
          
 
          
          
 
          
          A LA GLOIRE DE LA LÉGION ÉTRANGERE 
          
          LE 1er RÉGIMENT ÉTRANGER DE SIDI-BEL-ABBÈS 
        Hommage à M. le 
          colonel Boulet-Desbareau, commandant le 1er régiment Étranger 
          à Sidi-bel-Abbès, d'un humble président de société 
          sportive et de préparation militaire. 
          Dans l'armée d'Afrique et dans l'armée coloniale, il n'est 
          pas de type plus curieux ni plus entouré de légendes que 
          celui du légionnaire. Il parait au premier plan dès qu'il 
          y a quelque part un danger à affronter, de la gloire à 
          recueillir. 
          
          Vieux soldai rompu à la vie en campagne, s'acclimatant plus facilement 
          dans les pays neufs, débrouillard, le légionnaire possède 
          un esprit de corps qui lui donne une force incomparable. Servant cinq 
          ans au minimum, plus souvent quinze, les légionnaires forment 
          une troupe instruite, expérimentée, apte à accomplir 
          tous les travaux, à vaincre toutes les difficultés. Enfin, 
          par dessus tout et avant tout, le légionnaire est soldat, passionné 
          d'aventures, de nouveautés, de gloire. En Algérie, au 
          Mexique, au Tonkin, au Dahomey, à Madagascar, au Maroc, le légionnaire 
          a toujours ouvert la route et prodigué son sang. Digne de son 
          nom, il a repris, après deux mille ans, la tradition du légionnaire 
          de l'ancienne Rome, soldat intrépide et grand bâtisseur. 
          
          
          L'histoire des régiments étrangers, c'est toute notre 
          histoire militaire; depuis quatre-vingts ans, la Légion a ajouté 
          au prestige des anciens corps étrangers la gloire incomparable 
          qu'elle s'est acquise dans toutes nos grandes guerres et dans toutes 
          nos expéditions lointaines. 
          
          Par des preuves innombrables de dévouement, par son constant 
          esprit de sacrifices, la Légion a tenu magnifiquement le serment 
          que prête chaque légionnaire et qui est la devise inscrite 
          à son drapeau : Honneur et Fidélité. 
          
          La vieille Légion. 
          
          La France a toujours groupé sous son drapeau des soldats étrangers. 
          Depuis Charles VII, des étrangers ont combattu dans toutes nos 
          guerres et pris leur part de toutes nos gloires. 
          
          Tous les exilés, tous les opprimés trouvaient en France 
          une nouvelle patrie à laquelle ils donnaient leur amour et leur 
          sang. 
          
          Sans parler des Suisses et des Allemands qui, sous l'ancien régime, 
          ont toujours fourni les plus gros effectifs et dont l'histoire est trop 
          connue, comment oublier ces troupes dont la fidélité leur 
          valut d'être la garde personnelle du roi : les Gardes Écossaises, 
          le Royal Irlandais. 
          
          Fidèle à ses principes, l'Assemblée Nationale supprima 
          les régiments étrangers en les naturalisant purement et 
          simplement français. Plus tard, les corps étrangers se 
          mirent au service du génie de Napoléon. Il suffit de se 
          souvenir du courage des lanciers polonais à Somo-Sierra. et de 
          connaître le culte qui, chez les vétérans des pays 
          rhénans, entourait la mémoire de l'empereur, pour être 
          certain de leur attachement à la France. 
          
          Formée en 1831, la Légion étrangère compte 
          à son début beaucoup de vieux soldats étrangers 
          de l'Empire. Ce sont eux qui lui apportent les traditions de l'armée 
          napoléonienne, première base de celles de l'armée 
          d'Afrique. Elle se recrute ensuite dans tous les pays d'Europe comprenant 
          surtout des Polonais sans patrie et des Italiens fuyant le joug autrichien 
          ; plus tard, des Alsaciens-Lorrains. Transportés d'abord à 
          Alger, la Légion a bientôt des bataillons à Oran 
          et à Bougie. 
          
          Elle prend une part glorieuse à toutes les colonnes et tous les 
          combats de cette guerre d'Algérie où les qualités 
          propres du troupier jouent un rôle primordial. Bravoure et sang-froid, 
          entrain, résistance à la fatigue et aux maladies, vigilance 
          continuelle, esprit de ressource. 
          
          Les chefs deviennent les généraux et maréchaux 
          de tous les régimes, les Bedeau, les Mangin, les Saint-Arnault, 
          les Mac-Mahon, les Canrobert, les Saussier, les de Négrier, les 
          Grisot, etc.... 
          
          Les faits d'armes sont innombrables. En 1857. à Constantine. 
          elle prend un drapeau, repousse deux attaques, forme la deuxième 
          colonne d'assaut qui s'empare de la ville et perd le colonel Combes, 
          atteint de deux balles. En 1840, ce sont la colonne de Bougie et l'héroïque 
          défense de Milianah où elle perd 450 hommes, tués, 
          sur 750. En 1844, elle prend Biskra. En 1845, elle fait partie des colonnes 
          contre Bou Maza. En 1849, elle prend Ziiatcha. Entre temps, elle l'ait 
          de multiples colonnes, bâtit des villes, construit des routes, 
          des postes, dessèche des marais. En 1854, elle est en Crimée. 
          A l'Alma, le général Canrobert est enthousiasmé 
          par la fière allure des légionnaires. " A la bonne 
          heure, leur crie-t-il, servez d'exemple aux autres, braves légionnaires 
          ! " 
          
          Elle se distingue à Sébastopol, où son chef, le 
          colonel Vienot,. est tué. En 1857, elle prend part aux colonnes 
          de Kabylie et décide de la prise d'Icheriden.
          
          En 1859, elle inscrit Magenta à son drapeau. En 1862. elle est 
          au Mexique où une compagnie livre l'immortel combat de Cameronc. 
          Pendant neuf heures, 62 légionnaires soutiennent, contre 1,200 
          fantassins et 850 cavaliers, une lutte acharnée, repoussant toutes 
          les propositions de l'ennemi. Barricadés dans une ferme, torturés 
          par la soif, enfumés par l'ennemi qui accumule des broussailles 
          qu'il enflamme, fusillés par les brèches, les légionnaires 
          luttent jusqu'à la dernière cartouche, puis, mettant- 
          baïonnette au canon, ils foncent sur l'ennemi qui s'empare des 
          dix-neuf survivants. Les Mexicains avaient perdu 300 hommes dont 200 
          tués. 
          
          En 1870 un bataillon de Légion défend héroïquement 
          le faubourg Bannier, à Orléans. 
          
          De 1871 à 1885, ce sont les colonnes du général 
          de Négrier, pendant les insurrections de Kabylie et du Sud-Oranais. 
          
          
          En 1884, Bac-Minh ; en 1885, deux compagnies de Légion sont bloquées 
          dans Thuyen-Quan par plusieurs milliers de Chinois. Elles soutiennent 
          un siège héroïque de trente-six jours. Victorieuses, 
          malgré les mines, sept assauts, le bombardement continuel, elles 
          ont perdu, lorsque la brigade Giovanninelli vient les dégager, 
          le tiers de leur effectif. Un officier est tué, tous les autres 
          sont blessés. 
          
          Le 4 février, les légionnaires prennent Lang-Son. Puis, 
          ce sont des colonnes continuelles en pays difficile, à la poursuite 
          des bandes de pirates et d'irréguliers chinois. 
          Et partout, c'est la bravoure du légionnaire qui fait merveille. 
          Une escouade, une demi-section rencontrent l'ennemi par hasard. Par 
          réflexe, follement, elles attaquent toujours, sans égard 
          à la force de l'adversaire et leur élan est tel que cette 
          tactique audacieuse obtient souvent des résultats extraordinaires. 
          
          
          Au Dahomey, c'est encore la Légion qui entre avec le colonel 
          Dodds à Kano et à Abomey. A Madagascar, tout en payant 
          un lourd tribut au climat, elle lutte de façon stoïque. 
          " Lorsqu'un soldat de France entre à l'hôpital, dit-on 
          couramment, c'est pour être rapatrié ; un tirailleur, c'est 
          pour guérir ; un légionnaire, c'est pour mourir. " 
          
          
          Il est inutile de rappeler le rôle de la Légion pendant 
          la grande guerre. Dès 1914, son effectif fut triplé par 
          le nombre de volontaires. Tous les étrangers qui connaissaient 
          la France, et par conséquent l'aimaient, s'engagèrent 
          en masse. 
          
          La Légion fournit les cadres et un nombre suffisant de vieux 
          légionnaires pour donner la solidité et l'esprit de corps. 
          
          
          Les résultats furent ceux que la presse a popularisés, 
          que neuf citations à l'armée ont consacrés. 
          
          Cette Légion fut aussi le premier noyau de deux armées 
          : polonaise et tchécoslovaque. 
          
          Aux Dardanelles, la Légion écrivit les plus belles pages 
          de son Histoire : à Sebdul-Babr, où le bataillon, ayant 
          perdu tous ses officiers, réduit, d'une centaine d'hommes commandés 
          par un adjudant-chef, attaque encore et prend deux tranchées 
          turques - à Kérêvés-Déré - 
          pendant la retraite de Serbie, où lé bataillon de Légion 
          est sans cesse à l'arrière-garde. 
          
          Dès le début de la conquête, la Légion fut 
          envoyée au Maroc. Elle y refit cette guerre d'Afrique où 
          elle s'était autrefois illustrée. Elle sut y accroître 
          sa gloire. Le combat d'Alouana montra combien étaient vivaces 
          chez elle l'esprit de devoir et de sacrifice. La Légion n'avait 
          pas dégénéré. 
          
          Pendant la guerre, sa tâche y fut particulièrement lourde. 
          Les troupes d'opération au Maroc avaient été fortement 
          réduites. La Légion elle-même avait vu partir pour 
          le front français une grande partie des volontaires n'appartenant 
          pas aux nations en guerre contre nous. 
          
          Les autres furent organisés en bataillon formant corps. Leur 
          tâche fut énorme. Devant suppléer à l'insuffisance 
          numérique par leur activité et la rapidité de leurs 
          mouvements, ces unités ne connurent pas le repos. Les colonnes 
          succédèrent aux colonnes, les combats, les reconnaissances, 
          les créations de postes se multiplièrent. II fallait sans 
          répit soutenir nos partisans, intimider les hésitants 
          que sollicitait la propagande ennemie, agir vigoureusement et immédiatement 
          contre les dissidents qui menaçaient l'uvre entreprise. 
          
          La Légion peut être fière de son uvre dans 
          ce Maroc qu'elle a contribué à conquérir et qu'elle 
          nous a gardé. 
          
          La Légion d'aujourd'hui. 
          
          Depuis plus de trois ans, la guerre est terminée. Au prix de 
          1,500,000 morts et de 800,000 mutilés, la France a conservé 
          son indépendance et acquis une gloire immortelle. 
          Les nations opprimées attendaient sa victoire pour revivre, comptant 
          sur elle pour les protéger. Dans l'Orient a retenti le vieux 
          cri de guerre, jamais oublié : Gesta Dei per Francos. Les nations 
          vaincues ne peuvent plus dire : " Dieu est trop haut, la France 
          est trop loin. " 
          
          La France a assumé la protection de la Syrie. La Victoire 1918 
          a fait affluer à la Légion de nombreux volontaires de 
          toutes nationalités. 
          
          Tous arrivent au 1er Étranger, à Bel-Abbès. L'instruction 
          y est poussée activement et le nouvel engagé comprend 
          bientôt ce qu'est un légionnaire. Quelle que soit son origine, 
          il est vite amalgamé dans ce creuset qu'est la Légion. 
          
          
          Il voit toutes les différences s'effacer dans une même 
          discipline, il voit des gradés de sa nationalité qui lui 
          commandent en français, il entend parler journellement de la 
          Légion, de son passé, du Maroc, de la Syrie et aussi du 
          Tonkin. ce paradis du légionnaire. Ses souvenirs antérieurs, 
          pour beaucoup ceux des dernières années, sont des cauchemars, 
          s'effacent, il est légionnaire, il en est fier. 
          Dès qu'il est débrouillé, il est dirigé 
          sur l'une quelconque des compagnies échelonnées entre 
          Bel-Abbès et le Guir. Son instruction y est terminée, 
          il est prêt à faire campagne. 
          
          Il était à craindre que cette Légion ne fût 
          pas à la hauteur de l'ancienne, que les passions politiques ou 
          nationales ne nuisissent à la solidité de l'édifice, 
          que la Légion ne fût plus le modèle de loyalisme 
          qu'elle avait toujours été. Ces craintes furent vaines. 
          
          
          Les légionnaires d'aujourd'hui sont semblables à leurs 
          anciens. Ils connaissent le même amour des aventures et des pays 
          neufs. 
          
          Ces volontaires, dont beaucoup viennent de se battre pendant sept ans, 
          sont bientôt impatients de faire campagne et sollicitent leur 
          envoi sur les T. O. E. 
          
          Les faits montrent la façon dont ils s'y conduisent. Au Maroc 
          : le 21 mars 1921, un détachement de 38 légionnaires de 
          la 9e Compagnie du 4e Régiment Étranger est attaqué 
          par surprise à l'Oued-Ouzziat. A la première décharge, 
          treize légionnaires sont tués et douze sont blessés. 
          Les treize survivants luttent pendant deux heures, et, malgré 
          la supériorité numérique de l'ennemi, sous la conduite 
          de leur lieutenant, enlèvent à la baïonnette la position 
          de l'adversaire et le mettent en fuite. Ils n'avaient abandonné 
          ni un blessé, ni un cadavre, ni une arme. 
          
          Le 4 septembre 1921, trois bataillons de Légion l'ont partie 
          du groupe mobile de Bekrit et participent aux opérations du Djebel-Ahroun. 
          La mission du groupe mobile consiste à s'emparer du massif de 
          l'Ahroun après avoir occupé le piton de Sidi-Oualar et 
          la croupe de l'Ajgou. Le terrain à parcourir est inconnu en grande 
          partie. D'après les renseignements recueillis, l'ennemi est décidé 
          à opposer une forte résistance. 
          
          Les unités chargées de la prise de Sidi-Ouatar quittent 
          le bivouac à 3 h. 30, et à 6 h. 15. après un irrésistible 
          assaut à la baïonnette, occupent leur objectif.
          
          A 9 heures, l'attaque de l'Ajgou se déclanche ; le combat, rapidement 
          mené, permet à nos troupes d'assurer la conquête 
          définitive de la croupe à 9 h. 30.
          
          A 16 heures, les généraux Poeymireau et Rheveney sont 
          sur le sommet de l'Ahroun. 
          
          Grâce à l'instruction, à la discipline et au courage 
          des troupes engagées, celle opération importante fut rapidement 
          menée avec des pertes très minimes. 
          
          Au Levant. 
          
          Le 4e Bataillon du 4e Etranger fournit 100 volontaires pour exécuter 
          un coup de main sur un village rebelle. Le détachement fait une 
          marche de dix heures pour gagner sa base de départ. Il fait une 
          nouvelle marche de quinze heures en pays montagneux et hostile pour 
          atteindre son objectif, accomplit sa mission à la baïonnette 
          et ramène 21 prisonniers. Ce coup d'audace vaut aux officiers, 
          sous-officiers et légionnaires du détachement dix-sept 
          citations à l'ordre de la brigade. 
          
          La vieille Légion eût-elle l'ait mieux ? Le 6 novembre 
          1921, le 1er Régiment Étranger envoie au Tonkin un bataillon 
          qui occupe Lang-Son, Na-Cham, Cao-Bang, la région limitrophe 
          de la province chinoise du Quang-Si où règne depuis un 
          an la guerre civile avec toutes les misères qu'elle entraîne. 
          Des troupes du Quang-Si passent la frontière et projettent d'attaquer 
          Lang-Son le jour de Noël. Apprenant l'arrivée des légionnaires 
          à Lang-Son, ils renoncent à leur attaque, tant est redoutée 
          la Légion en Extrême-Orient. 
          
          Le 6 janvier 1922, une petite colonne de 100 légionnaires, commandée 
          par le capitaine Thomas et le lieutenant Blanquet,. est chargée 
          de nettoyer la région entre Dong-Dong el Na-Cham. 
          
          Sans pertes, le capitaine Thomas accomplit sa mission, tuant 40 pirates 
          dont un chef important porteur de documents inédits et s'emparant 
          d'un drapeau qui porte en langue annamite l'inscription suivante : Troupe 
          de la reprise de l'Annam, 2e Bataillon, 3e' Régiment, Chef de 
          Bataillon Sa-Qinh. " 
          
          La tradition est renouée. La conduite des légionnaires 
          sur tous les fronts, leurs nombreuses citations permettent d'être 
          fier de l'uvre accomplie. 
          
          Un chef qui a vu la Légion à l'uvre, le général 
          Aubert, a résumé dernièrement son appréciation 
          dans l'éloge suivant : " C'est la meilleure troupe, européenne, 
          solide, brave et manuvrière ; elle s'est toujours montrée 
          à la hauteur des circonstances les plus critiques. " 
          
          Au Maroc, en Syrie, comme à la frontière chinoise, le 
          légionnaire sait, toujours mourir héroïquement comme 
          jadis ce sous-officier de Taxa, en criant : " Vive la France ! 
          Vive la Légion ! " La vieille et grande musique de la Légion 
          fut de de tous temps l'auréole de la Ville qui l'abrite. Les 
          artistes qui la composent ont fait d'elle un symbole qui subsistera 
          toujours et qui l'a placée une des premières de noire 
          belle France.