Géographie de l'Afrique du nord
Le Titteri des Français
1830-1962
Introduction
Documents et textes : Georges Bouchet
mise sur site le 24-10-2008

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             LE  TITTERI  DES  FRANÇAIS
         1830-1962

   Le mot Titteri désigne à l’origine une tribu berbère à l’est de la région de Boghari. C’était une tribu dite semi-nomade qui possédait des champs dans les bassins ou vallées de l’Atlas Tellien, et des terrains de parcours sur les hautes plaines steppiques attenantes.

   Le mot devait alors s’appliquer à la fois aux gens et aux terrains sur lesquels ils vivaient et se déplaçaient. Certes ce n’était pas la seule tribu de ces confins montagne-steppes, à vivre ainsi. Pourquoi est-ce  ce nom, et pas un autre, qui a fini par concerner toute la bande méridienne allant de Médéa au nord, à l’Atlas saharien au sud ? Je l’ignore.

   Ce terme n’a reçu une sorte de consécration officielle que sous les Turcs, lorsque ceux-ci créèrent un beylik qu’ils appelèrent officiellement beylik du Titteri. ; son bey résidant à Médéa. A ses débuts ce beylik avait pour limites : au nord, les crêtes dominant la Mitidja,    
                                      à l’ouest les abords de la vallée du Chéliff,
                                      à l’est la vallée de l’Isser jusqu’à Bouira et au-delà,
                                      au sud Boughzoul jusqu’en 1727, Laghouat ensuite.

   Vaste région donc, que les troupes françaises mirent 22 ans à traverser, la prise de Laghouat étant du 14 décembre 1852. Pour que la sécurité soit à peu près établie sur l’ensemble du territoire, il a bien fallu une bonne dizaine d’années de plus. Il est vrai que même Médéa a été long à conquérir, difficilement, le 17 mai 1840 seulement.

   Dès la conquête de Médéa achevée, les autorités françaises ont maintenu le rôle éminent de cette place en en faisant le siège d’un commissariat civil, puis d’une sous-préfecture et d’une subdivision militaire. Médéa devint chef-lieu d’arrondissement en 1848 et le resta jusqu’en 1957. Cette année-là la ville fut promue chef-lieu de département. A vrai dire, ni l’arrondissement, ni le département ne furent officiellement nommés « du Titteri » ; mais cette appellation fut d’un usage courant et constant pour désigner la région et la circonscription de Médéa.

   Seules les limites de cette circonscription ont changé avec le temps, tout comme avaient changé aussi les limites du beylik turc.   D’abord adossé, au sud, à la chaîne des Sebaa Rous, le département annexa en mars 1958 la région de Djelfa qui faisait auparavant partie des « territoires du sud ». Une dernière modification de détail intervint le 3 septembre 1959 lorsque la commune de Borély-la-Sapie fut enlevée au département d’Orléansville pour être rattachée à celui de Médéa.

   L’objet de cette étude consacrée au Titteri est donc le département de Médéa tel qu’il était en 1962. Pour être très précis, ses limites avaient été fixées par un arrêté du 7 novembre 1959 qui lui rendait trois arrondissements (Aumale, Bou-Saâda et Tablat) qui lui avaient été enlevés en 1958 pour créer l’éphémère département d’Aumale.

LES LIMITES DU DEPARTEMENT DE MEDEA  A PARTIR DE FIN 1959
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LES LIMITES DU DEPARTEMENT DE MEDEA A PARTIR DE FIN 1959

Sur la carte ci-jointe la limite du département est surlignée en rouge.

La ligne en pointillés est la limite nord des territoires du sud définis en 1902.

J'ajoute également une petite carte (ci-dessous) afin de visualiser la modification mineure de la limite du côté de Borély-la-Sapie. En bleu l'ancienne limite, en rouge celle instituée en septembre 1959.

modification mineure de la limite du côté de Borély-la-Sapie.

On peut noter que l'oasis de Laghouat qui était intégrée au Titteri turc, reste extérieure au Titteri français.

 
CARTE DES 7 ARRONDISSEMENTS DU DEPARTEMENT DU TITTERI
CARTE DES 7 ARRONDISSEMENTS DU DEPARTEMENT DU TITTERI

 Les localités extérieures au département sont toutes des chefs-lieux d’arrondissement, d’autres départements 

     La superficie du département est de l’ordre de 50 000km².
     Sa population, sur la base du recensement du 31 octobre 1954, était de 621 103.
     Il y avait 10 450 européens et 610 653 musulmans : soit un européen pour 58 musulmans

Nom de l’arrondissement

 Nombre d’Européens

Soit un Européen pour  x musulmans

MEDEA

       3966

Soit un pour 24

AUMALE

       2426

                    55

BOGHARI

       1569

                    51                            

BOU-SAADA

         771

                    65

DJELFA

       1231

                    88        

PAUL CAZELLES

         233

                   217               

TABLAT

         249

                   344                     

   Si j’insiste aussi lourdement sur la faiblesse du peuplement européen, c’est pour souligner l’extrême différence entre les régions littorales urbaines et l’intérieur de l’Algérie, même l’intérieur peu éloigné, car Tablat n’est qu’à 69 km d’Alger centre.

   Dans les 22 monographies des villages de colonisation du Sahel, j’avais mis l’accent sur l’aspect européen des paysages, sur la continuité des terroirs communaux, sur la densité des routes et le nombre des églises.

   Le Titteri français, c’est un peu , voire beaucoup, le contraire : à quelques exceptions près tout au nord du département, des paysages africains, des terroirs colonisés discontinus, ou absents, et un réseau de routes et de pistes à mailles très lâches. Sur les 99 communes du département (arrondissement de Djelfa exclu faute d’informations) 43 n’ont aucun résident européen en 1954.

Dans plus de la moitié de cet espace, le Français est un individu de passage ; et dans les mechtas les plus isolées, un personnage quasi exotique. Le Titteri des Français a des allures d’archipel.