Urbanisme, architecture à Alger, en Algérie
Contre l'asphyxie croissante du cœur des grandes cités
LES CENTRES COMMERCIAUX SUBURBAINS
une solution nouvelle fait déjà ses preuves dans plusieurs pays
Jacques STAMBOUL,
Urbaniste,
Diplômé de l'Université d'Alger.
Illustrations, textes extraits de "Alger-Revue, printemps 1960"
mise sur site le 30-11-2007

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En octobre dernier, un groupe d'urbanistes effectuait, dans le cadre d'échanges culturels techniques Europe-Amérique un voyage d'études aux U.S.A. Parmi des Métropolitains, Allemands, Belges, Hollandais, Scandinaves, Autrichiens, un délégué de l'Algérie : M. J. Stamboul. Nous détachons des observations de M. Stamboul, concernant les structures urbaines et l'organisation de leurs systèmes fonctionnels, ces quelques notes sur les " centres commerciaux " dont l'application à "Alger mutatis mutandis" pourrait présenter un réel intérêt. Peut-on écarter à priori toute suggestion ?

Dans une agglomération, l'activité commerciale de tous les jours se concrétise sous de multiples formes : commerce de quartier, galeries marchandes, grands magasins, marchés, foires.

Or, nous assistons à une évolution continue des structures urbaines qui n'est pas sans entraîner de sérieuses difficultés pour le fonctionnement, jusqu'icià peu près immuable, de cette activité.
C'est ainsi que le grand magasin est actuellement isolé de la clientèle de banlieue par l'absence de parking et par la circulation difficile dans le centre-ville. Des vides se créent dans la trame des approvisionnements et des distributions. Se rendre en ville devient une expédition où le temps du " shopping " est bien court par rapport à celui que nécessite le déplacement.

A situation nouvelle solution nouvelle

L'évolution de l'acheteur et l'éventail des produits à vendre conduisent également à la recherche de solutions mieux adaptées. L'acheteur est plus difficile parce qu'indécis en raison de la variété toujours plus grande des produits. Il lui est alors présenté un grand nombre d'articles nécessitant de grandes superficies de vente. Or les magasins actuels sont coincés dans la ville, leur extension par acquisition du voisin ne règlera pas le problème du stationnement et de la circulation.

plan de situation d'un centre commercial <

plan de situation d'un centre commercial (le point étoilé). Les pointillés noirs figurent les grandes agglomérations. En pointillé couleur, les agglomérations secondaires, clientes habituelles des premières et à dévier sur le centre commercial. En gros trait noir, les grandes voies routières. Les lignes concentriques sont des tracés " isochrones "reliant les lieux à égaie distance du centre. (Egale distance signifie ici même temps à employer pour y accéder).

D'autre part, les banlieues grandissent et fractionnent inégalement le territoire : il faut, de toute nécessité les organiser.Notre problème en Algérie a eu des précédents en Europe et aux Etats-Unis.- A Rotterdam, des centres de magasins et de grands magasins ont été installés (l'un d'eux à proximité immédiate de la gare est exclusivement fréquenté par les piétons).- En Suède, de nombreuses localisations ont favorisé l'équipement commercial des extensions urbaines. En Finlande et en Norvège, la nécessité de centres commerciaux suburbains s'est manifestée dans les agglomérations.Aux États-Unis: le mouvement a pris de l'ampleur avec des moyens difficilement comparables avec nos possibilités européennes. Il convient toutefois de préciser que la gravité du problème était très aiguë pour les grandes villes américaines où la forme et la fonction ont trouvé, pour les bureaux seulement, leurs solutions dans le gratte-ciel. Le commerce et ses besoins d'étalages ne pouvaient résister à la maille urbaine, il fallait plus d'espace pour répondre aux besoins des banlieues. Ainsi se développa le phénomène des super-market et des shopping-center.

Dans les zones extra-urbaines, des points caractéristiques furent relevés par tracés isochrones qui définirent les lieux favorables aux implantations commerciales.

Plus de 20.000 super market (ou super-marchés) fonctionnent aux États-Unis, ils vendent en libre-service tous les articles de l'épicerie, de la boucherie, des légumes, des produits laitiers et toute la gamme des produits congelés. Le super-market est aménagé dans un grand hall largement disposé et toujours équipé d'un important parking.
Le shopping-center est le centre commercial par excellence, il permet toutes sortes d'achats et même les visites au teinturier et au blanchisseur.

Il englobe en général une assez vaste zone, à proximité mais en dehors des agglomérations particulièrement denses. Il est en outre toujours situé aux abords de carrefours routiers importants, qu'un jeu de bretelles relie aux parkings qui l'entourent, facilitant au maximum circulation et garage à l'acheteur motorisé.

Les véhicules n'ont pas accès à l'intérieur du Centre. Les acheteurs disposent ainsi d'appréciables avantages:
- circulation aisée
- exposition possible de toute une gamme de marchandises, grâce aux grandes superficies d'étalage,
- transport facile des achats aux véhicules garés, par d'ingénieux systèmes de chariots.

Un shopping-Center est composé de nombreux magasins qui sont les succursales des chaînes de distribution des drus-stores, de super-market et de bien d'autres organismes de vente dont les plus importants se trouvent presque toujours à la base de l'entre-prise, tels le Grand Magasin Macy's au shopping Center de Valley-Fair et San José en Californie et Hudson's au Nortland Center de Detroit.

Nous connaissons bien ce dernier qui occupe 60 hectares avec 80 magasins,
4 restaurants, une grande variété de commerces et un parking d'une capacité totale de 12.000 véhicules ; il est desservi par trois autoroutes et se situe dans la banlieue Nord de Detroit.

La circulation dans ce centre est essentiellement réservée au piéton. Ce centre fut le premier du genre, suivi par l'Eastland center, dû à la même initiative. Celui-ci occupe 42 hectares avec un parking de 8.000 véhicules pour le service d'une région groupant 400.000 habitants.

Les Etats-Unis disposent actuellement de plus de 3.000 shopping-center dont les superficies sont variables.

Une synthèse du système américain dans le domaine de la distribution nous a conduit à définir le rapport statistique : clientèle-terrain. Un Shopping-center est viable à partir de 5.000 clients ; une superficie de 4 hectares est alors nécessaire pour 4 à 6 magasins de libre-service et une dizaine de magasins d'équipement et d'habillement. Pour 20.000 clients, il faut 10 hectares et pour 50.000 clients 15 et 20 hectares.

Le Shopping-Center n'est sans doute pas la formule-miracle pour décongestionner les grandes villes d'Algérie. Il nous semble toutefois que, en ce qui concerne Alger. trois implantations seraient susceptibles d'améliorer les courants de circulation en provoquant une modification des contacts par une plus large diffusion des produits dans les zones rurales et les banlieues.

En Métropole, des centres commerciaux commencent à se créer

schéma de la région algéroise représente : en noir, 1 hypertrophie provoquée par l'afflux

En haut : répartition possible dans la zone algéroise de futurs centres commerciaux (étoiles) avec leur zone d'influence respective (figurées en couleur).
En bas : ce schéma de la région algéroise représente : en noir, 1 hypertrophie provoquée par l'afflux dans une même direction des acheteurs vers le centre d'intérêts d'Alger, grossissant avec les agglomérations rencontrées. En couleur : les centres commerciaux (étoiles) convenablement étudiés, drainent les ruraux, dégageant Alger.

La Métropole a déclenché un premier mouvement dans la région parisienne où 16 Centres commerciaux ont été projetés dont certains sont déjà réalisés (Rueil, Nanterre). En Algérie l'ère nouvelle de l'équipement et de l'industrialisation soulèvera une multitude de problèmes au nombre desquels celui du ravitaillement tiendra une place égale à du logement.

Les villes d'Algérie auront, dans un proche avenir, la très lourde charge d'assurer les nouvelles distributions des banlieues qu'elles grignotent progressivement, le commerce de quartier restera insuffisant et les dessertes inextensibles. Une décentralisation des grands magasins sera alors nécessaire, ainsi que la formation de groupements pour certaines catégories de détaillants.

Pour nous, l'expérience américaine est à noter ; elle n'est pas à copier, le mode et les conditions de vie sont trop différents. Mais le nombre peut devenir bientôt le facteur commun de nos consommateurs ; nous devons y songer en nous adaptant.

Nous adapter, c'est aussi tirer la leçon de ce qui est fait. Pourquoi ne pas envisager les différentes conséquences dues à l'intervention de la décentralisation de la fonction commerciale, ce qui n'a rien de commun avec la décentralisation du commerce ; c'est en effet un dédoublement et non pas un déplacement qu'il convient de provoquer.

L'expérience et la technicité commerciales seraient ainsi mises à la disposition du musulman rural qui n'a jamais encore envisagé de faire du lèche-vitrine rue d'Isly ou rue Michelet ; cette expérience et cette technicité favoriseraient par leurs effets, l'évolution du marchand musulman qui pourra présenter une nouvelle gamme de produits introduisant l'équipement moderne dans le mode de vie des populations agricoles.

Sans être traités sur le thème de Roosevelt Field, shopping-center de New-York, nos centres commerciaux pourraient rappeler le souk moderne, équipé, guidé, permettant une amélioration du contact humain des échanges par une cohabitation des deux communautés.

Dans les villes, la décentralisation de la fonction commerciale apporterait un assainissement de la circulation urbaine, une décongestion des stationnements et une limitation des besoins de stockage et d'approvisionnement. En un mot l'activité serait celle d'une ville grande ou petite, nais activité proportionnée au rythme et à la fonction de l'agglomération

La zone rurale constitue un important appoint dans la masse clientèle des villes. Le commerce doit aller à la rencontre de cette clientèle et ne pas attendre que celle-ci se manifeste en engorgeant la ville.

Provoquer des besoins est peut-être plus aisé que d'établir les moyens pratiques de les satisfaire commodément ; le centre commercial peut rétablir l'équilibre.