

MALGRÉ LA PLUIE DE SAMEDI ET LE
TEMPS MAUSSADE D'HIER
15.000 ALGÉROIS ont assisté à la venue de S.M. Carnaval
1953
C’étaient la Rome antique,
Babel et Charenton. C’étaient Bagdad et Chinatown. C’étaient
la Renaissance et l’An 2.000. La Belle Époque et la Préhistoire.
C’étaient le Moyen-Age et l’Age Moyen; l’Age de
Bronze, l’Age d’Or et l’Age Ingrat.
C’étaient l’Empire et la Restauration. La Restauration
du Rire et de la Joie. C’étaient la Gaule, les Gaulois et
les mille gouvernements de la 4e République. C’étaient
la Nuit des Temps et le Temps des Cerises, le Temps d’Aimer, le Bon
Temps et le Mauvais Temps... Le mauvais temps déguisé en
giboulées, en vent aigre et en ciel gris.
C’était lui le coupable. L’empêcheur de tourner
en rond.
Horreur ! Il avait dispersé la joyeuse incohérence.
On l’arrêta dans la nuit même. C’était un
samedi soir. Alors les légendes, les fables, les contes, l’Histoire
et la Géographie se retrouvèrent dimanche, délivrés
de tous soucis. Sur 300 mètres de boulevard.
Boulevard Carnot.
Tout cela, c’était Alger, paré, masqué, travesti,
bariolé. Alger dans les flonflons. Saupoudré de confetti
multicolores, vêtu de culottes bouffantes et de caleçons
longs.
C’était le grand corso carnavalesque. L’odeur de papier
mâché. Les rires. Les fleurs. La cohue.
Un monde fou.
Oui. Un monde fou : 10.000 personnes qui regardaient, gesticulaient, raillaient,
se découvraient.
Le spectacle était dans la rue : Curieux spectacle ! Un monde à
l’envers. Vu par Effel, Peynet, Dubout, Prévert.
Et l’envers, cette fois, valait mieux que l’endroit !
Carnaval en chiffres !
Pour ceux de nos lecteurs qui ne firent point partie des quinze mille
spectateurs massés aux abords des artères en folie, nous
donnons ici quelques chiffres-témoins probants du succès
carnavalesque :
-Trente-six chars fleuris rivalisèrent de goût et d’originalité.
- Mille travestis riches de couleurs et de fantaisie.
- Un escadron de spahis (le sixième).
- Cent tirailleurs sénégalais ajoutant une « noire »
aux 2.000 autres participants...
- Deux tonnes de confetti, serpentins et fleurs distribués gratuitement
aux combattants.
- Six tonnes de ces « fragiles projectiles » vendues
aux spectateurs.
- Douze prix importants
- Six cents mètres de tribunes.
- Quinze à 18.000 places payantes.
- Trois cent vingt agents, une cinquantaine de gendarmes pour le service
d’ordre.
- Cinq enfants perdus et... retrouvés, grâce au micro de
Robert Salis.
- Quatre invités d’honneur constituant la délégation
niçoise.
Un succès populaire immense, imprévu, sans précédent
! Le corso fleuri
Les réjouissances commencèrent samedi, dès 14 h.
30. La musique de l’air conduisait l’invraisemblable cortège.
Suivie du fastueux char de la reine.
Le circuit se faisait sur le boulevard Carnot, dont les immeubles avaient
pour la circonstance fleuri leurs façades.
Dans le s tribunes officielles, M. Roger Léonard, gouverneur général
de l’Algérie, avait pris place. Entouré de nombreuses
personnalités.
Rires et applaudissements saluèrent le passage des chars dont le
« Spahis Circus » fut le plus remarqué, il
devait d’ailleurs emporter la palme.
Et tandis que les véhicules fleuris poursuivaient leur ronde joyeuse,
la bataille éclata. Multicolore et bruyante. Personne ne fut épargné.
Bon nombre de jeunes filles mangèrent les munitions...
Le veglione
Tous se retrouvèrent, le soir, dans les salons de l’hôtel
de ville, magnifiquement décorés.
Des orchestres réputés firent danser la foule des travestis
jusqu’aux premières lueurs de l’aube.
Elles chassèrent ce monde fantastique qui... revint le lendemain
participer à la grande finale. Sur le
boulevard Carnot !
Le palmarès
Le jury, présidé par M. Gontrand Dessagne, eut alors à
se prononcer sur les plus belles réalisations
Toutes dues à l’initiative privée des participants.
Une formidable ovation salua les décisions.
CHARS
1er grand prix d’honneur : Spahis Circus (n° 20).
2e prix d'honneur : Le temps des cerises (n° 8).
3e prix d’honneur : Cyrnos (n° 5).
4e prix d’honneur : Jardins d’enfants d’Alger (n° 29).
5e prix d’honneur : Andalousie (n° 27).
1er prix d’excellence : Scène africaine (n° 25).
2e prix d’excellence : Fête à Séville (n°
10).
3° prix d’excellence : Le sultan et son harem (n° 9).
4e prix d’excellence : Les jouteurs sétois (n° 4).
5e prix d'excellence : Blanche-Neige et les 7 nains (n° 3).
6e prix d'excellence : A la cabane bambou (n° 28).
7° prix d’excellence : Le paradis terrestre (n° 18).
GROUPEMENTS TRAVESTIS
1er prix d’honneur ; Annie au Far-West (n® 44).
2e prix d’honneur : Le petit duc (n° 42).
3* prix d’honneur : La quadrilla (n° 45).
4e prix d’honneur : Folies d’un soir (n° 46). Carnaval reviendra
Les barrières tombèrent avec la nuit. Les tribunes ne tarderont
pas à disparaître. Et bientôt le boulevard Carnot aura
retrouvé sa physionomie habituelle.
Carnaval n’a pas été déçu. Il reviendra
l’an prochain.
Il nous l’a bien promis.
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