la démolition de ce quartier est prévue.

Mais avant de détruire, il s'agissait de pouvoir loger les habitants expulsés.

C'est à ce travail ardu et compliqué que la Régie foncière, constituée depuis fin mai 1932 seulement, a apporté tous ses soins.

A l'heure actuelle, dotée des terrains cédés à bas prix par la ville, ou d'emplacements acquis à des particuliers, la Régie foncière ayant fait établir des projets par ses architectes, MM. Bevia. Bienvenu, Ferlié et Preuilh, nous présente un dossier complet comprenant, outre les devis. une série de plans judicieux et de maquettes longuement étudiées.

Pour la première tranche des travaux, la Régie foncière envisage un emprunt de cent millions garanti par la ville d'Alger qui, dans cette entreprise, faisant un apport de 40 % du capital contre CO % de capital étranger aura droit, dans le conseil d'administration, à un pourcentage proportionnel à son apport financier.

Les sommes investies dans cette première tranche se répartissent ainsi :
Acquisition des terrains : 7.250.000
Construction des immeubles : 59.000.000
Acquisition dans les quartiers de l'ancienne Préfecture : 16.004.000
Préparation de la 2° tran- che de travaux : 9.000.000

Pour que les travaux puissent commencer plus rapidement, la Régie foncière a sollicité le concours des banques, qui ont accepté d'escompter l'emprunt prévu dès que paraîtra le décret approbatif du président de la République, décret indispensable puisque l'emprunt doit être garanti par la ville d'Alger.

Cinq groupes de constructions, situés en cinq points différents d'Alger permettront de loger intégralement, — le recensement de l'actuelle population du quartier de la Marine ayant été fait personne par personne, — les quelque dix-huit mille habitants de ce quartier, y compris ceux qui, après la catastrophe de la rue des Consuls, évacuèrent leurs logis et sont depuis abrités dans les baraques au Champ-de-Manoeuvres -- baraques où entre parenthèse ils se trouvent fort bien et que beaucoup ont transformées en « petites villas avec jardinet ».

Le premier groupe s'élèvera sur l'emplacement des anciennes messageries à Bab-el-Oued et sera limité par l'avenue Malakoff, le boulevard de Provence l'avenue des Consulats, la. rue du Dey et la rue de Dijon. Il sera réservé à tous les pêcheurs européens et indigènes et pourra abriter cieux mille personnes.

Le second occupera un emplacement en bordure de la mer, boulevard Malakoff et recevra 700 personnes.

Le troisième sera construit rue Léon- Roches, en face de la fabrique de tabac Mélia et est prévu pour abriter 1:Nti- personnes.

Le quatrième se dressera entre le jardin d'Essai et les usines Lebon, et recevra 1.000 habitants. Quant au cinquième, qui sera réservé aux indigènes il sera situé au Climat de France et abritera 2.300 personnes.

Ce dernier comporte deux genres de construction :
1° Une série de maisons individuelles constituant une véritable petite casbah moderne aérée et agréable de ligne.

2° Un groupe do maisons collectives construites cependant de façon à donner à chaque famille cette impression d'inviolabilité de la vie privée à laquelle les indigènes tiennent encore beaucoup.

Ces différents groupes de constructions sont rceuvre, le premier de M. Ferlié, le second de M. Bienvenu. le Toisième de M. Bévia, le quatrième de M. Preuilh et le cinquième de M. Bienvenu.

Tous ces immeubles sont d'une conception très moderne et bien que construits le plus économiquement possible sont d'un aspect coquet et accueillant.

Quatre catégories de logements sont prévues et les plans sont établis de telle façon que chaque appartement jouira de deux expositions permettant ainsi une saine et vivifiante aération.

Et ce n'est que lorsque ces importantes constructions seront édifiées, après avoir ainsi donné dee logements gais et clairs à toute cette population qui vit maintenant dans des conditions déplorables de salubrité et d'aisance, que l'on songera à démolir ce quartier témoin des premiers jours de l'occupation française.

Mais l'hygiène et l'urbanisme ne peuvent, hélas, s'accommoder de ces vieux souvenirs et la ville d'Alger, grande cité et capitale, se devait de supprimer ce quartier inesthétique, centre d'infection redoutable et de promiscuité dangereuse.

Albe.