mise sur site le 17-12-2003
-Alger
Vue par les voyageurs, les écrivains et les peintres
:
Louis Bertrand, Charles Brouty, Alphonse Daudet, Ernest Feydeau, Eugène Fromentin, Jules de Gongourt,Guy de Maupassant, Montherlant, Jean Pomier, C.M.Robert,...

1ère série , pages 3 à 21.

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Présentation de Léon Lehuraux de l'Académie des Sciences Coloniales
ALGER LA LUMINEUSE

---------Alger est au fond d'un golfe qui s'incurve régulièrement comme les deux branches d'un immense croissant. De hauts coteaux, à pentes raides, la dominent. Entrevue de l'avion ou du paquebot, la ville ressemble à un gigantesque amphithéâtre et apparaît, dans sa blancheur, très homogène ; mais aussitôt débarqué, l'on s'aperçoit qu'elle est la réunion de deux cités absolument dissemblables, superposées l'une à l'autre.
---------En bas, une ville construite toute en longueur entre les dernières pentes de la colline et la mer, a l'aspect de n'importe quelle grande ville européenne avec ses immeubles à multiples étager et ses grandes artères. C'est l'Alger moderne, aux larges rues commerçantes, abondamment éclairées le 'soir et animées par une circulation intense où se côtoient toutes les races méditerranéennes.
---------On passe, sans transition, de la vie occidentale la plus raffinée à la vie orientale en gravissant les ruelles tortueuses et étroites qui conduisent au quartier arabe, dernier témoin du passé dans l évolution et la transformation de la vieille cité barbaresque. Une masse grise couronne la colline et domine toute la rade : c'est la Casba, antique citadelle des Deys dont une partie est aujourd'hui transformée en Musée de l'Armée d'Afrique et porte le nom du maréchal de France Franchet d'Espérey, le glorieux vainqueur de la bataille d'Orient.
---------Aux abords mêmes de la ville, c'est le triomphe des fleurs. Les jardins qui avoisinent les villas sont des parterres incomparables. Suivant l'époque de l'année. les roses polychromes s'épanouissent orgueilleusement, ou bien c'est le mois du bougainville et de la glycine tapissant les murs de toutes leurs grappes violacées, et alors les maisons deviennent invisibles sous ce tapis éclatant. Les environs d'Alger ne sont qu'une couronne embaumée, un collier vivant autour d'une ville blanche, où les entrelacs de verdure et de fleurs splendides sont avivés de lumière ardente.
---------Alger la Blanche baignée d'or, radieuse sous la magie de son soleil, a toujours été honorée des artistes et des poètes attirés par cette belle cité aux vivantes colorations. Nombreux sont les peintres et les écrivains qui se sont énivrés de cette richesse d'atmosphère et qui ont laissé, sur la cité enchanteresse, des oeuvres dans lesquelles ils ont voulu traduire les sentiments profonds de volonté passionnée dont ils Je sentaient animés. Ces ceuvres poétiques ou picturales sont comme ce pays si original et si accueillant, où se rencontrent toutes les races, où elles se pénètrent, se fondent peu à peu à la mode française, qui sait attirer les cceurs et les corps et imprègne ce sol de sa douceur, de sa grâce et de son exquise volupté.
---------On aimerait que cette petite anthologie de l'art et de la littérature algérois, fort incomplète certes et qui sera, espérons-le, suivie d'autres albums, aidât à faire comprendre tout cela, à faire comprendre l'âme de notre chère Algérie et de sa belle capitale qui se repose et se balance sur la mer comme une immense mouette blanche. Je ne puis commenter ces quelques pages où l'on trouve de l'azur et des flammes, des oripeaux superbes, des femmes arabes mystérieuses sous le voile blanc, en des tableaux ravissants. Feuilletons ensemble l'album et déambulons de conserve, en flâneurs, dans cette ville française d'Afrique dont certaines rues, à peine européanisées, ont gardé leurs noms un peu pédants mais combien délicieux, comme disait mon cher et regretté ami Paul Duclos, qui adorait s'y promener en solitaire Hercule, du Sagittaire, des Lotophages, de la Licorne, Scipion, etc...
---------Nous irons d'abord à la Casba et nous ferons, chemin faisant, d'intéressantes observations chez cette population musulmane qui laisse surprendre ses secrets intimes et se montre au naturel dans ce quartier, où elle se sent bien chez elle.
---------Ici, la vie indigène est prise sur le vif, la maison musulmane montre une façade impénétrable et concentre toute la vie au dedans. Celle du pauvre voisine avec la demeure du riche ; toutes deux ont le même aspect : un mur blanc sans fenêtre, une porte basse rarement entr'ouverte, aucune ornementation extérieure. Mais les intérieurs diffèrent, sauf un trait commun qui frappe : l'extrême propreté du home. Si nous avons la fortune d'être accueillis dans la somptueuse demeure d'un riche notable, nouss serons surpris et émerveillés. Dès le seuil franchi, l'on débouche généralement par un couloir obscur dans une cour dallée en mosaïques au milieu de laquelle une eau abondante coule dans une vasque très élégante. Des colonnades en marbre soutiennent le premier étage : un large chemin rectangulaire dessert les pièces du rez-de-chaussée qui reçoivent l'air et la lumière par de grandes baies vitrées donnant sur la cour. Un escalier en colimaçon conduit à l'étage où l'on retrouve des colonnades en bois sculpté, cette fois. Parfois, la maison est surélevée d'un second étage semblable au précédent, puis ce sont les terrasses dominant la ville arabe, les quartiers européens et la rade ; de ce belvédère, on voit, à ses pieds, les rues étroites où grouille fine population pittoresque composée d'échantillons de toutes les races africaines.
---------En descendant vers la cité, dans le labyrinthe de rues et de ruelles de la ville arabe, nous rencontrons les jeux de lumière les plus imprévus. Les étages en porte à faux qui surplombent, les longues voûtes très sombres sous lesquelles on s'engage parfois, font passer sans transition d'une demi-obscurité à la lumière aveuglante d'un carrefour, où le soleil que rien n'arrête se réfléchit sur un mur blanc. De loin en loin, la boutique d'un marchand de légumes pique une note verte ou rouge, voisinant avec des quincailleries ou d'odorantes rôtisseries, puis des cafés maures d'oie s'échappe le son monotone d'une flûte en roseau. Le long des murs, de nombreux Arabes accroupis ne semblent pas dérangés dans leur rêverie par le passage des ânes lourdement chargés qui les frôlent.
---------Que de choses à visiter, à admirer ! C'est la vie intense d'un port moderne où se succèdent les paquebots de luxe et les navires de commerce, les remorqueurs, les lourds chalands et les barques légères, témoins sans cesse en mouvement d'un important trafic d'exportations et d'importations. C'est aussi, au pied des coteaux de la Bouzaréah et de Notre-Dame-d'Afrique. ce magnifique boulevard Front-de-Mer contre lequel la mer vient se briser. Mais ce n'est pas cela qui fait le charme d'Alger, ce n'est pas cela qui a séduit Henry de Montherlant qui a consacré des pages délicieuses à notre ville. dont il ne peut voir une photographie, a-t-il dit, " sans un étrange attendrissement de cceur ". Les exigences redoutables de l'urbanisme moderne ne lui ont rien enlevé de sa séduction. On se sent attiré vers elle par un sortilège secret qui résulte sans doute de la pureté du ciel, de la couleur de la mer, de la tiédeur de l'air tout embaumé de parfums qui, pour être indéfinissables, n'en sont pas moins irrésistibles.
---------Ce qui plaît dans le panorama d'Alger, c'est la franchise de sa couleur. La mer est d'un bleu sombre, la ville d'un blanc de lait, les montagnes environnantes sont toutes fauves comme des troupes de lions qui se chauffent au soleil, et le ciel semble un dais de satin plus doux de ton que la turquoise. Il n'est guère possible d'imaginer tableau plus hardi et mieux composé. Il n'est pas besoin de dons particuliers pour admirer la riche coloration des moindres objets, la limpidité de l'atmosphère, les teintes inoubliables dont se parent les montagnes environnantes, les eaux calmes de la mer ou les espaces lointains de la verdoyante Mitidja. Le promeneur le plus placide retient difficilement un cri d'admiration quand, au tournant d'un chemin champêtre, il se trouve en présence d'un de ces paysager grandioses qui étonnent par leur beauté et qui prennent des tons si expressifs au lever du jour ou sous les rayons du soleil couchant. A quelque endroit que l'on se trouve on découvre toujours la mer, la ville et les montagnes ; mais selon que l'on est plus ou moins élevé, la ville se développe ou se rétrécit et la mer l'environne alors d'une grande nappe bleue ou frissonnent de longues raies de lumière.
---------Rien ne blesse les yeux dans ce tableau simplement composé et qui tire toute sa valeur de l'excessive pureté de l'atmosphère. Et cet ensemble est si vaste, les dégradations de teintes qui suivent le mouvement du soleil lui donnent une telle vie, que l'on ne peut se rassasier d'admirer. Mais ce ne sont pas ses changements d'aspects qui le font aimer des yeux. Il enchante par sa grandeur, par son sentiment, par sa beauté sans pareille. Les choses très belles s'affirment et ne se discutent pas. On les sent, et c'est suffisant.
C'est tout cela qui enthousiasme les artistes et les écrivains. L'Algérie se montre fière d'avoir été la divine inspiratrice de tant de vocations picturales, dominées par le talent magistral de Dinet, chef de cette belle Ecole africaine qui compte chaque année à la villa Abd-El-Tif, qui est la Médicis d'Alger, de nouveaux émules de ce maître admirable.
---------On ne saurait assez se réjouir de voir l'éclosion de talents qui, en étant dignes, se consacrent à la gloire du soleil, à la dévotion de la lumière, qui magnifient ce bel élément dont les Anciens faisaient une divinité : la Flamme, force attirante. belle. réconfortante ; la Clarté, vivification de toutes choses. C'est par sa lumière que l'Algérie est incomparablement séduisante, qu'elle est un pays oit jamais l'on ne demeurera insensible à la grande puissance solaire. Dans cette Algérie dorée, dans cette majestueuse ville d'Alger la Lumineuse qui vibre intensément d'une vie artistique et intellectuelle. l'on apprécie, mieux que partout ailleurs. la phalange de nos peintres qui, les premiers, ont jeté le cri joyeux et triomphant qui est la chanson du Soleil !

LÉON LEHURAUX.

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---------UNE large échancrure du rivage arrondie en demi-cercle presque régulier ; une enceinte de collines boisées où les maisons blanches brillent dans la verdure sombre ; à droite, des masses rocheuses violemment découpées par la mer ; à gauche, derrière le profil amoindri des hauteurs qui s'abaissent, le poudroiement lumineux d'une grande plaine, et, surgissant au fond, les hautes montagnes souvent coiffées de neige ; un air léger, vibrant, qui dessine nettement les contours et où les couleurs s'harmonisent dans la lumière : telle apparaît la baie d'Alger, moins vaste, mais aussi belle que les baies vantées de Naples ou de Rio.

Maurice WAHL
"Alger"

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JE vois encore, sans que je bouge,
Parmi d'opaques frondaisons,
Des villas blanches à toits rouges,
Comme des nids dans des buissons.
Claude-Maurice ROBERT. "Alger"

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---------ALGER-LA-BLANCHE nous apparaît aux premières lueurs de l'aube baignée de lumière, grimpant en gradins à l'assaut des collines. Elle se découpe immaculée sur le bleu lumineux d'un ciel céruléen.
---------Alger c'est encore un peu l'Europe et c'est déjà l'Afrique...

Joe CEURVORST.

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---------LE panorama d'Alger est célèbre, c'est un des plus beaux de la terre. Il y a sur notre globe une dizaine de points où la seule vue de la nature donne à l'homme une émotion vive, une exaltation, une évocation puissante de beauté. Là, il se sent vivre d'une vie plus intense, il éprouve le besoin d'attribuer à une supériorité l'arrangement du spectacle qui le charme. Son admiration est si violente que son coeur n'est point satisfait, que son âme souffre d'un vide s'il ne peut mentalement exprimer sa reconnaissance d'être là... Alger est l'un de ces points-là !

Eugène BRIEUX.

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ALGER, jamais je ne t'ai vue si belle, si parée, si harmonieuse, à la fois si sultane et si reine de la Mer, que de cette loggia vertigineusement ouverte sur tes dévals, tes retours, et tes courbes.
Jean POMIER.

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---------IL faut bien avouer qu'Alger, pour quiconque y a tant soit peu vécu, est incomparable. Pour moi, en dépit des années, je ne m'en lasse point. Aujourd'hui, comme il y a trente ou trente-cinq ans, c'est toujours la grande ville joyeuse, vivante, épanouie dans sa fécondité et sa lumière, où il suffit, le matin, de pousser sa persienne devant un grand ciel invraisemblablement pur et. splendide, pour se sentir l'âme en jubilation.

Louis BERTRAND.
"D'Alger la Romantique à Fez la Mystérieuse "

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---------LA mer, comme une coupe sans bords, s'arrondit et semble fuir de tous côtés dans l'infini. Ses écailles plombées scintillent sous les caresses de la lumière naissante ; puis elle s'étale comme un désert d'ardoise tacheté de blanc, ou bien c'est une nappe bleue, d'un bleu indéfinissable et changeant, profond et transparent quand on le voit de près, absolument mat quand on s'en éloigne. Eminemment sensible, elle change de nuance au moindre accident qui survient dans le ciel. Capricieuse même dans son repos, l'azur sombre de l'inquiétude, l'éclair vert de la colère, se succèdent dans le battement de ses flots, et souvent elle est livide. Il faudrait, pour la comprendre, savoir ce qui se passe au loin dans tout l'air invisible qui pèse sur elle.

Emile MASQUERAY.

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-------DÉCIDÉMENT, mon cher, il y a deux villes au monde Paris et Alger ; Paris, la ville de tout le monde ; Alger, la ville de l'artiste.
Jules de GONCOURT.

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---------J 'AI habité, en un ou divers séjours, cinq mois à Tunis, quatre à cinq mois à Fez, quatre mois à Marseille, quatre mois à Tanger, plusieurs semaines à Jerez de la Frontera, à Madrid, à Barcelone, à Milan. Qu'ai-je écrit sur ces villes? Peu ou rien. Tandis que les pages qui suivent sont peut-être la dixième partie de ce que j'ai écrit ou à écrire sur Alger. Il y a là un petit fait qui en dit plus qu'aucune digression.
Henry de MONTHERLANT

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---------CE cri arraché aux rêveurs devant certains sites : " On voudrait mourir ici ! ", je l'ai poussé vingt fois à Mustapha, et il ne me déplairait pas de savoir que je pourrirai sous un olivier, au bord de cette route ombreuse qui côtoie la Méditerranée. Si j'avais la liberté de désigner un coin de terre pour y passer en paix le reste de mes jours, je choisirais le coteau de Mustapha, et je bâtirais une maison au-dessus du Palais du Gouvernement.

Ernest FEYDEAU.

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---------VOILA ce qu'est l'Alger d'aujourd'hui : une ville à laquelle son origine, ses vicissitudes et par-dessus tout son site incomparable conserveront toujours, en dépit de toutes les transformations, un caractère parfaitement original ; ville pleine de surprises, dont la variété d'aspect, les perspectives inattendues, surgissant au coin de nombreuses rues vers les hauteurs ou en échappées fugitives vers la mer, font une cité pleine d'intérêt, amusante et d'un charme spécial.

René LESPÈS

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--------LA Kasbah d'Alger... Elle surgit, dès que le paquebot franchit la passe entre les deux éperons des jetées.
---------La multitude de ses terrasses, de ses minarets, dressent dans le soleil leurs coupoles, leurs cubes éclatants.
---------Et tout de suite, la curiosité, la crainte, vous étreignent.

Jean VIGNAUD.

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CE sont des horizons de golfe, des espaces
Prenants comme l'amour et comme le sommeil,
Et puis voici la ville au millier de terrasses,
Tel un grand escalier où monte le soleil.
Victor BARRUCAND.

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ALGER...
C'est toi cette blancheur mollement inclinée,
Ces paresses, parmi l'encens et le benjoin,
Et ton azur sans rides, ô Méditerranée,
Qu'un azur implacable et sans tache rejoint !
C'est toi, c'est toi, c'est toi ce jet d'eau solitaire
Qui danse triste et bleu vers l'étoile du soir,
Ces flûtes qu'on ne peut entendre sans se taire
Et que semble briser un indicible espoir.
C'est toi, ces longues nuits aux étoiles intenses,
Que traversent sans fin de bleuâtres éclairs,
Tandis que débordant de lune et de silence,
Ta terrasse rêveuse écoute, au loin, la mer.
Edmond GOJON.

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HEUREUX pays dont la seule expression naturelle est le sourire.
Eugène FROMENTIN.

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place du gouvernement par Bouchaud

 

---------LE centre, le coeur d'Alger est la place du Gouvernement.
---------Qu'on se figure un rectangle long dont trois faces sont formées par de hautes maisons à arcades, garnies de magasins, d'étalages, de cafés, coupées de passages et de rues.
---------Le quatrième côté rompt la symétrie ; c'est d'abord une mosquée, la Djema-el-Djedid, toute blanche, aux murs dentelés de merlons, élançant au-dessus de sa coupole et de ses dômes la fine silhouette du minaret, puis une large échappée se découvre avec le port, la mer, les lointains monts kabyles et toute l'ampleur de l'horizon.

Maurice WAHL.

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---------LA place du Gouvernement n'a rien perdu de son premier aspect. Le coeur de la ville s'est, depuis, bien déplacé, mais, comme autrefois, la place du Gouvernement demeure le carrefour où se coudoient tous les types du bassin méditerranéen, où se distingue le cosmopolitisme le plus intense.

Jean MELIA."La Ville blanche "

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---------... SOUDAIN, comme un bouquet d'étoiles, une grande mélodie claire s'égrenait doucement dans le ciel, et, sur le minaret de la mosquée voisine, un beau muezzin apparaissait, découpant son ombre blanche dans le bleu profond de la nuit, et chantant la gloire d'Allah avec une voix merveilleuse qui remplissait l'horizon.

Alphonse DAUDET."Tartarin de Tarascon "

SOUS le blanc soleil qui détraque,
La Place du Gouvernement
Dont le sol se fendille et craque,
Est blanche impitoyablement.
Jules LEMAITRE.

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UNE place bleue. Une foule blanche
- Haïks et burnous - tournant, discutant,
Au milieu d'appels et d'une avalanche
De " slama " (salut) lancés d'un ton éclatant.
Alexandre LETY-COURBIERE
" Les Reflets du Croissant "

place du gouvernement par Brouty

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--------D'AUTRES attroupements encombrent ce pittoresque forum, violemment ensoleillé, de la Place du Gouvernement : ici, des montagnards kabyles et des paysans arabes, engoncés dans leurs épaisses cachabias de laine rousse ; là, de vieux pêcheurs napolitains en cotte bleue, la pipe plantée dans une tête de vrai loup de mer, une casquette de marinier sur le coin de l'oeil, tiennent de longues palabres dans un jargon chantant et aliacé. Ils se racontent des exploits professionnels, évoquent des souvenirs de Palerme, de Sardaigne ou de Capri, échangent des conseils de navigation qui vous font venir l'eau à la bouche, comme des recettes culinaires, pour peu qu'on aperçoive derrière eux un petit bout de port et qu'on sente le souffle enivrant d'une brise marine.

René JANON.
"Hommes de peine et Filles de joie "