Urbanisme, architecture à Alger, en Algérie
1.-Inauguration : LES HABITATIONS A BON MARCHÉ
extraits de Afrique du nord illustrée des 17 et 22-12-1923 - Transmis par Francis Rambert

2.-UN PROBLÈME SOCIAL
LES HABITATIONS A BON MARCHE

LES HABITATIONS A BON MARCHÉ

Au moment même où le Parlement s'occupe une fois de plus, de la crise du logement, la ville d'Alger doit être fière de constater que les efforts tentés par sa Municipalité pour remédier la l'insuffisance des appartements, n'ont pas été vains et que l'Office public d'habitations à bon marché a déjà réussi à réaliser une partie de ce vaste programme que se sont tracé nos édiles.

Le long du boulevard Malakoff, dans un des quartiers les plus populeux de notre cité, se sont dressés, ces derniers mois, de vastes immeubles à cinq étages, à l'architecture à la fois sobre et plaisante : l'un d'eux, complètement terminé, contient quarante-cinq logements destinés à des familles nombreuses qui y trouveront, pour un loyer des plus modiques, le " ho-me " le plus désirables.

Ces logements construits sous la direction de MM. Richard, architecte et Lafon, entrepreneurs, sont le premier échelon des vastes travaux entrepris sous l'égide de l'Office, et, hier matin, M. le Gouverneur Général Steeg procédai à leur inauguration, entouré de nombreuses personnalités parmi lesquelles nous remarquons : MM. Raffi, Aliez, Guastavino, Ch. Aboulker, Morard, Boivin, Chéau,
Taillard, Ginoux, Rigal, Dr St-Martin, Pasquiet-Bronde, Lovera, Tarting, Billiard, Boumedine, Kakachi, Hannedouche, Grégori, Dr Lemaire, Poulalion, Raby, Vautrin, Fuster, Massia, Lepage, etc... etc.

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LES HABITATIONS A BON MARCHÉ

LES HABITATIONS A BON MARCHÉ

Au moment même où le Parlement s'occupe une fois de plus, de la crise du logement, la ville d'Alger doit être fière de constater que les efforts tentés par sa Municipalité pour remédier la l'insuffisance des appartements, n'ont pas été vains et que l'Office public d'habitations à bon marché a déjà réussi à réaliser une partie de ce vaste programme que se sont tracé nos édiles.
Le long du boulevard Malakoff, dans un des quartiers les plus populeux de notre cité, se sont dressés, ces derniers mois, de vastes immeubles à cinq étages, à l'architecture à la fois sobre et plaisante : l'un d'eux, complètement terminé, contient quarante-cinq logements destinés à des familles nombreuses qui y trouveront, pour un loyer des plus modiques, le " ho-me " le plus désirables.
Ces logements construits sous la direction de MM. Richard, architecte et Lafon, entrepreneurs, sont le premier échelon des vastes travaux entrepris sous l'égide de l'Office, et, hier matin, M. le Gouverneur Général Steeg procédai à leur inauguration, entouré de nombreuses personnalités parmi lesquelles nous remarquons : MM. Raffi, Aliez, Guastavino, Ch. Aboulker, Morard, Boivin, Chéau,
Taillard, Ginoux, Rigal, Dr St-Martin, Pasquiet-Bronde, Lovera, Tarting, Billiard, Boumedine, Kakachi, Hannedouche, Grégori, Dr Lemaire, Poulalion, Raby, Vautrin, Fuster, Massia, Lepage, etc... etc.
Après la visite des appartements de trois ou quatre pièces, clairs et modernes, dans une salle du rez-de-chaussée, décorée fraîchement, au milieu des plans et des maquettes des utures constructions de l'Of?ce, M. Pasquier-Bronde, adjoint au maire et Président de l'Office prend la parole.
Après avoir exposé dans quelles conditions s'est créé l'Of?ce, de quelles ressources il disposait et quel était son but immédiat " construction d'immeubles à logements collectifs, destinés à la location simple ", M. Pasquier-Bronde explique que sur toute l'étendue de l'agglomération algéroise s'élèveront ces immeubles au Champ de Manœuvres, à Belcourt et à Bab-el-Oued.
Le premier immeuble présenté ã la population algéroise, dit-il, et qui fait l'objet de l'inauguration d'aujourd'hui possède trois façades sur rue ; le prix annuel des locations est limité par la loi elle-même à 910. Le choix des locataires a été dominé par le souci d'avantager les famille nombreuses : les enfants qu'abritera la nouvelle cité seront au nombre de 215 pour 45 familles, soit près de
5 enfants par logements.
Un appartement a été mis ã la disposition de la Goutte de Lait pour l'organisation d'un nouveau service de consultations de nourrissons et de distribution de lait stérilisé.
Puis, après avoir remercié les différents services qui se sont employés à favoriser l'essor de l'Office, M. Pasquier-Bronde rend hommage au personnel administratif et technique de l'organisme qui a poursuivi avec zèle la tâche obscure mais si profitable qu'est la construction de logements à bon marché.
M. Raffi, maire d'Alger, remercie M. Pasquier-Bronde des efforts faits par lui et par ses collaborateurs dans la " lutte contre le taudis. "
Vous auriez pu, dit-il, pour économiser les fonds si parcimonieusement mis à votre disposition, créer la maison banale, la " caserne " immense où seraient venues s'entasser, pêle-mêle les familles nombreuses, riches seulement d'enfants. Cela vous ne l'avez pas voulu. Faisant vôtres les conceptions généreuses de notre conseiller technique, M. Poulalion, chef de section à la mairie d'Alger, vous avez créé sur ses conseils et ses plans, ces quatre immeubles dont la Ville peut à
bon droit s'enorgueillir.
Continuez, Messieurs, votre œuvre de mieux-être, de vraie paix sociale. Poursuivez résolument cette politique de l'habitation que vous venez si heureusement d'annoncer ; le champ est neuf et une vaste propagande vous attend.
Au nom de la population d'Alger, et tout particulièrement des familles. Nombreuses, dont je sais par expérience les difficultés, j'app1audis à votre réussite, je vous remercie.
M. Steeg prononce ensuite le discours suivant :
Mon cher Président, mon cher Maire, Messieurs,
Comment n'aurais-je pas répondu avec un empressement joyeux à votre invitation ? Vous ne m'avez pas convié à une manifestation ostentatoire et oratoire, mais à une constatation. Nous sommes réunis aujourd'hui non pour parer de la pourpre des mots, le néant des actes, mais pour enregistrer des résultats. Ces résultats, je comprends qu'ils vous apportent une vive satisfaction et une légitime ?erté.
Dira-t-on qu'il n'y a pas lieu de s'enorgueillir de ce groupe de quelques maisons qui vient d'être édi?é et qu'il ne permet pas encore de résoudre la rude crise du logement dont souffre votre grandissante et laborieuse cité ? Sans doute. Mais est-ce en ne faisant rien qu'on la résoudrait plus vite ? Dira-t-on que vous vous contentez trop facilement, de trop peu ? Ce reproche n'est pas de nature à vous émouvoir, car il viendrait vraisemb1ablement de ceux qui se contentent de rien. D'ailleurs, vous n'êtes pas, nous ne sommes pas des satisfaits. Nous mesurons la disproportion qu'il y a entre les besoins impérieux et vastes que nous connaissons bien et la médiocrité des moyens dont nous disposons. Ce n'est que dans les nuages que l'on peut construire instantanément de somptueuses cités. Elles ont l'éclat fragile de l'arc-en-ciel et elles ne donnent qu'un abri précaire contre le soleil ou contre la pluie.
Vous plus lentement, mais plus solidement, vous avez bâti sur la terre. Le laboureur jette de temps à autre un regard derrière lui pour voir si le sillon qu'il a tracé est profond et droit. Vous-mêmes, lorsque vous dressez le bilan de votre labeur ce n'est pas pour vous arrêter, ce n'est pas pour vous reposer, c'est pour éprouver la fécondité de votre méthode d'action.
L'inauguration à laquelle nous assistons en ce moment ne démontre-t-elle pas, de la façon la plus saisissante, que vous n'avez pas perdu votre temps, que vous avez été les exécuteurs tenaces et ingénieux de la pensée généreuse de la ville d'Alger ? Vous nous avez exposé votre programme. La première partie en est déjà accomplie. L'expérience, dès maintenant, vous apporte le réconfort et l'encouragement du succès. Vous ferez plus, vous ferez mieux, avec le concours de tous les hommes de bonne volonté qui apprécient dès maintenant, la noblesse de votre effort, les obstacles auxquels il se heurte.
Certes, vous vous êtes placés en face de cette crise du logement dont chacun parle, qui provoque au Parlement et dans les tribunaux une législation et une jurisprudence sans cesse renouvelées qui dresse les uns contre les autres, propriétaires et locataires, dont les intérêts contraires sont parfois également respectables. Vous y apportez une atténuation par l'accroissement du nombre des logements pour familles nombreuses.
Mais, je le sais, votre attention s'est pointée d'abord vers ceux qui étaient les plus dignes d'une sympathie agissante, vers ceux qui supportent les charges les plus lourdes, vers ceux qui assurent, au prix de sacrifices continus, la persistance de la société. Les familles nombreuses sont celles qui ont le plus besoin de place et ce sont elles qui en trouvent le plus malaisément. Cette difficulté ne date pas de la guerre, elle ne date pas des désordres économiques qui l'ont suivis. Avant la guerre déjà, dans les faubourgs des grandes villes, c'était une plaie et une honte que le logis exigu sans air sans lumière où s'entassaient le père, la mère, les filles, les garçons. Le taudis a toujours été pourvoyeur d'alcoolisme, de tuberculose, de vice. Tout naturellement, il chasse vers les distractions abrutissantes et redoutables du cabaret l'homme et parfois la femme. Il pousse naturellement les enfants a la rue, dont les spectacles équivoques exaspèrent précocement les instincts les plus pernicieux. Dans le taudis, la promiscuité abjecte abolit toute pudeur ; dans le taudis, la maladie se multiplie par la contagion, la famille se dégrade, la vigueur physique, l'énergie morale, tout cela ,s'étiole et au milieu d'hommes et de femmes sains, honnêtes, utiles, le taudis apporte la société des individus qui sont pour elle une charge, une humiliation, un péril.
Mon cher Président, mon cher Maire, vous m'avez demandé mon concours : il ne vous manquera pas.
Le problème qui vous préoccupe a été, pour le représentant de l'immense agglomération parisienne que j'ai l'honneur d'être, un sujet d'obsédant et angoissant souci. Il y là des maux si anciens, si profonds, que quelques-uns les jugent inévitables et ils voient la rançon, pour ainsi dire, de la vie collective. Non, non! nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait des maux nécessaires, et ni vous, ni moi ne nous abandonnerons à une résignation d'égoïsme et de paresse. Comment ! La science d'un Pasteur a pu faire reculer les maladies les plus redoutables, et l'énergie continue, vaillante, désintéressée d'hommes réfléchis et ardents ne pourrait pas opposer une résistance victorieuse à certains ?éaux. Ces maux, certes, nous voulons les guérir, mais n'est-il pas plus facile, plus économique de les prévenir?
Les sacri?ces que nous consentirons pour les habitations des familles nombreuses se traduiront par des réductions de dépenses de l'Assistance publique et de l'administration pénitentiaire. Ce que nous accorderons au logis ouvrier, nous le gagnerons sur le bureau de bienfaisance, sur l'hôpital, sur la prison.
Un logis clair et joyeux, où la famille a hâte de se trouver réunie, où le garçon, la ?llette, au retour de l'école, trouvent une table propre sur laquelle ils placent leurs cahiers, leurs livres, pour étudier leurs leçons, faire leurs devoirs, accroîtra le rendement de notre œuvre scolaire. Cela ne permet-il pas l'ascension des enfants du peuple vers un savoir plus précis, un gagne-pain mieux assuré, une moralité plus haute? Le logis clair, le logis joyeux inspire la propreté du corps, celle de l'âme aussi ; il donne à l'enfant le goût de l'ordre, de l'ordre dans la demeure qu'il habite, peut-être aussi dans la cité à laquelle il appartient. On dit que " l'habit ne fait pas le moine ". Il est certain qu'il ne suf?t pas d'être bien logé pour se bien conduire mais ce serait véritablement un miracle que la vertu puisse fleurir dans un bouge.
L'œuvre à laquelle l'Of?ce Municipal des habitations à bon marché de la Ville d'Alger, son actif Conseil d'administration, son distingué président, M. Pasquier-Bronde, ,consacrent tant de zèle désintéressé, est si haute, elle offre pour l'avenir même de la Nation une importance si décisive qu'elle doit être continuée, complétée. M. le Maire nous rappelait, il y a un_instant, l'activité
précieuse des Sociétés privées qui assurent à leurs membres la propriété de leur maison.
Cela ne suf?t pas encore. L'accomplissement d'une tâche semblable ne saurait être abandonné aux seules initiatives privées, si dignes qu'elles soient d'admiration et de gratitude. Il y faut la collaboration de la commune, il y faut la collaboration de l'État.
Celle du gouverneur général ne vous fera pas défaut : je vous l'ai accordée, bien modestement dans la limite, hélas des ressources dont je disposais. Ces ressources, je ferai tout ce qui dépendra de moi pour les accroître. Croyez-le bien, autant que vous je souffre de leur insuf?sance : ce serait pour
moi une telle joie de pouvoir travailler utilement à la réalisation de votre programme, programme de générosité française, programme de progrès démocratique !
N'est il pas naturel que, par lui et pour lui, nous soyons tous, Messieurs, étroitement unis ? (Applaudissements unanimes.)
Et vivement intéressés, les invités se sont retirés, espérant voir sous peu se réaliser le magnifique programme de l'Office des logements à bon marché.

 



UN PROBLÈME SOCIAL
LES HABITATIONS A BON MARCHE

L'Office Algérois des Habitations à bon marché fait construire, en bordure du boulevard Malakoff, tranche première de son programme, un important groupe d'immeubles. L'un d'eux venant d'être heureusement achevé, de quelques jours précédant les autres, on a fêté son inauguration en présence des notabilités conviées, Gouverneur, Préfet, Conseillers municipaux, etc...
Après la visite des appartements, clairs, modernes, qui, au nombre de quarante-cinq, vont être mis à la disposition de familles nombreuses, M. Pasquier-Bronde, président de l'Office et adjoint au Maire d'Alger, prononça un fort intéressant discours, auquel répondirent dans l'ordre M. Raffi, maire d'Alger, et M. le Gouverneur général.
On entendit là les vérités générales exprimées depuis bien longtemps, les encouragements à bien faire, le procès du taudis et les promesses de nouveau formulées, qu'en dépit d'une situation financière difficile, l'État, ferait de son mieux pour apporter, ici comme ailleurs, le concours le plus efficace à l'œuvre ainsi entreprise.
Certes les résultats obtenus ne sont point négligeables. Trois cents familles, des plus intéressantes puisque chargées d'enfants, trouveront bientôt asile dans les immeubles du boulevard Malakoff ; trois cents autres dans ceux qu'on édifie à Fontaine-Bleue et à Belcourt. On doit féliciter aussi l'Office Algérois du bon goût dont il a fait preuve dans le choix des architectures et des procédés de construction. Il a voulu que l'ensemble soit d'une ligne sobre, mais plaisante, gaie, alors qu'il aurait pu décréter des casernes, d'immenses bâtisses lugubres dénommées cités et qu'on pourrai! aussi bien appeler des prisons. Là, comme l'a fait remarquer M. le Gouverneur général, seront des logis joyeux où les grands se reposeront du labeur, où, aux yeux des petits, la vie apparaîtra sous de claires couleurs de soleil et de lumière, autrement que sous l'aspect poussiéreux, gris et déjà si triste qu'elle révèle pour beaucoup.
Au surplus, en sa qualité d'adjoint au Maire d'Alger, nous savons quel zèle averti dépense pour l'urbanisme, la beauté de notre ville et la santé de ses habitants, le dévoué président de l'Office, pour avoir douté une seconde du succès de cette entreprise.
Mais celle œuvre, pour si utile qu'elle soit, ne doit être considérée que sous son vrai jour qui n'est que de pure philanthropie. La solution de la crise du logement ne réside point là. Cinq cents appartements c'est assurément très bien, mais c'est par milliers qu'il les faudrait. Et il n'y a d'autre espoir permis que dans la reprise des affaires. l'abaissement des prix qui permettront de bâtir, autoriseront, avec la prospérité revenue, le libre jeu de l'économie. Un autre moyen semblait praticable. Il fallait que les villes, assistées de l'État, décidassent la création de quartiers nouveaux bâtis en série pour l'économie et néanmoins avec diversité. On aurait payé le loyer correspondant à la rente du capital engagé ; de la sorte on refrénait la spéculation, on faisait de l'économie sociale au lieu, de faire de l'assistance.
Ce qui n'enlève rien de leur très grande beauté aux efforts secourables et t1res généreux de l'Office algérien des Habitations à bon marché...