TRANSPORTS EN COMMUN D'ALGER
30 ANS DE GRANDS PROJETS
Christian Ripoll
sur site le 10-06-2005

65 Ko
Plan du métro vers 1959 (envoi de Christian Ripoll)
retour
 


LES EMBARRAS D'ALGER

--------La ville d'Alger a connu des embarras de circulation dés les années 20. Un chroniqueur de l'époque écrivait " les artères maîtresses ne suffisent plus à assurer la triple fonction de circulation des piétons, du transport des voyageurs et du transport des marchandises ".

--------On peut avancer au moins quatre raisons pour expliquer cette situation :

--------Le relief :
--------L'une des premières caractéristiques de la ville d'Alger est son site en forme de cirque. Construite sur la côte ouest de la baie, l'agglomération est enserrée entre la Méditerranée et les premières collines du Sahel, dominées par le Mont Bouzareah (407 m), n'offrant à l'espace urbain qu'une étroite bande plane de quelques centaines de mètres, et le flanc des collines, parfois fort pentu. C'est ainsi que seulement deux longs axes, pratiquement horizontaux, parallèles à la côte traversent la ville dans le sens nord-sud, tandis que les axes transversaux est-ouest sont courts et en rampes, souvent raides et même parfois en escaliers.

--------Les rues :
--------Une autre caractéristique est l'étroitesse des rues.
--------Dés 1830, les autorités militaires, seule autorité en place jusqu'en 1871, commence le développement d'Alger. --------Les premières rues sont ouvertes pour les besoins de l'armée, mais par mesures d'économie, elles sont très étroites, les premières (rue de Tanger par ex) ne dépassent pas 5 m. --------Sans plan d'urbanisme établi, des chemins muletiers conduisant vers le Sahel sont aménagés en routes. Elles sont de ce fait mal tracées, et, toujours par économie, étroites.
--------Ce n'est qu'à la fin du 19éme siècle que les premières règles d'urbanisme sont établies, mais Alger hérite de ses rues et routes déjà réalisées. Notamment, huit grandes voies convergent vers Alger, sans moyen de contourner le centre ville.

--------La population :
--------Elle est en augmentation constante et galopante: 154.000 habitants en 1906, 226.000 en 1926, on estimait alors qu'elle serait de 400.000 en 1950. Quand on sait qu'elle était de 6 à 700.000 en 1962, la prévision était exacte, et même un peu courte.

--------L'automobile
--------Elle se développe à une vitesse fulgurante : un millier de voitures en 1920, 5000 en 1929. Elles se mêlent aux nombreux véhicules hippomobiles bien plus lents, aggravant le congestionnement des rues.
--------En 1929, on estime à 9000 par jour le nombre de voitures à moteur et à chevaux qui entrent dans la ville par les huit artères, et qui se retrouvent dans le centre ville totalement saturé.


--------Forte population, étroitesse des rues, insuffisance de voies traversantes, voitures de plus en plus nombreuses, le résultat évident était l'engorgement permanent de la ville. Vers 1925/26, il paru primordial aux autorités de prendre des décisions d'envergure pour éviter l'étouffement de la ville à brève échéance.

--------Les solutions envisagée faisaient largement appel aux transports en commun dont il fallait accroître l'efficacité dans de grandes proportions.

Les transports en commun d'Alger

--------La ville d'Alger fut desservie très tôt par des transports en commun : en 1841 des omnibus à chevaux, les " Corricolos ", étaient déjà en service. Ils étaient stationnés Square Bresson.
--------Le premier tramway, à cheval, apparu en 1876, pour disparaître en 1882.
--------En 1891, l'entreprise Delaize obtient la concession des lignes " Hopital du Dey - Colonne Voirol ", et " tournants Rovigo ", lignes qui ne sont pas encore électriques.
--------Le 17 septembre 1896, le projet d'électrifier le tramway est agrée, la concession accordée à l'entreprise Delaize est rétrocédée à la compagnie Thomson-Houston et prend le nom de Tramways Algériens (les TA).

--------En 1904, Alger était desservie par 3 compagnies de tramways :
--------(se reporter aux articles de Henri Martin sur le site Alger-roi.net.

-------
--------La Société Anonyme des Chemins de Fer sur Route d'Algérie (CFRA), filiale de l'Omnium Lyonnais, exploitant plusieurs lignes à voie étroite dans le Département d'Alger dont la longue ligne côtière Castiglione - Alger - Aïn-Taya (77 km), la navette de Koléa (44 km), Rovigo (37 km).
--------Seule la partie Deux Moulins - Maison Carrée (20 km) était électrifiée. Les autres lignes étaient exploitées à la vapeur.

--------Les Tramways Algériens (TA), société anonyme concessionnaire de la Ville d'Alger, filiale de la société de Traction Thomson-Houston, exploitant, depuis 1898, une longue ligne de 8 km, électrifiée, de l'Hôpital Militaire Maillot au quartier Mustapha Supérieur avec deux embranchements de 3 km chacun, l'un vers la Colonne Voirol, l'autre le long du Boulevard Bru,

--------La Compagnie des Tramways et Messageries du Sahel (TMS), entreprise familiale, exploitant, depuis 1901, une ligne suburbaine d'Alger à El Biar (5 km), Châteauneuf (6,7 km), où était situé le dépôt, et Ben Aknoun (8,5 km).
--------Cette compagnie a disparu en 1937, et les lignes reprises par les CFRA.


--------En 1929, le trafic était, CFRA, TA et TMS confondus, de 60 millions de voyages par an, et on en prévoyait 100 millions en 1949


LES GRANDS PROJETS


--------Le premier projet : 1929
--------Vers 1928, les TA font appel à la RATP pour étudier et proposer des solutions nouvelles aux transports en commun en ville.
--------La RATP mena une étude détaillée, analysant les besoins en déplacements de personnes et les réseaux existants. Dans ses conclusions publiées en avril 1929, elle conseillait essentiellement, on pouvait s'y attendre, la construction d'un métro …
--------Mais pas seulement un métro !
--------La ligne de métro proprement dite était l'épine dorsale d'un système complet de lignes radiales en correspondance desservant les banlieues : trains à crémaillère, funiculaires, téléphériques.
--------On retrouve les contraintes de relief dans le choix des matériels, spécifique des lignes en forte rampe.

--------Le Métro
--------La ligne de métro, intégralement en souterrain, avait pour point de départ à Bab El Oued l'Avenue Durando, à son intersection avec le Bd de Provence. La ligne cheminait vers le centre ville sous l'avenue de la Bouzareah, l'avenue de la Marne, la place Jean Mermoz où était la station " Place Mermoz ", pour desservir notamment le lycée Bugeaud. Puis elle poursuivait par le sous sol du quartier de la Marine déjà voué à la démolition, selon un itinéraire voisin de l'actuelle avenue du 8 novembre. La ligne traversait la place du Gouvernement pour rejoindre la rue de la Lyre, avec la station " Cathédrale ". Le choix de la rue de la Lyre était imposé par la présence d'un collecteur d'assainissement de grandes dimensions, de l'ordre de 3 à 4 m de diamètre, sous la rue Bab Azoun. Après la station " Opéra ", la ligne rejoignait la rue de Constantine jusqu'à la Grande Poste, avec une station intermédiaire " Rue Waïsse ". A la Grande Poste, la station recevait 4 voies, avec rebroussement et embranchement vers deux directions en Y.
Une branche poursuivait par la rue Michelet jusqu'au Parc de Galland, avec les stations " Facultés ", " Victor Hugo " et le terminus au Parc.
--------L'autre branche allait vers le Champ de Manœuvre, par la rue Charras, avec la station " Agha ", par la rue Clauzel avec la station " Place Hoche ", pour desservir le lycée Gautier, et par l'ancienne usine à gaz (sans doute avec un passage en aérien), atteignait le terminus Place Sarrail.

--------Le matériel roulant était une transposition de celui de Paris. Les voitures devaient être au gabarit de 2,30 m, longues de 14 m (80 places), composées en rames de 2 à 4 voitures. Le parc devait compter 32 motrices et 30 remorques.
--------La prise de courant par 3éme rail, comme le métro de Paris, avait été préférée à la caténaire pour diminuer la hauteur de la voûte.
--------Le tunnel aurait eu de 6 à 7 mètres de large, les stations n'auraient eu qu'un seul quai desservant les 2 voies à niveau, ou dans des cas particuliers comme la Place Hoche, 2 voies superposées avec chacune son quai.

--------Un terrain de 12000 m2 était à acquérir à proximité du départ de Bab el Oued pour les installations d'exploitation : dépôts, ateliers, administration. La somme de 5.400.000 frs. Etait inscrite au budget. Quant au dépôt de l'avenue Général Yusuf, les TA venaient seulement d'en acheter le terrain.

--------Il faut souligner le degré d'avancement de ce projet qui comprend les plans des stations et leurs accès, des tunnels, la définition du matériel, et une estimation de coûts très poussée.
--------Le dossier en était à un stade proche de l'appel d'offres.

--------La Ligne de Transport Rapide
--------La ligne devait relier le " Fort Bab Azoun " (Bastion XV) à l' Hippodrome du Caroubier, soit 8,6 km. avec un nombre d'arrêts limité et plus espacés que le tram existant.
--------Ce projet était encore confus. Seules les grandes options étaient définies. La ligne devait suivre les rues, de façon pas toujours précisée, soit sur chaussée avec élargissement des rues (destruction des immeubles…), soit en viaduc.
--------Elle partait du Fort Bab Azoun vers le Champs de manœuvre (par le Bd Baudin ?), empruntait la rue Charles Lutaud, traversait l'Arsenal qui devait être déménagé, le bd Thiers et la rue de Lyon, qu'il fallait élargir à 35 m., puis traversait le lotissement Brevia avant d'atteindre le Caroubier.
Les stations auraient été : Grande Poste, Agha, Champ de Manœuvre, Belcourt, Jardin d'Essai, Stade Municipal, Ruisseau, Brevia, Hopital Parnet, Ateliers CFRA, Hippodrome.
--------Le service devait être assuré par 5 motrices et 10 remorques, pour un temps de trajet de 21 mn.
--------L'ampleur des travaux à entreprendre - élargissement des rues à 35 m - et les difficultés administratives et militaires - déménagement de l'arsenal - qui les accompagnaient sont difficiles à imaginer et encore plus à chiffrer …

--------La ligne Fort Bab Azoun - El biar
--------C'est un chemin de fer à crémaillère, à double voie, passant par la Grande Poste, les Tagarins, le bd Gallieni.
--------La section Grande Poste - Tagarin est à crémaillère avec une pente de 16,6%. Au delà, c'est une voie en simple adhérence avec une pente de 4,5%.
--------Elle est en souterrain sous le Bd Laferièrre, et à ciel ouvert au delà jusqu'à El Biar. Pour son arrivée à El Biar, la ligne longe le Bd Galliéni.
--------Le matériel roulant prévu comprenait 4 motrices de 100 places, roulant à 15 km/h en crémaillère et 25 le reste du parcours. Le temps total était de 17 mn.

--------La ligne Bd Guillemin - Tagarins
--------C'est un chemin de fer à crémaillère, en simple voie, de 2,1 km. La différence de niveaux est de 155 m. La ligne part du Bd Guillemin, coupe la Rampe Vallée en souterrain en pente de 13,8%, sort de terre et atteint les Tagarins par une pente de 18%.

--------La ligne Champ de Manœuvre - Colonne Voirol
--------C'est un chemin de fer à crémaillère, en simple voie, de 1,7 km. Les 400 premiers mètres sont en adhérence, le reste à crémaillère, de 13,6% de pente. La ligne est en souterrain jusqu'à son croisement avec l'Av Yusuf. Elle suit sensiblement le boulevard Margueritte et le chemin de Gascogne.
--------L'exploitation est prévue avec 2 motrices

--------La ligne Avenue de Picardie - ND d'Afrique
--------Chemin de fer à crémaillère, en voie simple, de 735 m de long, en pente de 16%. Service assuré par une seule motrice.
--------NDLA : cette ligne a été réalisée en 1975 sous forme d'un téléphérique, en remplacement de la ligne de trolleybus " H ". De ce fait cette ligne de trolleybus fut la première d'Alger, et aussi la dernière. Elle aura vécu une quarantaine d'années.

--------La ligne Place de la République - Caserne d'Orléans
--------Chemin de fer à crémaillère en simple voie, de 690 m, en pente de 17%, pour une dénivellation de 116 m.
--------La ligne passe sous le côté de l'opéra, sous le marché de la Lyre, puis sort de terre au dessus de la rue Rovigo jusqu'au terminus.
--------La desserte est assurée par 2 motrices de 100 places roulant à 14 km/h. Le temps de parcours prévu est de 5 mn.

--------
Le Funiculaire Marabout (Belcourt) - Villa Sesini (Diar el Mahçoul)
--------La ligne est aérienne au dessus du quartier en construction (à cette époque), pénètre dans la falaise et ressort sur la plateau à côté de la villa Sesini.
--------La ligne est longue de 326 m, pour une différence de niveaux de 115 m.
--------La desserte est assurée par 2 motrices de 100 places roulant à 14 km/h. Le temps de parcoursprevu est de 2 mn.
--------NDLA : cet équipement a été réalisé en 1955/56 par les TA, sous forme d'un téléphérique.

--------Voilà le premier projet. On pourrait le qualifier de pharaonique ! Son coût avait été estimé comme suit, en milliers de frs 1929 :

---Metro urbain
132 850
" RER " ligne à grande vitesse

328 600
Grande Poste - El Biar
32 800
Grande Poste - Tagarins
12 000
Ch de Manœuvre - Colonne Voirol
11 800
Bd de Picardie - ND d'Afrique
3 850
Pl de la Republique - Caserne d'Orléans
3 700
Belcourt - Villa Sesini
4 300
TOTAL
529 900

--------D'après les tables de conversion, cela fait environ 300 millions d'Euros, (soit près de 2 milliards de Francs)… Mais est ce vraiment convertible par simple règle mathématique ? On peut en douter, et estimer ce projet à une somme nettement supérieure.

--------Le projet n'a pas vu le jour, ce qui n'étonnera personne !

--------Le second projet

--------Le coût du projet de métro était jugé trop élevé (et on le croit volontiers !), mais les problèmes demeurant, voire empirant, en 1933 un nouveau projet est mis en étude par les TA (Tramways Algérois) assisté cette fois de l'Omnium Lyonnais, dans le but de trouver une solution plus légère, donc plus réaliste.

--------La solution retenue fût un tramway souterrain.

--------La ligne était creusée en tranchée dans les rues, enterrée sous une dalle et suivait de ce fait strictement les rues.
--------La partie souterraine irait de la Place Mermoz (Lycée Bugeaud) au Parc de Galland.
--------Par mesure d'économie, le gabarit des véhicules serait ramené à 2 m de large et environ 20 m de long, sur voie étroite (1,055 m, celle du tram de surface)
--------Les stations seraient les mêmes que celles du métro.
Aucune des extensions vers les banlieues n'était envisagée à ce stade.

--------Ce projet beaucoup plus léger fût accepté et lancé.

--------La première tranche consistait en l'acquisition du matériel roulant. Un prototype de rame à deux motrices réunies par une section articulée est commandé en 1935, et essayé sur le réseau existant. Devant ses excellentes performances, la commande de 25 autres rames est passée, avec quelques modifications tout à fait mineures.
--------Les rames sont construite et livrées de 1935 à 1938 par SATRAMO, association de la Société Franco-Belge et Alsthom, et mises en service en remplacement du vieux matériel désuet, qui pourtant survivra aux CFRA jusqu'en 1950/51.

--------Parallèlement, les TA développent le réseau de trolleybus, en transformant dans ses ateliers de Yusuf une trentaine d'anciens autobus, avec un équipement électrique Vetra. Les lignes atteignent la plupart des banlieues, les trolleybus s'avèrent parfaitement adapté à la raideur des pentes, le réseau est cohérent. Il est estimé en 1939 comme étant " le plus moderne du monde ".

--------Mais en 1939, la guerre vient contrecarrer tous les plans. Le projet d'enfouissement du tram est remis à plus tard, c'est à dire à jamais. Les lignes restent définitivement en surface, et sont exploitées par les 26 rames SATRAMO.

--------Les rames SATRAMO, de conception si modernes qu'elles n'ont été égalées que 30 ans plus tard, rouleront dans Alger jusqu'en septembre 1959. Elles seront supprimées à cause du plan de circulation qui mettaient les rues en sens uniques, et qui obligeait le tram à rouler en sens contraire, provocant des désordres considérables, voire des accidents. (Et non à cause des " barricades " de janvier 1960, comme cela a été écrit par ailleurs)

--------Ce matériel, seulement âgé de 20 ans, n'était pas encore totalement amorti. Les 26 rames sont longtemps restées au dépôt de Yusuf, (jusqu'en 1965) en attente d'un éventuel repreneur. Mais l'écartement des voies de 1,055 m, une vraie curiosité en la matière, particulière à l'Algérie, a interdit toute transaction.
--------Pourtant, parfaitement entretenu, c'était un matériel en excellent état.
-------Les " Troisièmes " projets

--------Après la guerre de 1945, le problème de la circulation algéroise n'était toujours pas réglé, et s'aggravait constamment. A nouveau les TA font appel à la RATP pour les assister dans une nouvelle étude.

--------Plusieurs solutions sont étudiées :
--------Le tram en site propre
--------Se basant sur l'efficacité des réseaux de tramways de Belgique, d'Allemagne, d'Autriche, où, contrairement à la France, ils avaient été maintenus et modernisés, avec voies en sites propres et croisements des grands axes en tunnels, un projet de trams a été remis en chantier.

--------Un tram en site propre dans Alger a été étudié, mais les rues sont trop étroites, il n'est pas possible de dégager les emprises nécessaires aux voies sans affecter sérieusement la chaussée libre. La conséquence en serait une circulation rendue plus difficile, donc contraire au but recherché.

--------Le tram enterré.
--------La solution consistait à rester en aérien en banlieue et traverser le centre ville en souterrain, à l'instar du tramways bruxellois. Le réseau se déployait en deux branches à partir de la Grande Poste, une vers le haut de la rue Michelet, l'autre vers Belcourt. En fait, c'était la réédition du plan de métro de 1929, et il faut bien voir que c'était, que c'est toujours, le schéma imposé par la topographie de la ville.

--------Ce projet présentait un certain intérêt, à condition que les lignes atteignent les banlieues, afin d'éviter les ruptures de charge. Or, les lignes de trams avaient justement été déposées en banlieue…
--------Il n'eut pas de suite.

--------Les rues en sens uniques
--------Pour améliorer la circulation automobile, un plan mettant les axes principaux en sens uniques, descente par Michelet, montée par Saint Saens, a été proposé. Il se heurtait à la circulation des trams qui allaient et venaient par les mêmes rues. Comme il n'était pas question de poser de nouvelles voies, et que, de toutes façons, la rampe du Bd Saint Saens était inaccessible aux trams, l'idée vint de supprimer les trams dans les rues étroites éligibles aux sens uniques, et les maintenir dans les rues larges à double sens, la rue de Lyon par exemple. On aurait réformé les tramways de la RDTA (ex CFRA) déjà anciens (les rames qui circulaient étaient d'anciens matériels reconstruits) et les remplacer par les rames SATRAMO des TA, beaucoup plus modernes, et incomplètement amorties.
--------Projet sans suite, les CFRA ont fermé la dernière ligne tramways en mai 1957, remplacée par des autobus, et déposé des voies, précipitamment, comme pour interdire toute remise en service !

--------NDLA : L'Histoire ne dit pas si les sites propres ont été associés aux sens uniques des rues. C'était peut être la solution…

--------Un tunnel pour trolleybus
--------En 1957, c'est un tunnel pour trolleybus qui est projeté.
Le tunnel débutait au nord de la Place Jean Mermoz, et recevait les lignes de remplacement du tram, et les lignes provenant des Deux Moulins et de Pointe Pescade. Le souterrain rejoignait la rue de la Lyre, et poursuivait par la rue Henri Martin, la rue d'Isly, avec les stations Cathédrale, Opéra, et deux autres rue d'Isly.
--------La station Grande Poste permettait le doublement des voitures, le retournement des lignes ayant leur terminus à la Grande Poste, et la bifurcation entre deux directions.
--------Au delà de la Grande Poste, nous retrouvons le même schéma en Y : une branche Michelet jusqu'au carrefour Roosvelt-Galliéni, desservant les stations Facultés, Richelieu, Hoche, Parc de Galland, Yusuf, Telemly. Les lignes continuaient ensuite suivant leurs itinéraires normaux, aériens.
--------Et une branche Champ de Manœuvres, avec les stations Agha, Sadi Carnot, Victor Hugo, et Sarrail. Les lignes continuaient en aérien par la rue de Lyon jusqu'à Hussein Dey et Maison Carrée.

--------Les pentes ne devaient pas dépasser 6%.

--------Un guidage automatique devait conduire les trolleybus à la place des conducteurs. C'était, en quelque sorte, l'anticipation du guidage des " trams sur pneu " comme ceux de Nancy, ou de Caen. Dans ce domaine, Alger avait encore une quarantaine d'années d'avance !
--------Plusieurs systèmes ont été pensés :
--------- l'essieu directeur asservi à un système de galets s'appuyant sur des guides verticaux, installés sur la chaussée, avec des variantes :
--------- le guide entre les roues, mais qui présentait des risques lors de la prise du guidage.
--------- le guide hors roues, qui étaient extérieur au véhicule, présentant un encombrement rédhibitoire.
--------- le guidage au niveau du toit du véhicule, qui posait des problèmes de hauteur du système
--------- un système de lorry porteur de l'essieu avant roulant sur une voie ferrée, dont les rails pouvaient être saillants, ou non.

--------Dans certains cas, il fallait en passer par un servo moteur, technique pas répandue alors.

--------Le projet présentait l'intérêt de lignes desservant les banlieues jusqu'en centre ville sans rupture de charge. Mais c'était au moment où la RDTA abandonnait ses trolleybus pour les autobus : ligne de Pointe Pescade-Maison Carrée, ligne de tram du Ruisseau convertie en autobus…
--------En outre, certains responsables ont redouté que les automobilistes s'insurgent contre l'interdiction qu'ils auraient d'emprunter un tunnel si commode.
Pourtant, l'absence de ventilation imposait l'unicité de la traction électrique et interdisait techniquement les moteurs thermiques, voitures particulières comme autobus..


--------Un autre événement a pesé lourd contre toute propulsion électrique, c'est la découverte du pétrole d'Hassi Messaoud, abondant et de haute qualité. Une qualité qui laissait penser alors qu'il pouvait être utilisé brut, avec une simple filtration. Mirage du carburant à très bon marché, économiquement écrasant pour l'électricité. D'ailleurs, la RDTA a déjà remplacé ses trams par des autobus, alors que la ligne électrique était prête sur plans. La politique générale était au tout diesel.
--------L'Histoire montre que ce fuel d'Hassi Messaoud apparemment si pur était en réalité désastreux pour les moteurs ! Il fallait revenir au gazole raffiné, mais le mal était fait.

--------Le quatrième projet

--------Nous sommes en 1957/58, le problème de la circulation en ville n'est toujours pas résolu !
--------Les TA font à nouveau appel à la RATP, qui reprend les études.
--------Deux solutions sont présentées, un métro souterrain, et un train monorail aerien.

--------Il n'y a que peu d'exemples de monorails de par le monde, 2 ou 3, tout au plus, et pas en service urbain. Il semble que les inconvénients relevés aient été nombreux et lourds, car c'est la solution métro qui a finalement été retenue.

--------Le métro, version 1959
--------C'est un métro sur pneumatiques, du type de celui que la RATP a mis au point sur la ligne de la Porte des Lilas.
--------Cette solution est préférées aux autres car elle présente le plus grand débit en voyageurs que toutes les autres qui se heurtent à la topographie de la ville, avec des rampes souvent importantes.

--------Le tracé
--------Le terminus nord est au carrefour Bouzareah-Cambon, où la place nécessaire peut être dégagée pour la construction des dépôts-ateliers, et établir une gare de correspondance routière.
--------La ligne suit le Bd de Champagne, la rue Pierre Leroux, les avenues de la Bouzareah et de la Marne, avec les stations " Provence ", " Square Guillemin ", et " Place Mermoz ". --------Pour éviter le collecteur de la rue Bab Azoun, la ligne suit la rue de la Lyre, la rue Henri Martin et la rue d'Isly, avec les stations " Cathédrale ", " Opéra ", " Isly ".
--------A la Grande Poste, la station reçoit 4 voies et 2 quais centraux de 6 m. Le rebroussement des trains est possible. --------Au delà, la ligne se divise en 2 branches (suivant le schéma classique …).
--------Une branche monte sous la rue Michelet, avec les stations " Richelieu-Facultés ", " Hoche-Valin ". Puis, pour éviter des virages serrés et des passages sous immeubles, la ligne rejoint au plus court le Bd du Télemly, à peu près sous l'avenue Claude Debussy, par une rampe de 6,5%, avec la station " Télémly ". Enfin, la ligne rejoint le carrefour Galliéni-Roosvetl, avec un terminus en boucle.
--------La seconde branche passe sous la rue Charras avec la station " Agha ", puis par un itinéraire non précisé, sans doute sous la rue Clauzel, dessert la station " Victor Hugo ", puis la Place Sarrail. Par la rue de Lyon, en souterrain, la ligne arrive au Ruisseau avec les stations " Fontaine Bleue ", " Metz - Musset ", " Villaret Joyeuse ", " Barthou-Sesini ", " Jardin d'Essai ", " et Stade ".
--------En variante, la ligne pourrait être en viaduc entre Sarrail et Ruisseau, ce qui était difficile en raison des largeurs du viaduc et des rues.

--------Coordination
--------Avec le métro, plus aucune ligne de bus n'entrait dans Alger, ce qui imposait des changements de moyens de transport aux 3 terminus.
--------L'étude ne prend pas en compte la gêne induite pour les voyageurs…

--------Matériel roulant
--------Le matériel serait très proche, pour ne pas dire exactement identique au métro parisien, en service sur la ligne 11 de Paris, sur pneumatiques.
--------La largeur serait de 2,5 m.
--------Les trains seraient composés de 3 voitures motrices, soit 692 places par train. Plus tard, l'allongement jusqu'à 6 voitures était prévu.
--------Les vitesses maximales retenues étaient de 70 km/h en pallier et 60 en rampe.
--------La rampe maximale était de 8%.
--------La fréquence était de 2 mn et demie en heures de pointe.
--------Le parc nécessaire s'établissait à 83 voitures.

--------Un complément de 116 trolleybus était estimé pour assurer les dessertes en correspondance aux stations de rabattement.

--------Ateliers et dépôts
--------Les installations du moment ne sont pas satisfaisantes, il faut en créer de nouvelles. C'est au terminus de Bab el Oued que seront installés ces services, car mieux situé sur la ligne.

--------Alimentation en énergie
--------C'est l'EGA qui réalisera les installations nécessaires, dont le coût sera répercuté sur le tarif de vente.
--------La puissance disponible sera d'environ 10000 kw, permettant notamment deux démarrages en côte simultanés.

--------Bilan financier

Génie civil
10 890 MF
Equipements fixes
1684 MF
Matériels roulants,
Ateliers et dépôts
5465 MF
TOTAL
18 039 MF Hors expropriations

--------La règle de correspondance donne environ 300 000 euros.

--------NDLA : cette estimation est sensiblement inférieure à celle donnée par " l'Echo d'Alger " du 19/11/1959, 30 milliards, qui incluait probablement les expropriations.


--------Ce projet, présenté dans la presse algéroise le 19 novembre 1959, était dans son ensemble très avancé. Le dossier comprenait les plans généraux, les plans complets et détaillés des tunnels y compris les structures et les équipements, des stations avec leurs accès et services, des dépôts et ateliers, les spécifications de fournitures électriques, les spécifications et plans détaillés des voitures (la copie quasi conforme du métro parisien).
--------Le dossier était, et il est encore aujourd'hui, à un stade de " bon pour appel d'offres ".
--------C'est dire que le projet était en très bonne voie de réalisation, et que les articles de la presse algéroise n'exagéraient rien.

--------En marge de son étude, il faut noter que la RATP ne s'était pas limitée au seul projet de métro, et avait prodigué une liste de conseils et recommandations, débordant probablement le champ de sa mission :
--------- supprimer les trams
--------- réorganiser les réseaux de transports en commun existants
--------- créer des lignes transversales
--------- prolonger les lignes actuelles pour desservir les banlieues.
--------- favoriser les transports en commun au détriment de la voiture particulière
--------- interdire les véhicule lents
--------- interdire le stationnement en centre ville
--------- créer une gare routière
--------- transférer les halles centrales
--------- mettre les rues en sens uniques
--------- décaler les horaires de bureaux pour atténuer les heures de pointe
--------- installer des feux tricolores aux carrefours
--------- créer des passages souterrains on aériens aux croisements
--------- créer des parcs de stationnement auto aux terminus

--------Certaines de ces recommandations peuvent surprendre, car il s'agit souvent de problèmes spécifiques à la ville, à régler par la municipalité, et au delà de la mission de la RATP.

--------Les réalisations

--------Le métro n'a pas été réalisé ! Pourquoi ? Nous sommes en fin 1959, les évènements se précipitent (janvier 1960…). La suite, on la connaît. Le métro ne sera pas construit, du moins, pas encore.

--------A remarquer que la qualité du sous sol algérois n'a jamais été mise en doute dans ces études, aussi bien celle de 1929 que celle de 1959. Pourtant, le bruit a souvent couru qu'un métro était impossible à Alger en raison d'un terrain instable. Bruit apparemment sans fondement, excepté, assurément, en aval du Balcon St Raphaël qui lui était en effet bien instable. Effet d'une généralisation par trop sommaire ?

--------En ville, un plan de circulation avec sens uniques a été mis en application dans Alger depuis le 19 mars 1959. Cette décision prenait peut être en considération le projet de métro en cours.

--------
Dans le sens Nord-Sud, on avait en sens unique la rue d'Isly, l'Av Pasteur, le tunnel des Facs, le Bd Saint Saens jusqu'à sa jonction avec le Télémly.
--------Dans le sens Sud-Nord, on avait la rue Michelet depuis son embranchement avec la rue Altérac, le Bd Bugeaud, la rue Colonna d'Ornano.

--------Le plan imposé apparemment sans préalable, les trams et trolleybus asservis à leurs infrastructures ont continué de circuler comme avant, donc une fois sur deux à contre sens ! Les témoins de cette époque se souviennent d'une grande confusion…

--------La presse parle de sabotage du plan de circulation. Les trams ne survivront que 6 mois à cette situation. Ils sont supprimés le 12 septembre 1959. Fin d'exploitation en catimini, sans fête ni circulation gratuite comme cela s'est fait un peu partout lors de la suppression des trams.

--------Les 26 rames sont remplacées par… 60 grands autobus ! A-t-on vraiment gagné au change ? D'autant que les autobus continuent de rouler à contre sens !! Pour quelles raisons ? Probablement le temps de réaliser les modifications de voirie nécessaires à leur intégration dans le tissu urbain. Notamment, pour les trolleybus, il a fallu poser de nouvelles lignes aériennes pour leur permettre de suivre les nouveaux sens de circulation. Il n'était évidemment pas imaginable de déplacer les voies de trams, ni de leur faire gravir la pente du Bd Saint Saens.

--------En été 1960, tout était rentré dans l'ordre, tous les véhicules respectaient les sens uniques.

Et depuis ?

--------En 1980, environ, l'état algérien a relancé un projet de métro, qui, à ce qu'on sait, est très peu différent des projets RATP.

--------Et en août 2003, un projet de tram est réapparu, un tram allant de ex Guyotville à Aïn Taya, par le bord de mer, soit environ 50 km. Un tracé souvent très proche des lignes CFRA déposées aux environs de 1935. Les variantes sont essentiellement des pénétrantes en ville pour une meilleure desserte.

--------Pas d'innovation ? non, mais le relief de la région d'Alger et la topographie de la ville sont incontournables, et il paraît bien improbable de pouvoir faire autrement.