Alger,Tipasa
TIPAZA
Afrique du nord illustrée du 15-1-1927- Transmis par Francis Rambert

On a tout dit de Tipasa depuis que les ruines sont à la mode et il parait bien difficile, dans le genre descriptif, d'apporter la dessus quoi que ce soit de nouveau.

Les écrits de MM. Gsell, Marceaux, Ballu, Vallu, dernièrement ceux de MM. Carcopino et Albertini ne laissent plus rien ignorer de la petite cité quant à son territoire, son architecture, ses vicissitudes. Dans l'ordre littéraire, Louis Bertrand, Martial Douel et quantité de nos confrères algériens ont redit en bonne prose, et quelquefois en vers, toute la couleur et tout le charme mélancolique de ces ruines émouvantes.

Nous n'aurions garde de revenir là-dessus, sûr de ne pouvoir rien ajouter de valeureux à toutes les indications précises, à tous les rappels et à toutes les évocations auxquels prêta la petite ville maurétanienne qui fut à deux pas de Césarée, la ville d'Apollon, la ville du Christ et la patrie de sainte Salsa.

Nous essayerons d'en parler sur un ton nouveau, dans un but autre que littéraire et de glorification du passé ; nous en parlerons du point de vue touristique et pratiquement.

Il n'est, du reste, plus personne en Algérie qui ignore Tipasa. Tous les circuits touristiques s'y arrêtent, nos compagnies de chemins de fer, nos diverses agences chaque jour de chaque semaine y déversent les nombreux voyageurs de leurs luxueux cars. Et personne non plus qui n'ait parcouru le parc Tremaux, la colline des Temples, personne qui n'ait visité les Thermes, foulé le forum et longuement contemplé la basilique Alexandre.

Ce sur quoi nous voudrions insister c'est d'abord sur ce fait que Tipasa se situe dans un décor des plus ravissants de l'Algérie et qu'elle n'est en somme qu'à soixante-dix kilomètres d'Alger, c'est-à-dire à une heure d'automobile.

*** La qualité médiocre des photos de cette page est celle de la revue. Nous sommes ici en 1927. Amélioration notable plus tard, dans les revues à venir. " Algeria " en particulier.
N.B : CTRL + molette souris = page plus ou moins grande

TEXTE COMPLET SOUS CHAQUE IMAGE

ici,aout 2021

1 500 Ko
retour
 

 


TIPAZA
TIPAZA
TIPASA

On a tout dit de Tipasa depuis que les ruines sont à la mode et il parait bien difficile, dans le genre descriptif, d'apporter la dessus quoi que ce soit de nouveau.
Les écrits de MM. Gsell, Marceaux, Ballu, Vallu, dernièrement ceux de MM. Carcopino et Albertini ne laissent plus rien ignorer de la petite cité quant à son territoire, son architecture, ses vicissitudes. Dans l'ordre littéraire, Louis Bertrand, Martial Douel et quantité de nos confrères algériens ont redit en bonne prose, et quelquefois en vers, toute la couleur et tout le charme mélancolique de ces ruines émouvantes.
Nous n'aurions garde de revenir là-dessus, sûr de ne pouvoir rien ajouter de valeureux à toutes les indications précises, à tous les rappels et à toutes les évocations auxquels prêta la petite ville maurétanienne qui fut à deux pas de Césarée, la ville d'Apollon, la ville du Christ et la patrie de sainte Salsa.
Nous essayerons d'en parler sur un ton nouveau, dans un but autre que littéraire et de glorification du passé ; nous en parlerons du point de vue touristique et pratiquement.
Il n'est, du reste, plus personne en Algérie qui ignore Tipasa. Tous les circuits touristiques s'y arrêtent, nos compagnies de chemins de fer, nos diverses agences chaque jour de chaque semaine y déversent les nombreux voyageurs de leurs luxueux cars. Et personne non plus qui n'ait parcouru le parc Tremaux, la colline des Temples, personne qui n'ait visité les Thermes, foulé le forum et longuement contemplé la basilique Alexandre.
Ce sur quoi nous voudrions insister c'est d'abord sur ce fait que Tipasa se situe dans un décor des plus ravissants de l'Algérie et qu'elle n'est en somme qu'à soixante-dix kilomètres d'Alger, c'est-à-dire à une heure d'automobile.
Or, on a pu voir aux informations de la presse quotidienne et au relevé que nous-mêmes en avons donné qu'Alger devient un des centres de tourisme les plus fréquentés du monde. De décembre à mai pas de jour que n'y relâche quelque grand paquebot anglais ou italien ; plus rarement français, hélas ! portant au chiffre de plusieurs centaines des touristes anglais ou américains. Dans leur voyage de circumnavigation dans la Méditerranée, Alger est devenu une escale indispensable, un point qu'on ne peut pas négliger, s'il est vrai qu'on doit voir : Athènes, Alexandrie, Constantinople, Naples, Capri et quelquefois Venise, c'est une chose admise qu'on ne saurait négliger Alger.
Aux touristes, Alger offre un incomparable panorama, un des plus grands spectacles du monde. Son golfe, son amphithéâtre de montagnes, les beaux coteaux boisés qui la prolongent constituent une vision de faste et de beauté d'une ampleur grandiose, d'un-charme exquis que très peu d'autres villes au monde présentent au même degré.
Après le boulevard de la République qui fut bien un trait de génie, le belvédère du boulevard Bru, les routes de Mustapha-Supérieur permettent, dans un seul regard, qu'on ramasse et qu'on s'imprègne de toute cette beauté de songe et de féerie.
Mais, en somme, cela est trop vite fait. Arrivés le matin, les touristes peuvent repartir le soir même, emportant de cette ville et de ce site qui se livrent trop vite un souvenir qu'ils pensent suffisant.
Peut-être Alger, ses travailleurs, son commerce, ses hôtels trouveraient-ils intérêt et profit à ce que le séjour de ces milliers de touristes se prolongeât un peu plus. C'est même de toute évidence.
Et voilà pourquoi Tipasa nous paraît énormément intéressante. Nous n'avons pas ici souci d'histoire, d'archéologie et de passé. Seuls nous sollicitent le présent et l'avenir.
Et voici le raisonnement : A soixante-dix kilomètres d'Alger, tout au long de la Côte de Turquoise, qui groupe à travers le terroir le plus coloré et le plus divers de l'Algérie les plus beaux sites, les plus belles criques, les plus beaux paysages terrestres ou marins, n'y aurait-il point intérêt à offrir au visiteur le spectacle intéressant, à la fois séducteur et émouvant, d'un Tipasa refait, rebâti, reconstitué ?
Amoureux du passé ou seulement curieux, le touriste, le voyageur s'y porteraient. Il deviendrait indispensable de voir Tipasa comme on voit Pompéï, et la petite ville romaine, au lieu d'être comme maintenant un accident, deviendrait un but. On comprend que toute la côte y gagnerait en animation, en mouvement, voire en hôtels, en jardins, en brasseries, en établissements de luxe et de plaisir. De parcourir tout ce splendide pays qui commence à Guyotville, cela compléterait parfaitement et à merveille l'excellente impression que les touristes emportent de l'Algérie et d'Alger. Après le profit matériel, l'intensité accrue d'une circulation dont nous aurions tous à nous féliciter, ce serait le bénéfice moral non moins important, la sympathie, le bon souvenir. Quand on aime un pays, qu'on le trouve beau et plaisant on n'est pas loin de reporter sur ses habitants un peu de la sympathie qu'il nous inspire.
Personne ne contestera et cette vérité et l'intérêt non moins manifeste que présente cette réfection.
Nous savons que de très graves objections peuvent être fournies. On invoquera d'abord les difficultés matérielles, le coût d'une telle entreprise, la nécessité de reprise et d'expropriation des immeubles, établissements et jardins qui recouvrent l'emplacement de la Tipasa romaine. L'argument ne résiste pas au calcul : l'affaire serait bonne et si c'est vrai qu'on ne fait rien avec rien, elle paierait très vite. Une autre portera sur le caractère architectural en somme secondaire de Tipasa. Elle n'a évidemment point la splendeur qu'on peut supposer à Cherchell, ville de marbre et capitale de Juba II. Tipasa en somme est barbare, pauvre, chrétienne de basse époque décadente, de matière fruste et grossière. Pas de marche, de monuments splendides et de statues dans le goût hellénistique, mais des pierres grises, des murs trapus, des remparts méfiants, des tombes et partout en somme, la splendeur grecque oubliée, cette dégénérescence dont s'abaissent les formes quand elles inclinent au mystère et au symbole.
Mais cela non plus ne serait point dirimant. D'ailleurs, il y a plusieurs Tipasa, de diverses époques. Plus que la bourgade chrétienne des années 500, de Firmus et des Vandales, on pourrait s'attacher à redresser la Tipasa antérieure, la Tipasa romaine. Nos savants sont en mesure de nous apporter assez de précisions pour nous éviter qu'on nous accuse d'être des faussaires et notre puissante technique constructive autorise toutes les audaces.
En somme, il s'agirait cette fois, au lieu de se tourner les pouces devant les vestiges du passé mort, d'aider au présent et de préparer l'avenir. Là où s'éternise l'inutile regret des autres, plus simplement, nous proposons qu'on travaille. Avant tout vivre !
Cette promenade dans Tipasa reconstituée s'agrémenterait du reste, une demi-heure d'automobile y suffirait, de la visite du musée de Cherchell. L'une compléterait l'autre. On sait les trésors archéologiques de ce musée et l'acharnement que met Jean Glénat, le conservateur actuel, fouillant partout où les modestes ressources mises à sa disposition lui permettent, à en augmenter l'attrait et la valeur. Mais faire cent kilomètres pour voir le musée de Cherchell est une randonnée que peu de touristes consentent, alors qu'ils n'hésiteraient moins s'ils pouvaient, avant, s'égailler à travers les rues d'une ville entièrement reconstruite et dont la situation géographique est - il est nécessaire de le répéter - unique au monde.
Ainsi donc, la résurrection de Tipasa servirait les intérêts de Cherchell et réciproquement. C'est pourquoi, il serait heureux et souhaitable que les syndicats d'initiative de ces deux villes réunissent leurs efforts, groupent leurs ressources et leurs moyens d'action pour obtenir l'appui des élus de la région, l'appui officiel du Service des fouilles et les subventions nécessaires du Gouvernement, du département et des communes intéressées. Ce n'est que par entente, une coalition des forces de toutes sortes que pourra se réaliser une œuvre indispensable au développement touristique de la région algéroise.