
« Negro »,
fils dun nautonier et de la mer, a institué un prix fixe
pour faire traverser dans sa barque à moteur tous les «
Ruaïstes » en quête de soleil et de joie de vivre.

Avec ceux des petits
métiers du port dAlger
Les passeurs ont leur flottille mais leurs clients n'arrivent qu avec
le retour des beaux jours
Charon, fils de lErèbe
et de la Nuit, moyennant une obole, faisait passer aux âmes des
morts le fleuve des Enfers.
« Negro », fils dun nautonier et de la mer, a institué
un prix fixe pour faire traverser dans sa barque à moteur tous
les « Ruaïstes » en quête de soleil et de joie
de vivre.
Et, de même que le passeur mythologique se refusait à accepter
à son bord ceux qui navaient pas reçu les honneurs
de la sépulture, la flottille « Négro », frappée
des armes du R.U.A. refoule impitoyablement sur la rive les «
non initiés » qui nont pas lheur dappartenir
à ce club.
Mais là sarrête cette comparaison... « macabro-nautique
» et cest heureux car, si lon en croit le sinistre
renom qui sattache au nocher des Enfers, que lon disait
vieux et avare celui-ci condamnait les ombres sans « laisser-passer
», à errer cent ans sur les bords du Styx avant dentrer
aux Enfers...
Or, dune part, le R.U.A. na rien à voir avec ce lieu
de supplices des damnés, même lorsquil regorge de
monde par une chaude journée daoût... dautre
part le pêcheur à la ligne ou le baigneur indépendant
qui préfère la pleine mer à une piscine peut toujours
faire appel, pour traverser la passe, à la démocratique
barque de Mohamed.
Cette dernière est évidemment moins rapide, moins rutilante
que la nef de « Negro ». Aucun fanion vert et blanc ne flotte
à sa proue. Ses aménagements sont moins confortables et
il est toujours prudent de regarder attentivement avant que de sy
poser, le « siège » qui vous est octroyé...
Mais elle flotte, la barque de Mohamed, et cest là, après
tout, le principal.
Certes, si vous êtes à bord au moment où son étrave
est proprement bousculée par le sillage dun remorqueur...
vous avez tendance à évaluer rapidement la distance qui
vous resterait éventuellement à faire... à la nage,
pour atteindre la rive... sans autre forme de procès. Encore
est-ce là, crainte immotivée et intolérable preuve
de manque de confiance en lhabileté de Mohamed ou de lun
de ses adjoints.
Croyez-moi, dans ces cas-là, il a vite fait de rétablir
léquilibre dun bon coup de rame bien appliqué
à plat sur la vague.
Et si vous vous trouvez alors dans le vent, cette habile manuvre
aura encore le double avantage de vous punir davoir douté...
et de vous démontrer que leau nest nullement froide
et que la baignade forcée aurait pu être finalement délicieuse...
Avouez que pour vingt francs, prix dune traversée, cest
vraiment un maximum.
Et puis, hein ! si « on » nest pas satisfait de ce
transport en commun maritime. « on » na quà
avoir sa propre pastéra. voire son yacht !
Cest, à peu près, ce que ma répondu
un jour, non sans raison, dans des circonstances analogues, un fidèle
collaborateur de Mohamed, qui est, comme on le voit, aussi beau parleur
que fin manuvrier.