Alger, la casbah
ALGER d’hier… ALGER d’aujourd’hui
BAB-EL-DJID

ALGER d’hier… ALGER d’aujourd’hui
BAB-EL-DJID

C’est en 1933 que nous décidions, Lucienne Favre et moi de réunir tout ce que nous savions sur la haute ville, en une brochure, épuisée depuis, intitulée « Tout l’inconnu de la Casbah d’Alger » (1).

Parmi les nombreuses illustrations éclairant le texte figurait celle que nous reproduisons ci-contre. Elle représente un coin du marché aux occasions de Bab-el-Djdid, surplombant le boulevard de la Victoire.
Nous extrayons de « Tout l’inconnu de la Casbah », ces quelques lignes écrite» par l’auteur de « Prosper », sur ce coin qui vient de disparaître.

Pour y parvenir, il faut d’abord traverser un chemin bossue, longer un terre-plein où des barbiers, des arracheurs de dents, des jeteurs de sorts, des charmeurs de serpents et des fabricants d’amulettes ont installé leurs diverses industries.

Plus loin, parlant du marché en plein vent, Lucienne Favre poursuit :

Il est essentiellement mobile, très peu noble d’aspect et de prime abord assez décevant. Ne peuvent le fréquenter avec fruit que ceux qui ne craignent ni la saleté ni la laideur apparente. La plupart des objets qui provisoirement le composent sont estropiés, ayant beaucoup servi.

De vieux meubles, des objets usuels intimes, des tableaux, des brochures ; journaux périodiques, vieilles livraisons, par années entières, du « Turco » ou de la « Plume » qui étaient les périodiques satiriques locaux du moment, ses « Assiette au beurre » et ses « Crapouillot », les vases de porcelaine fêlés, les glaces de Venise talées comme de vieux fruits, les redingotes de notaires qui ont excessivement grossi et savent que leur fils ne leur succéderont pas, les uniformes bleu horizon sauvés des boues de l’Yser, les flacons pharmaceutiques vidés de ces remèdes qui aujourd'hui ne guérissent plus personne... une robe de bal surchargée de dentelles et si délabrée que le moindre geste pour la saisir en émiette un morceau... un ancien rouleau de buis pour lustrer les boucles de femmes, et surtout en abondance des photographies et des paquets compacts de lettres jaunies, composent son fonds.

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Echo d'Alger du25-8-1954 - Transmis par Francis Rambert

sur site : juin 2025

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Marché

On appelait ce coin Bad Jdid (ou quelque chose qui y ressemble). Nous allions y acheter des tricots américains. C'est à dire bariolés devant et derrière d'inscriptions en anglais. En provenance des collèges ou universités des Etats-Unis.
Francis : "..., Bab Jedid (le J se prononce DJ en arabe) signifie "la nouvelle porte" et au début de ce boulevard, juste en haut des tournants Rovigo, débouchait la rue Porte-Neuve. CQFD




ALGER d’hier… ALGER d’aujourd’hui
BAB-EL-DJID

C’est en 1933 que nous décidions, Lucienne Favre et moi de réunir tout ce que nous savions sur la haute ville, en une brochure, épuisée depuis, intitulée « Tout l’inconnu de la Casbah d’Alger » (1).

Parmi les nombreuses illustrations éclairant le texte figurait celle que nous reproduisons ci-contre. Elle représente un coin du marché aux occasions de Bab-el-Djdid, surplombant le boulevard de la Victoire.
Nous extrayons de « Tout l’inconnu de la Casbah », ces quelques lignes écrite» par l’auteur de « Prosper », sur ce coin qui vient de disparaître.

Pour y parvenir, il faut d’abord traverser un chemin bossue, longer un terre-plein où des barbiers, des arracheurs de dents, des jeteurs de sorts, des charmeurs de serpents et des fabricants d’amulettes ont installé leurs diverses industries.

Plus loin, parlant du marché en plein vent, Lucienne Favre poursuit :

Il est essentiellement mobile, très peu noble d’aspect et de prime abord assez décevant. Ne peuvent le fréquenter avec fruit que ceux qui ne craignent ni la saleté ni la laideur apparente. La plupart des objets qui provisoirement le composent sont estropiés, ayant beaucoup servi.

De vieux meubles, des objets usuels intimes, des tableaux, des brochures ; journaux périodiques, vieilles livraisons, par années entières, du « Turco » ou de la « Plume » qui étaient les périodiques satiriques locaux du moment, ses « Assiette au beurre » et ses « Crapouillot », les vases de porcelaine fêlés, les glaces de Venise talées comme de vieux fruits, les redingotes de notaires qui ont excessivement grossi et savent que leur fils ne leur succéderont pas, les uniformes bleu horizon sauvés des boues de l’Yser, les flacons pharmaceutiques vidés de ces remèdes qui aujourd'hui ne guérissent plus personne... une robe de bal surchargée de dentelles et si délabrée que le moindre geste pour la saisir en émiette un morceau... un ancien rouleau de buis pour lustrer les boucles de femmes, et surtout en abondance des photographies et des paquets compacts de lettres jaunies, composent son fonds.

Plus loin encore, parlant d’une de ces lettres jaunies qu’elle y avait découvertes, Lucienne Favre raconte :
Celle-ci est de 1890. Le signataire est un colon céréaliste qui fut en définitive victime des mauvaises saisons et surtout des banques régionales (les temps ont bien changé depuis) qui lui coupèrent le blé sous le pied au moment opportun et firent vendre à l’encan son domaine. Il ne s’en fallait que de quelques mois qu’il pût faire face à l’échéance que l’on refusa de proroger.
Il peinait sur cette terre depuis vingt ans. Quand on connaît les prolongements de l’aventure, la lettre en apparence banale qui git là prend un autre accent.
Car le signataire s’embarqua certain jour d’août sur le bateau qui emmenait vers la France le directeur-dictateur de cette société de crédit impitoyable et tira sur lui, en pleine mer, deux coups de revolver que la forte houle fit dévier.

L’affaire n’eut pas autrement de suite. L’un se trouva ruiné mais libre et l’autre sauf.

La lettre est écrite d’une écriture calme et lourde, avec des pleins vigoureux. Elle traite simplement d’une partie de campagne et d’un rendez-vous amical remis à cause de « certains ennuis dont je vous parlerai un autre jour »...

Il y a quelques mois des bâtisseurs sont venus. Ils ont abattu pour laisser la place nette quelques-uns des eucalyptus qui abritaient ce « Musée de plein vent » et sur ce terrain où gisait tant de pouillerie, ils ont élevé en un temps record une bâtisse claire et spacieuse aux lignes sobres qui contraste heureusement avec la citadelle de la Casbah qui la domine.

Une école vient de naître qui abritera bientôt des centaines de petits écoliers musulmans. En voie d’achèvement, une école moderne s’édifie d’après les plans de l’architecte Legrand, sur l’ancien emplacement du marché en plein vent de Bab-el-Djdid. Elle comprendra quatorze classes pouvant abriter de cinq à six cents élèves, plus une classe de fin d’études. Elle comprendra en outre une vaste installation de douches .

(1) Lucienne Favre : « Tout l’inconnu de la Casbah d’Alger »( sur ce site) (illustrations de Charles Brouty). Editions Baconnier Alger.