Urbanisme, architecture à Alger, en Algérie
Un grand problème du moment : l'habitat indigène
Algeria et l'Afrique du nord illustrée, revue mensuelle, noel 1938, n°68 .Édition de l'Office Algérien d'Action Économique et Touristique (OFALAC), 26 bd Carnot ou 40-42, rue d'Isly, Alger

Le problème de l'habitat indigène se pose impératif, très complexe et particulièrement difficile à résoudre. Tout concourt à le compliquer : la mentalité des intéressés eux-mêmes qui, habitués à une existence rudimentaire, sont peu aptes à apporter. à l'entretien d'un logement digne de ce nom le soin désirable ; la modicité de leurs ressources qui rend toutes les opérations immobilières tentées en leur faveur forcément déficitaires ; leurs coutumes qui ne permettent pas l'adoption de solutions aussi économiques qu'il serait souhaitable ; enfin, dans bien des cas, leur atavisme de nomades qui les pousse à quitter certains endroits, pourtant bien choisis, pour reprendre une vie errante d'un charme parfois supérieur à l'attrait du confort.

mise sur site le 18-11-2005

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----------------Dans les pays civilisés de la vieille Europe tout être humain dispose d'un toit pour s'abriter contre le froid, la pluie et la chaleur. Le foyer évoque pour chacun une forme de confort, variable suivant le rang social, mais toujours inséparable de l'idée d'intimité familiale, de sécurité, de protection contre l'hostilité mystérieuse et indéfinissable d'un monde extérieur de confuses menaces.
----------------En Algérie, des millions d'indigènes ignorent ce bien-être et vivent précairement sous la tente ou dans des gourbis sordides, bien faibles abris pour protéger leurs habitants contre les rigueurs d'un climat qui, au Sud de la zone côtière très tempérée, est souvent rude et venteux.
----------------A côté de cette plèbe qui depuis des siècles erre à travers de vastes étendues, au hasard des ressources qui peuvent s'offrir à elle, la population musulmane des villes et des villages est à peine plus favorisée car elle connaît le taudis surpeuplé, cause de déchéance morale et physiologique.
----------------Le problème de l'habitat indigène se pose impératif, très complexe et particulièrement difficile à résoudre. Tout concourt à le compliquer : la mentalité des intéressés eux-mêmes qui, habitués à une existence rudimentaire, sont peu aptes à apporter. à l'entretien d'un logement digne de ce nom le soin désirable ; la modicité de leurs ressources qui rend toutes les opérations immobilières tentées en leur faveur forcément déficitaires ; leurs coutumes qui ne permettent pas l'adoption de solutions aussi économiques qu'il serait souhaitable ; enfin, dans bien des cas, leur atavisme de nomades qui les pousse à quitter certains endroits, pourtant bien choisis, pour reprendre une vie errante d'un charme parfois supérieur à l'attrait du confort.
----------------On a beaucoup écrit, beaucoup parlé depuis que le Gouvernement Général de l'Algérie a inscrit l'habitat indigène à son programme de grands travaux car rien ne suscite plus d'intérêt que les conceptions généreuses laissant entrevoir des transformations sociales et économiques importantes.
----------------Chacun en a envisagé les conséquences sous angle particulier : évolution et assimilation progressive des indigènes, amélioration de l'hygiène et diminution de la mortalité, accroissement des besoins et des ressources d'individus vivant jusqu'ici repliés sur eux-mêmes.

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----------------D'excellentes idées ont été émises concernant la réalisation de ce programme, cependant on s'est vite aperçu de l'impossibilité d'assurer avant longtemps le gîte à la totalité des mal logés. Il suffit d'aligner quelques chiffres pour s'en apercevoir.
----------------Evaluons à quatre millions d'individus- la population d'Algérie dépourvue de logis convenables (ce chiffre est inférieur à la réalité). Supposons que chaque famille se compose de huit personnes, il faudrait construire cinq cent mille logements d'une valeur minimum de vingt mille francs pour abriter l'ensemble de cette population. C'est donc dix milliards que l'Algérie et la Métropole devraient avancer pour résoudre imparfaitement le problème, car dans bien des cas pareil effort serait stérile s'il n'était pas complété par une organisation économique parallèle ; il serait en effet impossible d'envisager la perception d'un loyer même minime pour la grande majorité des occupants.
----------------Il existe un rapport entre les ressources des individus et l'importance ou la qualité des logements qu'ils occupent. Le gourbi, la maison kabyle, la tente du nomade ou la maison surpeuplée de la kasbah d'Alger représentent, dans le temps présent, des logis proportionnés à l'impécuniosité de ceux qui les habitent.
----------------On ne peut donc envisager une amélioration réelle et durable de l'habitation des indigènes sans un accroissement notable de leurs revenus, et même, si l'avance de fonds est faite par une grande collectivité, il importe que l'opération soit, suivant le terme, rentable, même faiblement, sous peine de la voir échouer rapidement.
----------------L'importance de la question n'a pas échappé au Gouvernement Général de l'Algérie, qui a dressé un vaste programme de paysanat destiné à assurer aux indigènes dignes d'intérêt une existence heureuse dans le travail. Les expériences d'habitat rural organisées par la Direction des Affaires Indigènes sont toujours conduites parallèlement à des expériences de paysamit, de sorte que les fellahs, admis à occuper des fermes ou des petites maisons familiales, sont en même temps nantis d'une terre qu'ils doivent cultiver sous le contrôle de l'Admnistration ; ils peuvent donc s'acquitter de leurs nouvelles charges, puisque ce sont des gens qui possèdent des moyens d'existence et sont guidés de façon à en tirer le meilleur parti.
----------------Là est la vérité, mais il ne faut pas se dissimuler qu'il n'est pas toujours possible de créer une pareille harmonie, principalement quand il s'agit d'habitat urbain ou plus exactement suburbain. Il devient alors malaisé de contrôler les ressources des locataires, lesquelles varient suivant les époques et risquent parfois d'être à peu près nulles.
----------------Comment dès lors envisager des réalisations partielles de nature à produire des effets réellement bienfaisants ?
----------------La seule formule qui nous paraisse intéressante consiste à utiliser une méthode que nous pourrions appeler la " Biologie Urbaine ". Il ne suffit pas d'aligner ou de répartir plus ou moins au hasard des maisons bien agencées pour obtenir un résultat satisfaisant. Il faut créer des centres indigènes équipés et distribués de 'elle manière qu'ils soient capables dans l'avenir de prospérer. Cités indigènes ou quartiers indigènes doivent être fondés exactement comme un village destiné à vivre par lui-même et à tirer du genre d'activité de ses habitants un caractère personnel.
----------------Il s'agit d'agglutiner des gens dans un endroit approprié et de faire en sorte qu'ils y soient heureux et suscitent de la part d'individus moins favorisés une certaine envie, un désir de bénéficier des mêmes avantages et du même confort.
----------------Pour cela il faut que l'emplacement du nouveau Centre soit judicieusement choisi, en un lieu sain, bien ventilé et ensoleillé, qu'il soit abondamment alimenté en eau potable, muni d'un réseau d'égoûts et si possible raccordé à une ligne électrique. Mais il est tout autant nécessaire que ce nouveau Centre soit bien composé, possède de vastes espaces libres et surtout des organes vitaux indispensables : écoles, salle de réunions, café maure, maisons d'artisans, salle de consultations, lavoir, emplacement pour le marché, remises, écuries, fondouks, et aussi, un peu plus tard, bain maure et mosquée.
----------------Ainsi conçu, il prospérera et se développera rapidement si l'on a eu le soin de l'entourer de terrains libres, suffisamment vastes pour permettre son extension. Ouvert au Commerce, il deviendra un centre attractif, un lieu d'échanges autour duquel on aura tendance à se fixer.
----------------Une cité indigène doit pouvoir vivre si elle n'est pas trop éloignée des lieux de travail, si les premiers occupants ont été choisis parmi la population laborieuse et active de la région, si rien n'a été négligé pour assurer aux habitants un minimum de commodités.
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On peut objecter que les crédits de l'habitat indigène doivent être utilisés avant tout pour construire des maisons et que les édifices publics ou utilitaires viennent en deuxième ordre d'urgence. Cette objection doit être réfutée.D'abord beaucoup de ces édifices réputés superflus sont de peu d'importance et par conséquent de construction peu onéreuse ; l'adjonction de quelques boutiques occasionne une dépense négligeable ; l'école sera presque toujours indispensable; la salle de réunions, la salle de consultations et le lavoir sont de tous petits édifices qui représentent, s'il n'y a pas de difficultés particulières de construction, tout au plus la valeur d'une maison. Par contre, leur présence assurera une meilleure cohésion entre les habitants et développera leur sociabilité.
----------------Lorsqu'on a donné la vie à une agglomération humaine, on peut toujours espérer que le nouvel organisme aura une tendance naturelle à s'accroître. Ce qui est vrai pour les européens ne peut pas ne pas l'être pour les indigènes. Nous en avons la preuve chaque jour et les misérables bidonvilles que l'on rencontre trop souvent aux alentours des villes ne sont-ils pas eux-mêmes, dans leur crasse et leur misère, une démonstration de cette vitalité irrépressible qui se manifeste chaque fois qu'un intérêt pousse des individus à se fixer en un lieu de préférence à tout autre.
----------------Si spontanément des quartiers sordides ont pu se développer avec une telle sève, pourquoi les Cités nouvelles qui doivent les remplacer ne subiraient-elles pas les mêmes sollicitations?
----------------L'autorité, en fixant l'emplacement d'un nouveau centre, ne doit pas considérer seulement les quelques maisons qu'elle y fera édifier de suite, mais imaginer ce que pourra devenir ce centre dans un certain nombre d'années. Outre qu'elle devra pouvoir exécuter de nouvelles tranches de travaux suivant les besoins, elle sera avisée en permettant à I'initiative privée de se manifester dans un cadre prévu à l'avance.
----------------Il ne parait pas déraisonnable d'admettre qu'avec une aide légère certains indigènes acceptent de construire des maisons pour leur propre compte. L'aide peut se manifester sous diverses formes : aménagement de la voirie d'ailleurs assez restreinte ; dotation d'éléments standards utilisés déjà pour les constructions antérieures, tels que châssis en béton, claustras et en général tous articles moulés qui, une fois le prix du moule amorti, sont d'un coût minime ; fourniture par les Communes des divers matériaux, principalement pierres, caillasse et sable à des prix très modérés, etc... etc...
----------------Si l'exécution est soigneusement contrôlée et le type de plans imposé à l'avance, afin d'éviter la formation de nouveaux taudis, on obtiendra à peu de frais d'intéressants résultats.
----------------Tout autant pourrait-on favoriser la formation de groupements coopératifs fondés en vue de la construction de maisons dans les Cités indigènes existantes, ces groupements bénéficiant des mêmes avantages que les particuliers.
----------------Bref, rien ne doit être négligé pour que l'effort de la Colonie et des Communes soit complété, ce qui paraît toujours possible quand les bases de départ ont été judicieusement établies, par l'initiative des habitants.
----------------Le choix du terrain est évidemment important et, outre la situation, il convient d'étudier la topographie et la composition du sol. Trop souvent les Municipalités ont tendance à réserver à l'habitat indigène des terrains mouvementés et peu consistants ; l'économie réalisée sur le terrain est alors largement compensée par des dépenses excessives de terrassements e de fondations très sensibles pour des maisons presque toujours à rez-de-chaussée.
----------------Existe-t-il un ou plusieurs tracés-types de Cités indigènes, du même ordre par exemple que ceux jadis utilisés pour les Centres de colonisation ? Nous ne le croyons pas, il importe au contraire de laisser aux architectes le soin de déterminer pour chaque cas le tracé le mieux adapté aux conditions, on obtiendra ainsi des rendements très supérieurs à ceux que l'on pourrait espérer de dispositions conventionnellementétablies.
----------------Deux préoccupations doivent retenir avant tout l'attention des architectes : l'orientation générale de l'agglomération qui aidera à résoudre le problème de l'ensoleillement des locaux; l'étude très serrée du réseau routier.

---------------La viabilité doit être réduite au strict min_-mum dans les zones purement résidentielles. Une rue de 6 mètres est largement suffisante pour desservir des maisons à rez-de-chaussée seulement ; sous certaines conditions des ruelles en impasses de très faible largeur peuvent aisémentêtre admises. En général, une seule grande artère sera nécessaire pour desservir le centre de la cité et sa largeur devra être à l'échelle de l'ensemble ; par contraste une voie de 12 mètres représentera largement l'équivalent d'un vaste boulevard d'une ville européenne
-----------------Si la superficie des chaussées empierrées doit être mesurée avec parcimonie, en revanche il sera toujours indispensable de prévoir de grands espaces libres tels que jardins, places et terre-plein de toute nature dont les frais d'établissement et d'entretien pourront être réduits au strict minimum.
----------------Examinons enfin la maison elle-même. Elle constitue la cellule fondamentale de la Cité et son étude exigera de la part des architectes des soins attentifs, autant pour la répartition des locaux que pour la construction des murs, planchers et toitures. Elle devra être solide, protéger ses occupants contre le froid, la chaleur, la pluie, l'humidité, ne pas choquer leurs habitudes et cependant ne pas gêner leur évolution possible.
----------------Comment la concevoir ? Faut-il rechercher dans l'architecture barbaresque des éléments fondamentaux ? Faut-il au contraire tendre vers des formes d'inspiration européenne ?
----------------L'architecture barbaresque n'a jamais été qu'un art d'importation et n'a aucune racine populaire, la maison mauresque classique fut l'apanage d'une classe dirigeante qui n'eut jamais de contacts étroits avec la masse des fellahs indigènes, véritable population de l'Algérie, aussi ne pourra-t-on y faire que quelques emprunts se rapportant surtout à la disposition des pièces, leur ventilation et leur aménagement.
----------------Les villas européennes d'Afrique du Nord sont trop semblables, à la couleur près, à leurs soeurs des villes françaises, pour qu'on puisse espérer s'en inspirer utilement. Elles ne cachent rien de la vie intime de leurs occupants et heurtent trop violemment le mode d'existence traditionnel du musulman. On ne pourra guère utiliser d'elles que les procédés de construction plus pratiques et plus rapides que ceux en usage chez les indigènes.
----------------La demeure du programme d'habitat indigène devra donc être conçue suivant des données particulières assez différentes de tout ce qui a été fait jusqu'à présent. Laissons de côté la construction proprement dite qui nécessitera encore de nombreuses expériences et variera suivant les régions, pour examiner tout d'abord la distribution et l'équipement.

----------------La maison indigène doit être traitée avec une extrême simplicité, jamais il ne sera plus nécessaire d'adopter des solutions concises, sobres dans la forme et dépouillées de tout élément superflu.
----------------La famille indigène est toujours nombreuse ; outre le père, la mère et plusieurs enfants, elle comprend souvent de proches parents. Ce sont généralement 7 ou 8 personnes au minimum qui doivent vivre sous un même toit, et cependant le logement doit être forcément restreint car l'apport journalier des éléments actifs de cette famille restera encore longtemps assez modique.
Il faut donc loger beaucoup de monde dans peu de place. Il s'agit évidemment de gens qui ont l'habitude de vivre dans des espaces mesurés, mais encore est-il indispensable que certaines précautions soient prises afin qu'ils ne se gênent pas trop.
----------------La maison se composera donc presque toujours de deux pièces, un petit abri couvert, un \V.-C. et une cour ou jardin. Les pièces ne contiendront jamais beaucoup de mobilier mais il conviendra de les disposer de façon qu'elles puissent recevoir assez de paillassons, nattes ou tapis pour que chacun y dorme à son aise. ----------------Quelquefois même, surtout aux abords des grandes villes, les locataires apporteront avec eux ces pittoresques lits à baldaquin en fer ouvragé qui permettent un isolement relatif.
----------------La pièce étroite et longue des maisons mauresques est parfaitement adaptée aux besoins. Elle est plus pratique que la pièce carrée car elle permet soit un alignement des paillasses, soit l'aménagement des deux extrémités en alcôve.
----------------L'abri couvert n'est pas non plus un élément négligeable, il servira de. dépôt, de buanderie et aussi de cuisine d'été. C'est l'annexe indispensable aux pièces d'habitation et il sera toujours intéressant qu'il communique directement avec l'une d'elles.
----------------La cour est inséparable de toutes les maisons arabes, c'est le réservoir d'air et de lumière. Par elle toutes les pièces respirent à l'abri des regards indiscrets. Peu importe qu'elle soit entourée d'arcades ou que ce soit un simple enclos bordé de murs, la fonction reste la même. Elle a un passé très ancien et toutes les maisons de la Méditerranée, aussi loin qu'on remonte dans l'antiquité, possèdent une cour dont l'existence est parfaitement justifiée par le climat. Dans la maison indigène nouvelle elle devra être conservée, d'autant plus qu'elle compensera dans une large mesure, pendant la belle saison, l'exiguïtédes locaux.
----------------La bonne orientation des pièces d'habitation a une importance capitale. Plus que les européens les indigènes ont besoin du soleil, leur genre de vie, la frugalité souvent excessive de leurs repas exigent en compensation un ensoleillement satisfaisant des locaux qu'ils occupent. Le soleil, quand ses rayons ne sont pas trop ardents, exerce une influence excellente sur la santé des individus, il dispense ses calories sur des organismes parfois fragiles et anémiés et évite la propagation de maladies graves, plus particulièrement la tuberculose, dans une population qui ne respecte encore qu'imparfaitement les règles élémentaires de l'hygiène.
----------------Il est d'ailleurs plus facile de se protéger du soleil que de pallier à son absence et une orientation rigoureusement au Sud sera toujours très satisfaisante si quelques dalles ou auvents protègent les ouvertures. Au solstice d'été la hauteur du soleil au passage du méridien est de 76° sur le littoral méditerranéen, ce qui signifie qu'aux heures les plus chaudes ses rayons frappent le sol suivant un angle proche de la verticale, et pénètrent difficilement dans l'intérieur des pièces, surtout si des obstacles sont judicieusement placés. En hiver, l'astre étant beaucoup plus bas sur l'horizon, l'ensoleille-ment des locaux sur des faces bien orientées sera abondant. ----------------Au contraire, les orientations proches du Nord sont désagréables en hiver en raison de l'absence totale de soleil et aucun dispositif ne pourra remédier jamais à cet inconvénient.
----------------La ventilation joue aussi un rôle indispensable. Il sera nécessaire qu'une ventilation permanente, échappant au contrôle des occupants, soit assurée dans chaque pièce. Cette question très importante mérite une étude minutieuse. La circulation de l'air dans les locaux est assez facile à réaliser à condition qu'elle soit prévue au moment de la construction. Le surpeuplement des pièces pendant la nuit rend à peu près obligatoire l'application aux maisons indigènes de systèmes de ventilation déjà largement utilisés par ailleurs.
----------------Parlons maintenant de ce qui a déjà été réalisé en matière de cités indigènes. En regard des nombreux projets en instance d'exécution, les réalisations sont assez clairsemées. Beaucoup ont à vrai dire constitué des expériences dont l'enseignement a permis d'utiles mises au point. Il n'est pas regrettable que plusieurs années se soient passées avant qu'il ait été possible d'envisager la construction d'habitations en grande quantité.
----------------De sérieuses erreurs ne seront plus commises et déjà les cités récemment achevées marquent un progrès sensible sur celles qui les ont précédées.
----------------A l'origine, devant la nécessité de rester dans la limite des crédits alloués, on a élevé des maisonsà parois légères, trop perméables à la température extérieure. Très souvent, les indigènes ne les ont que médiocrement appréciées : elles constituaient des abris insuffisants, parfois même inférieurs à la tente ou à certains gourbis, dont les matériaux, moins étanches, sont davantage isolants.
----------------Les résultats de pareils errements sont assez curieux et il nous a été donné de constater que dans certains cas des indigènes, d'ailleurs peu assimilés, ont dressé leur tente dans la cour de leur maison, réservant les chambres à leurs bestiaux. De pareils faits prouvent qu'il ne faut pas pousser le souci de l'économie jusqu'à construire des logements inhabitables.
----------------D'autres expériences ont porté sur la forme des logis à adopter. Beaucoup d'indigènes, surtout dans les villes, affectant de se plier aux habitudes européennes, quelques maisons ont été construitesà l'usage de cette catégorie d'évolués. Sans grand succès d'ailleurs. Bientôt les fenêtres ouvertes vers l'extérieur ont été bouchées avec des lattis et des toiles de sac qui plongeaient les pièces dans la pénombre,-au grand détriment de l'hygiène.
----------------C'est que le chef de famille n'est pas seul. S'il se vante parfois de vivre autrement que la masse de ses coreligionnaires, il n'en subit pas moins l'ambiance de son entourage qui accepte fort bien ses allures dégagées de tout préjugé mais garde, lorsqu'il s'agit de logis, des idées ancestrales qu'il serait vain de vouloir faire disparaître du jour au lendemain.
----------------Sans entrer dans le détail des modes de construction susceptibles d'être utilisés pour l'édification des cités indigènes de toute nature, il est intéressant tout au moins d'examiner les possibilités qui s'offrent aux architectes. Dans certains cas, surtout pour des centres ruraux ou pour des cités relativement isolées, il sera parfois nécessaire, en raison des difficultés d'accès, de chercher à utiliser intégralement toutes les ressources de la région si toutefois il en existe. On sera alors amené à construire des maisons selon des procédés éprouvés et traditionnels. Par contre, aux abords des grandes villes et plus spécialement sur le littoral méditerranéen, il deviendra possible de rechercher par la construction en série un abaissement du prix de revient. Le béton moulé, sous toutes ses formes, pourra être largement utilisé. ----------------Une standardisation générale de tous les éléments de la construction sera alors à prévoir et l'aspect définitif des cités ainsi conçues ne manquera pas d'être souvent des plus curieux.
----------------En définitive, on peut conclure que l'habitat indigène pose à l'Administration, aux économistes, aux sociologues, aux hygiénistes et aux constructeurs de nombreuses questions presque toujours très délicates. Il n'est pas douteux d'ailleurs qu'au cours des années à venir le problème évoluera, car la population indigène, dans les villes surtout, est amenée petit à petit à modifier son genre de vie, non pas volontairement mais sous la poussée des événements qui tendent de plus en plus, dans la société actuelle, à rendre tout bonheur impossible dans l'impécuniosité.

MARCEL LATHUILLIERE,
Architecte diplômé par le
Gouvernement, Conseiller technique à l'Habitat et au Paysanat
indigènes.