Marcel Cerdan : boxeur ou footballeur ?
Marcellin Cerdan était né le 22 juillet 1916 à Sidi Bel Abbés.
-------La misère poussera la famille à s'installer à Casablanca en 1922.
pnha n°47 juin 1994
sur site le 21/02/2002

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-------Marcellin Cerdan était né le 22 juillet 1916 à Sidi Bel Abbés.
-------La misère poussera la famille à s'installer à Casablanca en 1922.
-------Comme beaucoup d'enfants de son âge, à cette époque, l'école communale ne l'intéressait pas du tout.
Par contre l'école de la rue avait toute sa passion, il a fait, à l'époque, beaucoup plus de découvertes intéressantes en traînant dans la rue avec les petits Espagnols et les petits Arabes, dont il devait au moins apprendre à parler la langue. Un témoin, Charles Haroche, a raconté les parties de cache+cache autour des fiacres tandis que les cochers arrosaient les chevaux après une journée torride ; les batailles rangées, pour rire ou "pour de vrai", sur la plage de la corniche, toute hérissée de rochers noirs ; les baignades interminables près des chevaux entrés dans l'eau jusqu'au poitrail ; les vitrées en ville, les jeudis, pour aller voir au cinéma, avec un argent grappillé, le diable sait où, les aventures à suivre de Biscot " le roi de la pédale" ; et, surtout, les parties de football prolongées jusqu'à épuisement des joueurs, dans des terrains vagues où deux pierres délimitaient les buts et une boule de chiffons tenait lieu de ballon. Le cinéma et le football étaient déjà les deux passions de "Marcellino" ; elles devraient le rester toute sa vie. En ce temps+là, être à la fois cancre et pauvre ne laissait pratiquement aucun échappatoire. Le fils cadet des Cerdan va donc quitter l'école sans passer le certificat d'études. A onze ans, son père le place comme coursier au magasin de cycles Bargasse, place Mers Sultan. Cette trajectoire d'enfant pauvre, qui ressemble à celle de milliers d'autres à Casa, aurait eu peu de chance de déboucher sur quoi que ce soit d'exceptionnel, si le père Antoine Cerdan n'avait pas décidé de s'en mêler...
Cerdan footballeur
-------Au début des années trente, Marcel Cerdan est un boxeur adolescent qui promet. Mais c'est déjà un footballeur remarquable. Le club de la Banque Union Sports (la B.U.S.), une filiale de la Banque d'Etat du Maroc, l'a engagé pour jouer dans son équipe cadette. Sur le terrain du camp Turpin, un terrain vague de la B.U.S. a clos avec des barrières, puis équipé de petites tribunes en bois pour lui donner l'allure d'un vrai stade de football, Marcel fait des étincelles. Jouant interdroit ou intergauche, au gré de sa fantaisie, il est le moteur de la ligne d'attaque, au point que les dirigeants l'auraient volontiers fait entrer en équipe première s'il n'avait pas été, physiquement, un peu léger.
-------Le dimanche où Marcel a marqué à lui seul six des huit buts "passés" à l'U.S.M., une des meilleures formations du moment, son père était présent dans les tribunes. Le match se déroulait au parc Lyautey, le grand stade de Casa, en lever de rideau de la rencontre France B. Maroc. Ce jour+là, des milliers de spectateurs ont scandé le nom de Cerdan. De quoi titiller la fierté d'Antoine. Il s'est bien gardé de le montrer en tout cas. Il est resté étonnamment calme aussi quand Marcel est rentrée légèrement éméché du banquet offert par les dirigeants du club pour fêter la victoire. Sa victoire. Mais, le surlendemain, le footballeur émérite se retrouvait sur le ring, gants aux poings, pour sa leçon de boxe. Sur l'intervention du père Cerdan, l'entraîneur de la B.U.S., un Espagnol de ses amis nommé Munoz, avait accepté de dispenser Marcel de l'entraînement hebdomadaire avec son équipe.
-------Jusqu'à l'âge de quinze+seize ans, Marcel s'en était tiré par une espèce de résistance élastique aux diktats paternels. Il cédait un jour pour mieux se défiler le jour d'après, tour à tour soumis et récalcitrant, obéissant par peur des coups de trique, puis prenant le risque d'un drame pour le seul plaisir d'une partie de football improvisée à la sauvette dans un terrain vague du coin. Il ne comptait plus les fois où il avait dû prendre ses jambes à son cou au milieu de la partie, parce qu'il avait vu, soudain, débouler le père Cerdan, la casquette enfoncée au ras de ses gros sourcils noirs, la tête dans les épaules, hurlant rageusement son nom tout en brandissant le nerf de boeuf qui lui servait habituellement, à chasser les ivrognes de son bistrot. S'il parvenait à éviter la correction sur le moment, il n'avait aucune chance d'y échapper le soir même à la maison. Dans cette "guéguerre" d'usure opposant le père et le fils, il était à craindre que celui+ci n'aurait jamais gain de cause. Boxe ou football ?
 

Albert Chabbat se souvient
-------Né à Oran, venu lui aussi à Casablanca, Albert Chabbat est vite devenu le meilleur ami de Marcel Cerdan en 1949.
-------Il habitait à côté de lui et Marinette, l'épouse de Marcel était la meilleure amie de Juliette l'épouse d'Albert.
-------"Marcel avait signé une licence à l'ASPTT (bleu et blanc). Il avait tenu secrète son arrivée. Il fut très heureux de se retrouver en compagnie d'amis pieds-noirs. Il m'a souvent avoué préférer le foot à la boxe. Il y avait Jojo Blasco, Calejoin, Rodrigues, les 3 frères Pedemonte, Ferrer et moi même" nous dit Albert.
-------Nous jouions au stade Philip à Casablanca Monsieur Soto nous dirigeait. Avec son beau-frère Lopez, Marcel Cerdan plaisantait toujours avec ses amis. Il sera très aimable avec ses adversaires. Il jouera avec nous 3 saisons - Capitaine de L'ASPTT, j'ai eu la chance de remporter une finale d'un tournoi ASPTT de l'Afrique du Nord. Je me souviens de dirigeants remarquables comme Monsieur Liron. Il était secondé par son fils Coco, remarquable avant centre. ( En 1942 Coco perdit son frère Jacques Liron, à Reims, tout comme je perdais mon frère Maurice Chabbat en 1940 au champs d'honneur pour sauver la France).
Le Ring et la gloire
-------Pour Antoine, son père, la question était sans objet : la place d'un Cerdan était sur le ring.
"Le jeune Cerdan"comme on l'appelle dans les gazettes a battu des garçons plus âgés et plus lourds que lui. -------Ses succès lui valent la sympathie curieuse de plus en plus de gens, à commercer par les pêcheurs du quartier Cuba qui, après chacune de ses victoires, ont pris l'habitude d'offrir de belles fritures à Assomption. -------Maintenant, le temps est venu non seulement de plaire, mais de progresser techniquement. Antoine n'est pas près de laisser quelqu'un d'autre prendre en main la direction de la carrière de son fils. Cependant il est nécessaire qu'il s'entraîne de manière rationnelle. Le père Cerdan s'est lié d'amitié avec un homme qu'il rencontre régulièrement autour des rings et qui s'appelle Lucien Roupp ; celui-ci dirige une petite salle où une cinquantaine d'apprentis boxeurs viennent prendre la leçon.
-------Roupp se souviendra plus tard de sa première rencontre avec Marcel:
-------«J'étais sur le pas de ma porte, un jour de juin (1932). Soudain, dans la rue blanche de chaleur, j'ai vu Marcel courir vers moi comme un dératé. Il était accompagné par son père qui pédalait avec vigueur sur sa vieille bécane, son éternel nerf de boeuf au poignet-terreur du petit Marcel. Ce dernier ne semblait pas apprécier outre mesure la démarche de son père.
Antoine Cerdan m'expliqua de sa grosse voix
--- Je veux que vous fassiez de Marcel un boxeur. Je l'ai déjà entraîné. Enfin, à ma manière à moi. Il a déjà combattu...
-------Je m'étais adressé à Marcel :
--- Tu veux devenir boxeur ?
-------Silence de Marcel. Je voyais son embarras, sa crainte de son père. Je dis au père Cerdan
--- Laissez-moi seul avec lui. Je vais lui parler.
Antoine Cerdan repartit à bicyclette, et je me tournai vers Marcel [...]
----Tu ferais mieux d'écouter ton père. Je vais t'entraîner.
Marcel se mit à fréquenter ma salle d'entraînement. Et je ne peux pas dire, qu'à cette époque, il avait, comme on l'a toujours prétendu, le feu sacré.

Sources : Marcel Cerdan de J.C. Loiseau chez FIamnarion, extraaordinaire livre de plus de 300 pa