LE PORT D'ALGER

Avec ceux des petits métiers du port d’Alger
Les passeurs ont leur flottille mais leurs clients n'arrivent qu avec le retour des beaux jours

Echo d'Alger du 6-4-4954 - Adressé par Francis Rambert
sur site :juin 2025

Avec ceux des petits métiers du port d’Alger
Les passeurs ont leur flottille mais leurs clients n'arrivent qu avec le retour des beaux jours

Charon, fils de l’Erèbe et de la Nuit, moyennant une obole, faisait passer aux âmes des morts le fleuve des Enfers.

« Negro », fils d’un nautonier et de la mer, a institué un prix fixe pour faire traverser dans sa barque à moteur tous les « Ruaïstes » en quête de soleil et de joie de vivre.

Et, de même que le passeur mythologique se refusait à accepter à son bord ceux qui n’avaient pas reçu les honneurs de la sépulture, la flottille « Négro », frappée des armes du R.U.A. refoule impitoyablement sur la rive les « non initiés » qui n’ont pas l’heur d’appartenir à ce club.

Mais là s’arrête cette comparaison... « macabro-nautique » et c’est heureux car, si l’on en croit le sinistre renom qui s’attache au nocher des Enfers, que l’on disait vieux et avare celui-ci condamnait les ombres sans « laisser-passer », à errer cent ans sur les bords du Styx avant d’entrer aux Enfers...

Or, d’une part, le R.U.A. n’a rien à voir avec ce lieu de supplices des damnés, même lorsqu’il regorge de monde par une chaude journée d’août... d’autre part le pêcheur à la ligne ou le baigneur indépendant qui préfère la pleine mer à une piscine peut toujours faire appel, pour traverser la passe, à la démocratique barque de Mohamed.

Cette dernière est évidemment moins rapide, moins rutilante que la nef de « Negro ». Aucun fanion vert et blanc ne flotte à sa proue. Ses aménagements sont moins confortables et il est toujours prudent de regarder attentivement avant que de s’y poser, le « siège » qui vous est octroyé...

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Echo d'Alger du 17-4-1954 - Adressé par Francis Rambert
sur site :juin 2025
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« Negro », fils d’un nautonier et de la mer, a institué un prix fixe pour faire traverser dans sa barque à moteur tous les « Ruaïstes » en quête de soleil et de joie de vivre.
« Negro », fils d’un nautonier et de la mer, a institué un prix fixe pour faire traverser dans sa barque à moteur tous les « Ruaïstes » en quête de soleil et de joie de vivre.

Avec ceux des petits métiers du port d’Alger
Les passeurs ont leur flottille mais leurs clients n'arrivent qu avec le retour des beaux jours

Charon, fils de l’Erèbe et de la Nuit, moyennant une obole, faisait passer aux âmes des morts le fleuve des Enfers.

« Negro », fils d’un nautonier et de la mer, a institué un prix fixe pour faire traverser dans sa barque à moteur tous les « Ruaïstes » en quête de soleil et de joie de vivre.

Et, de même que le passeur mythologique se refusait à accepter à son bord ceux qui n’avaient pas reçu les honneurs de la sépulture, la flottille « Négro », frappée des armes du R.U.A. refoule impitoyablement sur la rive les « non initiés » qui n’ont pas l’heur d’appartenir à ce club.

Mais là s’arrête cette comparaison... « macabro-nautique » et c’est heureux car, si l’on en croit le sinistre renom qui s’attache au nocher des Enfers, que l’on disait vieux et avare celui-ci condamnait les ombres sans « laisser-passer », à errer cent ans sur les bords du Styx avant d’entrer aux Enfers...

Or, d’une part, le R.U.A. n’a rien à voir avec ce lieu de supplices des damnés, même lorsqu’il regorge de monde par une chaude journée d’août... d’autre part le pêcheur à la ligne ou le baigneur indépendant qui préfère la pleine mer à une piscine peut toujours faire appel, pour traverser la passe, à la démocratique barque de Mohamed.

Cette dernière est évidemment moins rapide, moins rutilante que la nef de « Negro ». Aucun fanion vert et blanc ne flotte à sa proue. Ses aménagements sont moins confortables et il est toujours prudent de regarder attentivement avant que de s’y poser, le « siège » qui vous est octroyé...

Mais elle flotte, la barque de Mohamed, et c’est là, après tout, le principal.

Certes, si vous êtes à bord au moment où son étrave est proprement bousculée par le sillage d’un remorqueur... vous avez tendance à évaluer rapidement la distance qui vous resterait éventuellement à faire... à la nage, pour atteindre la rive... sans autre forme de procès. Encore est-ce là, crainte immotivée et intolérable preuve de manque de confiance en l’habileté de Mohamed ou de l’un de ses adjoints.

Croyez-moi, dans ces cas-là, il a vite fait de rétablir l’équilibre d’un bon coup de rame bien appliqué à plat sur la vague.

Et si vous vous trouvez alors dans le vent, cette habile manœuvre aura encore le double avantage de vous punir d’avoir douté... et de vous démontrer que l’eau n’est nullement froide et que la baignade forcée aurait pu être finalement délicieuse...
Avouez que pour vingt francs, prix d’une traversée, c’est vraiment un maximum.

Et puis, hein ! si « on » n’est pas satisfait de ce transport en commun maritime. « on » n’a qu’à avoir sa propre pastéra. voire son yacht !

C’est, à peu près, ce que m’a répondu un jour, non sans raison, dans des circonstances analogues, un fidèle collaborateur de Mohamed, qui est, comme on le voit, aussi beau parleur que fin manœuvrier.