les feuillets d'El-Djezaïr
Henri Klein

Commémorations urbaines et extra-urbaines
-Statue du Maréchal Bugeaud
sur site le 26-5-2009

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Commémorations urbaines et extra-urbaines
Statue du Maréchal Bugeaud

Ce bronze, modelé par le statuaire Dumont, de l'Institut, et fondu par MM. Eck et Durand, fut inauguré, place d'Isly, le 14 août 1852. (Le 5 septembre 1853, on inaugura une statue identique, dans le pays de Bugeaud, à Périgueux) (1 La statue de Périgueux fut érigée sur la place du Triangle.).

Le maréchal, dont tout Français connaît l'effigie maintes fois reproduite, est représenté en tenue de campagne et tête nue ( Le sabre que reproduisit le bronze, a été modelé sur celui que portait Bugeaud à la bataille d'Isly.). Des étendards marocains sont auprès de lui. L'oeuvre repose sur un piédestal taillé dans un bloc de porphyre, du Cap-de-Fer. Une grille octogonale, composée de flèches, de piques et de javelots se renouvelant en faisceaux à chaque angle, entoura en 1855 le monument.

Une inscription devait en principe, être gravée sur le socle. Elle eût fait connaître que la statue du vainqueur d'Isly avait été érigée " au moyen d'une souscription ouverte parmi la population et l'armée et avec l'aide du trésor de l'Etat ". Mais aucun texte ne figura sur le socle. Il en fut ainsi jusqu'à 1909, de telle sorte que, pendant plus d'un demi-siècle, nombre d'étrangers purent passer devant la statue, en possibilité d'ignorer quel personnage elle représentait.

Ce fut le Secrétaire général du Gouvernement, M. Mercier-Lacombe, qu'on nomma président du Comité de souscription : Le monument coûta exactement : 45.716 frs 15 centimes. L'Etat prit à sa charge la fourniture du piédestal.

Pour l'établissement des fondations les ingénieurs durent détourner le groc aqueduc qui traversait la place. (On sait que celui-ci fit longtemps dénommer " rue de l'Aqueduc " (3 Jusqu'au 17 octobre 1844.) l'actuelle rue d'Isly).

Cette voie, le jour de l'inauguration, était dans toute sa longueur, décorée de drapeaux, de bannières et d'oriflammes. Des bigues reliées par des guirlandes de feuillage, portaient des écussons redisant les noms des batailles gagnées par le maréchal et ceux des villages fondés sous ses auspices. Des banderoles flottaient partout, avec la devise de Bugeaud : " Ense et aratro ".

Des tribunes étaient dressées devant la statue où avait pris place le Tout-Alger.

Autour du monument apparaissaient des trophées d'armes auxquels avaient été joints des instruments agricoles " pour rappeler le double caractère de l'homme qu'on célébrait ".

La cérémonie eut lieu à cinq heures du soir, en présence du Gouverneur général Randon, du général Espinasse, aide de camp du prince Napoléon ; du capitaine Trochu, ancien aide de camp du Maréchal, représentant le ministre de la Guerre, Saint-Arnaud ; du général Ferray, gendre du Maréchal ; du statuaire Dumont et de nombreuses notabilités civiles et militaires.

Au milieu de la solennité, quelques instants furent consacrés à une petite cérémonie.

L'évêque Pavy (qui venait d'être fait commandeur de la Légion d'Honneur), procéda au pied de la statue, devant un autel improvisé, au mariage de deux orphelins de l'Assistance religieuse : Antoine Boulet et Victorine Dijou, pour la dot desquels le Président de la République avait envoyé 500 francs, le préfet et le général Ferray, chacun 200 francs. Une " concession " dans le village de Castiglione, avait été en outre octroyée aux jeunes époux.

La présidence de ce mariage fut donc le dernier acte " officiel " de l'illustre Maréchal !

Un défilé de troupes eut lieu ensuite devant le monument. En tête, se voyaient des détachements composés d'hommes ayant assisté à la bataille d'Isly.
Les chasseurs d'Afrique en passant devant Bugeaud, jouèrent aux applaudissements frénétiques du public, l'air de la " Casquette ", tandis qu'immobilisé sur les crètes qui dominent la place, le reste des troupes présentait les armes, " formant ainsi un fond de tableau d'un effet à la fois pittoresque et imposant ".

L'Illustration donna de cette scène une reproduction, dans son numéro du 4 septembre 1852.

La victoire d'Isly, à laquelle le maréchal Bugeaud dut son titre de duc, fut remportée le 14 août 1844. L'Histoire conserve le souvenir de deux batailles d'Isly, livrées aussi dans le mois d'août, l'une en 1250, l'autre en 1272, entre les partisans des Fatimides et ceux des Mérinites.

Détail curieux, le maréchal Bugeaud ne consentit jamais à acquitter les droits de chancellerie s'élevant à 18.000 francs, auxquels le soumettait l'attribution de son titre de duc - titre que, de ce fait pourrait-on dire, le héros d'Isly porta illégalement.

Les Algériens voulaient en principe que la statue fût dressée sur la place Bresson. (La souscription algérienne s'était élevée à 16.876 francs, somme assez importante pour la Colonie naissante).

Le Ministre s'opposa au voeu exprimé et décida que le monument serait érigé sur la place d'Isly.

Afin de faciliter l' ceuvre du statuaire Dumont, la duchesse d'Isly mit à la disposition de celui-ci les costumes du Maréchal et un buste qui reproduisait, très heureusement, les traits de ce dernier.

En juillet 1852, le Maréchal Randon, gouverneur général, donna des ordres pour qu'on plaçât dans les fondations du monument, une cassette de cèdre recouverte d'une enveloppe de plomb, dans laquelle avaient été déposées une médaille représentant la physionomie du célèbre soldat, des pièces de monnaie au millésime 1852, et l'inscription suivante :

" Ce monument, destiné à perpétuer la mémoire du Maréchal Bugeaud, duc d'Isly, ancien Gouverneur général de l'Algérie, a été élevé avec les fonds d'une souscription ouverte dans la population et dans l'armée et avec l'aide du Trésor de l'Etat, sous le Gouvernement du prince Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République Française, le général de Saint-Arnaud étant ministre de la Guerre et le général Randon, gouverneur général de l'Algérie - par les soins d'une Commission présidée d'abord, par les généraux de Saint-Arnaud et de Crény, et en dernier lieu, par M. MercierLacombe, secrétaire général du Gouvernement.

" Les porphyres du piédestal ont été extraits des carrières du cap de Fer, sous la direction de M. Billiard, ingénieur des Ponts et Chaussées, et amenés à Alger par la Marine Nationale.

" La statue, exécutée par M. Dumont, membre de l'Institut de France; a été coulée en bronze par MM. Eck et Durand, fondeurs à Paris.

" Le monument a été commencé le 1er juin 1852, avec le concours simultané des ingénieurs Coumes et Piarron de Mondésir et de l'architecte Guiauchain, d'après les plans de M. Blouet, membre de l'Institut ".

Cependant le point d'érection adopté pour l'oeuvre de Dumont ne devait pas demeurer maintenu plus que soixante quinze ans, car en septembre 1927, le monument fut démonté et reconstitué sur un côté de la place, cela, pour permettre à l'intense circulation roulante toujours en progression, de s'effectuer en moindre difficulté.

Lors de la cérémonie de 1852, c'était le collège Arabe-Français qui occupait (on l'a vu en une précédente page, l'actuel Hôtel du Général en Chef, lequel devint d'abord, en 1876, quartier général de la Division.

Indiquons que les Chefs du XIXe Corps furent : Les généraux, Osmont, 1878 ; Saussier, 1880 ; Loysel, 1881 ; Davout, duc d'Auerstaed, en 1884 ; Delebecque, 1885 ; Bréart, 1889 ; Dufaure du Bessol, 1891 ; Hervé, 1893 ; Larchey, 1895 ; Grisot, 1900 ; Caze, 1901 ; Servière, 1904 ; Bailloud, 1908 ; Moi- nier, 1913 ; Nivelle, 1918 ; Niessel, 1920 ; Paulinier, 1921 ; Boichut, 1923 ; Naulin, 1926 ; Georges, 1930 ; Noguès, 1933 ; Catroux, 1936.

Indiquons d'autre part, qu'il fut, comme sur la place d'Isly et sur la place du Gouvernement, procédé à des dépôts monétaires, lors de la pose de la première pierre : de la galerie de la Grande Mosquée, en 1837, et du boulevard de l'Impératrice en 1860.

Il en fut de même pour diverses constructions de la ville. Citons :

La Cathédrale, dont l'une des pierres, le 15 août 1852, jour de l'inauguration des travaux d'agrandissement de ce temple, reçut deux boîtes de plomb contenant respectivement des monnaies d'argent et de cuivre à l'effigie de Napoléon et un procès-verbal gur parchemin mentionnant ce dépôt.

L'ancienne usine à gaz, voisine du fort Bab-Azoun où en 1861, furent enfermés, en un bloc de maçonnerie, des documents du même genre.

Le Palais Consulaire, dans les fondations duquel, le 29 juin 1889, en présence de M. Tirman, fut déposée une boîte de métal contenant le procès-verbal de la cérémonie ainsi que cinq pièces d'argent et sept de cuivre, au millésime de l'époque.

" La pierre renfermant ces documents, dit au rapport, est celle encastrée dans le deuxième pilier (à partir du boulevard), des fondations de la façade latérale, à la côte de 4 m. 17, au-dessus du niveau de la mer ".