Alger, la rue d'Isly, place d'Isly et environs.
Texte issu , avec autorisation, de la revue n° 36 "A.F.N. Collections"
http://afn.collections.free.fr/pages/bulletin.html
Texte: Jean-Marc LABOULBENE.
Illustrations : les miennes
sur site le 1-09-2003

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------En 1844, la rue de l'Aqueduc, qui devait son nom au passage de l'aqueduc du Hamma sous la voie, devint la rue d'lsly.

------La rue s'arrêtait à un rond point, la future place Bugeaud. Au delà c'était le quartier du roulage avec ses petites guinguettes populaires, ses échoppes et ses petites industries. Peu d'immeubles étaient construits. Une route en mauvais état conduisait à la porte d'Isly. La porte se trouvait sur une placette, où fut érigé en 1896, le buste du Dr. Maillot .

.Extraits de " Esquisses anecdotiques et historiques du Vieil Alger ",Fernand Arnaudies, Collection Outremers, éditions A.Barthélémy, Avignon, 1990.
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Le nom de Maillot est intimement lié aux succès notables de la lutte qui dut être menée en Algérie contre le paludisme. Nul n'ignore que ce médecin militaire, né à Briey (Moselle) en 1804, mort à Paris en 1894, introduisit en Algérie l'usage courant de la quinine. On sait aussi la portée de son rôle, les heureux résultats de son action, de son dévouement sans limites.
-------- Sa mort ne laissa pas les Algériens indifférents. De nombreux témoignages le prouvèrent. C'est ainsi qu'en 1880 le nom de Maillot fut donné à un village de Kabylie et, durant la guerre 1914-1918, à l'hôpital militaire du dey.
--------Mais, dès 1895, on ouvrit à Alger une souscription en vue d'élever un monument à la mémoire du grand médecin.
--------Modeste stèle en vérité, simple colonne sans prétention, surmontée d'une effigie due au ciseau du jeune sculpteur Fulconis.
--------La souscription fut, là aussi, couverte en quelques jours.
--------Un reliquat permît même de fonder un prix de faculté, le prix Maillot, que l'on destina au meilleur travail sur la malaria.
--------L'inauguration eut lieu, simplement, le 15 octobre 1896 à l'entrée de la rue d'Isly, sur une petite place à l'angle de laquelle devait s'élever plus tard la Grande Poste. Le préfet Granet, le maire Guillemin, le docteur Trolard, président du comité Maillot, remirent le buste à la ville.
--------Deux jours après, une réplique de ce buste fut déposée à l'hôpital civil de Mustapha dans la salle qui dès lors porta le nom de "Docteur Maillot" (à l'époque service du Docteur Battarel).
--------En 1932, la statue de Maillot fut transférée dans un minuscule jardin des hauts d'Alger. Sic gloria transit.

------Après 1900, la rue s'anima et devint très commerçante.

------En partant de la rue Dumont d'Urville qu'elle prolongeait on rencontrait
-------côté impair, au n°9, le Casino construit en 1910 et où avaient lieu des concerts et des spectacles de variétés,
------au n°23, les Galeries de France, magasins de style néomauresque construit en 1914 et la Brasserie de l'Alhambra.
-------côté pair les magasins du Bon Marché, à l'angle sud-est de la place Bugeaud
------et l'église anglicane.

------La rue traversait la place Bugeaud, ancienne place d'Isly où se tenait un marché

Sur mon site le 6/12/2001
Extraits de " Esquisses anecdotiques et historiques du Vieil Alger ",Fernand Arnaudies, Collection Outremers, éditions A.Barthélémy, Avignon, 1990.
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Longtemps, elle fut un marché. On y voyait de modestes tables surmontées d'une toile de tente maintenue par des pièces de bois. Sur ces tables étaient disposés des petits tas de dattes, de figues sèches, de mandarines ou d'oranges.
-----Des négresses, drapées dans de longs voiles de cotonnade bleue, offraient aux chalands, dans des corbeilles plates, de petits pains parsemés de graines de sésame, ou des beignets, ou encore des sardines frites dans la pâte et réunies par trois ou quatre.
-----C'était l'époque où dans la rue d'Isly - qui coupe la place - existaient encore des caravansérails ; les convois venant du sud y logeaient. Les chameaux, avec leur chargement, circulaient dans les rues.
-----C'est là que s'élevait la statue du maréchal Bugeaud....

-------Le côté ouest de la place était bordé par l'Hôtel du 19ème Corps d'Armée, ancien collège français-arabe, et le Mont de Piété. Une rue fut ouverte entre les deux immeubles, la rue du Marché d'Isly, future rue des généraux Morris, où se trouvait la Société des Beaux-arts. Au milieu de la place se dressait la statue du Maréchal Bugeaud (3), monument, haut de trois mètres et placé sur un piédestal de granit, exécuté par Dumont et inauguré en 1852.

-----La statue du Maréchal Bugeaud qui s'élevait au centre de la place d'Isly est l'oeuvre du sculpteur Dumont, de l'Institut (Ech et Durand fondeurs à Paris). Le monument fut commencé le ler juin 1852 sous la direction de MM. Coumes et Piarron, de Mondésir, ingénieur, Guiauchain, architecte, et Blouet, de l'Institut, auquel on avait confié la réalisation des plans.
-----Les porphyres du piédestal proviennent des carrières de Cap de Fer. Elles furent extraites sous la direction de M. Billard, ingénieur des Ponts et Chaussées. L'Etat prit à sa charge la fourniture de ce piédestal. Une souscription fut ouverte dans le même temps en France et en Algérie, l'une pour l'érection d'un monument identique à Périgueux, l'autre à Alger. On confondit les souscriptions avec l'assentiment du général Changarnier président du Comité de Paris, afin de suppléer l'insuffisance de l'apport algérien. (La dépense s'éleva exactement à 45 716,50 francs.) Le Maréchal Randon, alors Gouverneur général, fit placer en juillet 1852 dans les fondations du monument un coffret de cèdre recouvert d'une enveloppe de plomb, contenant une médaille à l'effigie du Maréchal, des pièces de monnaie, ainsi qu'un parchemin portant le texte suivant:
-----Ce monument destiné à perpétuer la mémoire du Maréchal Bugeaud, ancien Gouverneur général de l'Algérie, a été élevé avec les fonds d'une souscription publique ouverte dans la population et dans l'armée avec l'aide du Trésor de l'Etat, sous le gouvernement du Prince Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République française, le général de Saint-Arnaud étant ministre de la Guerre et le général Randon, Gouverneur général de l'Algérie, par les soins d'une commission présidée, d'abord par les généraux de Saint-Arnaud et de Crémy et en dernier lieu par M. Mercier-Lacombe, secrétaire général du Gouvernement.
-----Précisons cependant que dans la tribune officielle avaient pris place, aux côtés du Maréchal Randon, le général Feray, gendre de Bugeaud, le général Esperasse, aide de camp du Prince Napoléon, le sculpteur Dumont, auteur du monument.
-----Entre-temps, Mgr Pavy avait procédé, au pied de la statue devant un autel improvisé, au mariage de deux orphelins, dotés par le Prince-Président.
-----Ajoutons enfin que le monument qui, à l'origine, se trouvait au centre même du rond-point fut déplacé en 1927 afin de faciliter la circulation.
-----L'inauguration eut lieu le 15 août 1852 à 17 h. Nous ne saurions insister sur l'ordonnance des cérémonies qui se succédèrent à cette occasion, non plus que sur le caractère des réjouissances vraiment exceptionnelles qui en soulignèrent l'éclat.
Henri Klein, (Les Feuillets d'El-Djezaïr)

Description plus récente

-------Rue d'Isly? C'était d'abord des vitrines qui nous faisaient baver d'envies, celles de Gillio et de Fashionable, les deux tailleurs chics qui se faisaient concurrence, à l'ombre de Bakouche, l'arbitre incontesté des élégances, trop cher pour les étudiants que nous étions : on achetait déjà nos premiers "jeans " au surplus de Maison-Carrée.

-------Rue d'Isly? C'était Les Galeries de France avec leur curieux intérieur tout en bois, la pâtisserie Caillod, la librairie Chaix. C'était surtout les cinémas, Le Club, Le Régent, Le Paris, déjà la fin d'une époque marquée par les premiers films de Chabrol, Les Cousins, Le Beau Serge et Bardot, encore Bardot, déjà Bardot.

-------Dans les rues, les filles cherchaient à l'imiter, carreaux vichy, jupons gonflants, taille bien serrée, cheveux décolorés remontés en " choucroute ". Peu à peu, à leurs pieds, plus de talons aiguilles mais des ballerines et sur leurs décolletés des volants et des volants de broderie anglaise. En venant chanter ses Scoubidous à Alger, Sacha Distel avait déclenché une émeute.

-------Les filles, elles, étaient inabordables. L'après-midi aux terrasses des cafés, Le Quat'Zart, Le Milk Bar, Le Faisan d'Or, nous dégustions un Coca-Cola, cette nouvelle boisson, dont le nom sur de drôles de bouteilles était écrit, blanc sur rouge, en arabe, Coca-Cola? En quelques mois, ce jus de punaise, comme disaient les parents, allait détrôner sur nos tables le Crush, l'Orangina et le Judor, trois boissons locales à l'orange et même le Sélecto, sorte de limonade à l'arrière goût d'acétone qui avait pourtant fait un tabac auprès des jeunes.

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Restaient les boîtes, les cabarets, les night-clubs comme on disait alors réservés aux adultes et aux couples.

Guy Bonnet (Le pays d'où je viens)

Jean-Marc LABOULBENE -AFN collections