
Bassin de radoub,
collection B.Venis
Port dAlger, ruche
bourdonnante
Au bassin de radoub institut de beauté des bateaux
les radoubeurs ? des chirurgiens esthétiques propres à
réparer des ans les « réparables » outrages...
Avez-vous déjà eu loccasion de pénétrer
dans cet institut de beauté pour bateaux quest un bassin
de radoub ? A Alger, malgré les grilles qui encerclent ce lieu...
et les pancartes qui en interdisent formellement lentrée,
cest chose relativement facile...
Sa traversée en diagonale, du quai de Bayonne à la rue
dAnghor, constitue même un sérieux raccourci pour
les piétons-baigneurs venant de la jetée de lAgha
ou du môle Amiral-Mouchez... Cest tout vous dire !
Naturellement, le « Défense dentrer »
se lit toujours très bien sur les écriteaux disposés
bien en évidence de part et dautre de chaque portillon...
Mais nous touchons là un des mystères les plus insondables
de la nature du Français, et ce nest pas notre but.
Remarques que pour ce cas particulier, il est tout de même recommandé
de demander la permission dassister à la grande toilette
dun navire à sec au chef des radoubeurs, qui est à
Alger un homme on ne peut plus charmant.
Nous voilà donc à Brobdingnag, Vous savez, ce pays découvert
par Lemuel Gulliver où tout est énorme.
Mais un Brtfbdingnag spécial, occupé par une armée
de Lilliputs courageux et actifs qui auraient réussi la gageure
de ficeler les géants dans leur lit.
Les géants, ce sont les nefs dégoulinantes deau
et proprement étayées par de lourds madriers de bois,
qui transpirent dans les bassins. Quant à la légion lilliputienne
elle est constituée par les ouvriers radoubeurs qui, de la quille
aux bastingages, de lhélice moussue, énorme et suintante
à la proue rectiligne où harmonieusement arrondie saffairent
bruyamment en martelant, raclant, rivetant, agaçant sans répit,
semble-t-il, le monstre au repos.
Mais une fois passées ces premières heures trépidantes,
tonitruantes, au cours desquelles les flancs du pauvre lévrier
des mers ont été suppliciés sans merci. Les «
bourreaux » fatigués se calment, sadoucissent,
voire sattendrissent.
On met de lhuile dans les rouages... et dans la peinture, pour
la délayer.
Le moment est venu de recouvrir les plaies de baume.
Les marteleurs et riveteurs cèdent la place aux peintres. Ces
derniers, juchés tant bien que mal sur des échelles de
cordes ou sur détroites passerelles de bois peignent en
sifflant, sifflent en peignant.
Leurs pinceaux fixés à lextrémité
de longs bâtons suivent un rythme lent et précis, atteignent
les moindres encoignures, redonnent par petits coups le brillant, la
couleur et la vie.
Oui, la vie ! puisque la dernière couche de peinture ne sera
pas encore sèche que le navire, libéré, pourfendra
de nouveau la mer de son étrave...