Urbanisme, architecture à Alger, en Algérie
La maison de l'Aurès
Algeria et l'Afrique du nord illustrée, revue mensuelle, noel 1938, n°68 .Édition de l'Office Algérien d'Action Économique et Touristique (OFALAC), 26 bd Carnot ou 40-42, rue d'Isly, Alger

 

mise sur site le 18-11-2005...+ sept. 2013

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-------------L'Aurès, massif montagneux le plus élevé de l'Algérie, est habité par une population de cultivateurs-éleveurs berbérophones, plus ou moins sédentaires.
-------------La grande chaîne montagneuse de l'Ahmar Khaddou, orientée d'Est en Ouest, divise ce pays en deux grandes régions : celle du Nord-ouest qui est arrosée par trois oueds permanents et celle du Sud-est au climat saharien et aux oueds temporaires.
-------------Le limon et l'eau des vallées de la région Nord-ouest ont permis aux indigènes de développer l'arboriculture et le jardinage qui ont fixé les gens au sol et les ont groupés en villages. Les maisons sont à plan rectangulaire avec un toit en terrasse. Elles s'étagent les unes au dessus des autres. Très souvent, au sommet du village, se trouve un grenier collectif, véritable citadelle. Seuls les Ouled Abdi, qui sont sédentaires, n'ont point de greniers collectifs ; leurs villages sont parmi les plus importants de l'Aurès et peuvent compter jusqu'à près de deux mille âmes. Les tribus du Sud-est n'ont pas de petits hameaux, la plupart de leurs habitations sont isolées les unes des autres. La tente en laine et poils de chèvre est un habitat temporaire utilisé pendant de courts moments afin de se rapprocher des pâturages, ou à l'occasion des fêtes données pour les mariages ou pour les circonstances. Quelques familles pauvres ou des bergers s'abritent pendant les beaux jours dans des grottes naturelles.
-------------Ainsi le village d'Amentane, l'un des plus importants de l'Aurès, est construit sur un promontoire dominant un méandre de l'oued Abdi. Un ponceau traverse l'oued et mène à l'entrée du village. Des marches conduisent à la rue principale qui aboutit aux aires à battre, dominées par la mosquée. Mais prenons une ruelle couverte, très sombre et entrons dans une des maisons. Je pousse la porte en bois d'abricotier, la serrure à goupilles n'est fermée que la nuit. Par une pente douce j'arrive dans la cour centrale, pleine de fumier. La mule est attachée près de sa caisse de paille ; les poules cherchent leur nourriture dans le crottin.
-------------Sur cette cour donnent quatre étables où la nuit les chèvres sont â l'abri ; au dessus des portes, comme pour toutes les autres, une formule coranique empêche le malheur d'entrer dans la pièce. Les murs sont en pierres taillées à la masse et assemblées par de la terre argileuse et chaînés au moyen de chevrons en cèdre. Le pilier qui soutient le plafond est un simple tronc de genévrier écorcé que les bêtes ont poli et patiné. Ce pilier, par l'intermédiaire d'un sabot et de trois ou quatre poutres, supporte des branches de même bois non écorcées. L'une de ces étables est occupée par une vache de petite taille qui rumine son fourrage. Une chienne hargneuse, à longs poils feu, fait des bons désordonnés dans la cour pour m'atteindre tandis que je monte l'escalier de pierres aux marches boueuses et mal ajustées. Il aboutit au premier étage de la maison qui sert d'habitation aux membres composant cette famille.

------------Leur chef, sa femme et ses enfants, la veuve de son frère, les deux fils mariés et leurs enfants forment trois groupes familiaux ayant chacun leur foyer.
-------------Ce premier étage est entièrement construit en briques de terre et paille hachée, séchées au soleil. Des trous de lumière triangulaires, disposés en ligne au ras du plafond ont été réservées au moment de la construction des murs Le foyer est circulaire, il est maçonné en terre argileuse dans un angle de la pièce au sol en terre battue. Trois briques crues servent de trépied. Des écuelles et des pots en terre cuite sont suspendue aux murs à l'aide de crochets en bois. Un simple châssis de bois recouvert d'une natte en alfa et d'une couverture de laine tissée par la veuve, lui sert de lit, tandis que les autres dorment à même le sol sur des nattes. Dans un angle de la pièce une outre pleine d'eau pendue à un trépied formé d'un assemblage de trois branches de genévrier sert de réservoir pour la cuisine et les ablutions. Sur un portique quelques outres de farine sont rangées. Un enfant dort dans une corbeille d'alfa accrochée aux poutres ; une branche de laurier rose est glissée dans le plafond au-dessus du berceau pour éloigner les mouvais esprits. Face à la porte, afin de jouir du peu de lumière qui entre dans la pièce, la veuve a dressé son métier à tisser. Le moulin à bras, dont la meule inférieure est fixée au sol, voisine avec le mortier et le pilon de chêne vert qui servent à écraser les épices.
-------------Une galerie extérieure en terre battue permet d'accéder à la réserve à provisions, dont la clé est gardée par le chef de famille. Ce local diffère des autres par les nombreux trous d'aération qui perforent tous ses murs.
-------------De la galerie extérieure, un tronc de palmier entaillé conduit à la terrasse en terre battue, où une pente légère dirige l'eau de pluie vers des gargouilles en bois d'abricotier ; un trou permet à la fumée du foyer de
s'échapper. C'est sur la terrasse que les femmes filent, qu'elles étalent les dattes ou les abricots pour les faire sécher, qu'elles déposent leurs, provisions de bois ; c'est là aussi que par les nuits très chaudes la famille
essaie de dormir.

Thérèse RIVIERE.