sur site le 28/12/2001
-MONSEIGNEUR SAHARA le GRAND MARABOUT BLANC
Dans son petit avion blanc, coiffé d'une chéchia rouge, un prêtre, habillé d'une gandourah blanche, regarde du ciel son diocèse. Il en est très fier et pour cause, il est l'évêque titulaire du Sahara, le plus grand diocèse du monde. Surnommé "le Grand Marabout blanc" par les Musulmans, Monseigneur Georges Mercier sera consacré le 8 Décembre 1948 vicaire apostolique du Sahara
pnha, n°29/ octobre 1992

-----Dans son petit avion blanc, coiffé d'une chéchia rouge, un prêtre, habillé d'une gandourah blanche, regarde du ciel son diocèse. Il en est très fier et pour cause, il est l'évêque titulaire du Sahara, le plus grand diocèse du monde. Surnommé "le Grand Marabout blanc" par les Musulmans, Monseigneur Georges Mercier sera consacré le 8 Décembre 1948 vicaire apostolique du Sahara et évêque de Célérina par la grâce de Dieu. Il allait diriger pendant près de 20 ans un territoire de deux millions cent vingt mille kilomètres carrés de superficie soit 4 fois la France. Deux diocèses sont plus vastes que le sien, celui de l'Hudson et celui de l'archipel Hawaï. Mais le premier est fait de huit millions de km2 de glace et le second de trois millions de km2 d'eau. Mais si le diocèse du désert est vaste, il est petit par le nombre des fidèles : seize mille seulement, groupés dans 150 oasis. Délaissant les trois départements d'Algérie, la "Mission du Sahara" comprend, en effet, une partie de la Mauritanie, du Soudan français et du Niger.
----- Chaque année, Monseigneur Sahara, affectueusement appelé ainsi par ses fidèles, parcourra 20.000 kms de son vicariat. En chéchia rouge, la croix pectorale en or cachée sous son burnous, il va d'oasis en oasis avec, pour tout bagage, une cantine de 30 kg et un petit autel portatif qu'il appelle sa valise-chapelle. Il va ainsi, baptisant, confirmant, célébrant la messe, tantôt dans une petite église blanche ou rouge suivant les lieux, tantôt dans une simple salle aux murs blanchis à la chaux. Il effectue des pointes jusqu'au campement de ces petites sœurs de Jésus qui vivent sous la tente et fait régulièrement l'ascension de l'Asekrem, qui veut dire en langage Tamahak "la fin" pour se recueillir par fidélité en souvenir de Charles de Foucauld et répéter avec lui "c'est un beau lieu pour adorer le créateur".

Père blanc par amour du soleil
-----Georges Mercier naquit en 1902 à Carignan près de Sedan. Dès sa plus tendre enfance, Georges Mercier aspirait à quitter ses paysages noirs et gris et ne rêvait qu'à des sites plus ensoleillés. Il voulait devenir missionnaire. Au séminaire il découvrit le secret pour se rendre en Afrique du Nord et y rester. Il suffisait de se faire admettre comme stagiaire à l'Ecole des pères blancs de Carthage avant de se faire incorporer dans les troupes d'Afrique pour y accomplir son service militaire. De 1939 à 1941, il fut visiteur des postes de mission des pères blancs en Afrique du Nord, Kabylie et Sahara. En 1941, il sera nommé préfet apostolique du Sahara et en 1948, évêque de Célérina et du Sahara. Célérina n'est qu'une petite bourgade, à 17 km d'Hippone qui s'appelle à présent Quebarbou Aoun. Mais du temps de Saint Augustin, elle portait le nom du secrétaire romain Celer qui signifie "rapide". Cet évêque nomade a voulu être effectivement le plus rapide lorsqu'il prit l'avion pour mode de locomotion, digne héritier spirituel de Saint Augustin et Charles de Foucauld.

La préfecture apostolique du Sahara
-----Le 6 Août 1868, la congrégation de la propagande érigeait la préfecture apostolique du Sahara -Soudan et la confiait à Mgr Lavigerie, archevêque d'Alger qui recevait le titre et les pouvoirs de délégué apostolique. Cette mission fut bientôt prise en charge par la société des missionnaires d'Afrique, les pères blancs, fondée par Mgr Lavigerie à la même époque.

----Le 19 Juillet 1901, un décret de la congrégation de la propagande séparait le Sahara du Soudan et faisait du Sahara, une préfecture apostolique distincte. En 1920, cette préfecture recevait le nom de "Ghardaïa in Sahara". La mission eut des débuts difficiles. Le premier poste fondé en 1872 à Laghouat fut très vite abandonné. A deux reprises, des missionnaires tentèrent de traverser le Sahara pour pénétrer au Soudan. Chaque fois, les trois missionnaires furent massacrés. La seconde tentative avait eu lieu le 15 Janvier 1876. Les pères Paulmier, Bouchand , Menoret quittèrent la capitale des chaamba pour Tombouctou afin de s'y établir. Ils se laissèrent guider par les anciens prisonniers touareg qu'ils avaient soignés. Après E1 Golea, on perdit leurs traces. Le 13 Avril, on apprit leur massacre. Trois ans après, on retrouvera leurs restes à demi carbonisés, à E1 Makra, près de l'Oued Mya, à 120 km au Sud d'El Goléa. De 1883 à 1920, les 10 Pères Blancs se répartirent la tâche de l'implanter à Metlili et à El Goléa mais ils durent bientôt abandonner la place ; puis ils portèrent leurs efforts sur Ghardaïa et Ouargla - les sœurs blanches s'installèrent à Biskra, à Laghouat, à Ghardaïa. Elles n'étaient qu'une vingtaine. C'était du temps de Mgr Toulotte et de Mgr Guerin, que les missionnaires vénèrent comme des saints. Enfin de 1920 à la guerre, Mgr Nouet donna un grand essor à la mission qui comptera 13 postes, 16 annexes, 30 communautés, écoles de garçons, 4 centres de formation professionnelle, 4 orphelinats, 21 ouvroirs et écoles ménagères. Aux 4.240 enfants qui fréquentent ces 35 établissements scolaires de tout degré et de tout genre, 54 Pères Blancs, 130 sœurs blanches et 60 laïques européens ou musulmans se consacrèrent à longueur d'année avec un dévouement inégalable.

-----Sait-on que c'est à la suite d'une remarque fort désobligeante d'un général que le cardinal Lavigerie prescrivit la venue des Pères Blancs ?
"Quelle est cette congrégation de dragons que vous avez fondée ?", dit un jour le général à l'archevêque d'Alger. En effet, les premiers missionnaires portaient autant de tenues qu'ils étaient de pères.
Certains avaient des bottes et même des yatagans. Quant aux chéchias, elles étaient de toutes les formes. Alors, le cardinal décida que les Pères Blancs auraient tous une gandourah et un burnous blanc, une chéchia rouge (celle portée par les Juifs) et des souliers bas noirs.

----- Monseigneur Mercier, en 1968, démissionnera du diocèse de Laghouat s'estimant atteint par la limite d'âge. Il sera remplacé par Monseigneur Jean-Marie Raimbaud, décédé en 1989, puis par Monseigneur Michel Gagnon (canadien), nommé le 14 Février 1991.
Le diocèse sera à peine réduit par la suppression des territoires soudanais, nigériens et mauritaniens.

-----Monseigneur Mercier se retirera dans les communautés de Pères Blancs à Bonnelles près de Bry-sur-Marne et Tassy dans le Var où il décèdera le 27 Août 1991, voici un an. Un grand serviteur de Dieu, de la mission au Sahara nous a quitté. Il a dû, pour ce voyage sans retour, reprendre, une dernière fois, le petit avion blanc...

J.-M.L