Constantine
ICI, NI VAINQUEURS NI VAINCUS
Le Gouverneur général Le Beau préside les fêtes du centenaire de Constantine française
Un grand meetink aérien à Oued- Hammine
Inauguration du monument à Alphonse Laveran qui découvrit l'hématozoaire du paludisme
Si la France avait besoin de justifier un jour sa présence dans ce pays, il lui suffirait de prononcer un nom, celui de Laveran.

Il faut que tous ceux qui ont à coeur l'avenir de ce pays, faisant table rase de toutes les divergences d'opinion, de race ou de religion, donnent un grand exemple d'union, d'ordre et de discipline autour de la République.
(Discours de M. Le Beau.)

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Dans la ville en fête
[DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL]
Constantine, 13 octobre. — Un beau début de matinée : la ville sur son rocher a surgi à la lueur d'un soleil intermittent, que filtrent de gros nuages cotonneux. Le train spécial est entré à 8 h. 30 sous une gare fleurie, pavoisée, tapissée de tentures et de plantes vertes. A sa descente du wagon à plate-forme, le gouverneur général M. Georges Le Beau, qu'accompagnent le préfet, M. Bouffet, venu au devant de lui à Sidi-Mabrouk, le général Catroux, l'amiral Motet, le médecin général Epeaulard, le général Pennès, venu par avion, MM. Rivière, Poupet, Vogt, le colonel 011eris et leurs compagnons de voyage ont été accueillis par tout ce que la grande cité de l'Est compte de personnalités, notamment le docteur Liagre et son conseil municipal, le général de division Rochard, M. Cuttoli, sénateur, MM. Morinaud, député, Deyron, président du conseil général, Cuzin, Lelouche et de nombreux conseillers généraux, Mercier et Bourceret, membres du conseil supérieur, Lavie, Faure, Gueit, Munck, Morel, Vallet, délégués financiers, Ferrando, président de la chambre de commerce, etc., etc.
Je ne vous décrirai pas le spectacle magnifiquement coloré et vibrant de la. rue ni le passage du cortège parmi les spahis en grande tenue orientale, rouge et blanche, les haies de tirailleurs, d'artilleurs, de légionnaires, de sénégalais, de zouaves qui contiennent la foule, ni l'ovation ininterrompue dont le gouverneur Le Beau est l'objet tout le long du parcours.

La cérémonie la plus impressionnante de la matinée sera, après la présentation des corps constitués dans les somptueux salons de l'hôtel de ville et au son de la musique des cheminots, celle qui se déroula devant le monument aux morts.

On connait ce gigantesque monument : au sommet d'un rocher et de l'autre côté du Rhummel un arc de triomphe aux proportions émouvantes, un portique de pierre sombre curieusement ouvert sur le ciel et sur le gouffre de Sidi-M'Cid.

Une immense draperie tricolore relevée à la base orne l'arche. De part et d'autre les urnes funéraires font jaillir leurs flammes palpitantes. Les drapeaux des régiments de la garnison, entoures de tous ceux des sociétés d'anciens combattants et des associations patriotiques, occupent le sommet de l'escalier d'accès monumental, de chaque côté duquel sont massés les enfants de toutes les écoles européennes, musulmanes et israélites, toutes les délégations des cultes et la grande foule anonyme et bariolée. Et puis l'étonnante cavalerie indigène de la commune mixte de Kenchella, aux guennours surmontés d'une énorme touffe de plumes d'autruches. René JANON.
(Lire la suite en troisième page)

La cérémonie

Le gouverneur Le Beau et sa suite gravissent les degrés de l'interminable escalier. La sonnerie aux morts retentit. M. Le Beau dépose une grande gerbe au pied du monument sous le grand portique. Profond silence de la minute de recueillement. Des fusées détonnantes montent soudain et éclatent dans le ciel, devenu d'un bleu irradiant. Un long cantique monte vers l'azur. C'est la Schola de la cathédrale qui entonne le poème de Victor Hugo : « Ceux qui pieusement sont morts ». Un avion passe et repasse au-dessus de la foule haletante et tandis qu'un large lâcher de pigeons s'élève au-dessus de la colline. plus haut, à deux mille mètres d'altitude, une escadrille inscrit dans le ciel, avec de la fumée : c 1837-1937. Vive l'Algérie française ! »

Le meeting aérien à Oued-Hammine


L'après-midi, dès 14 heures, des centaines d'automobiles, d'autocars et plusieurs trains spéciaux firent affluer la foule vers le terrain d'aviation de l'Oued-Hammine. Le gouverneur ge neral et sa suite qui avaient déjeune a l'hôtel Transatlantique firent leur entrée vers 14 h. 30, salués par la musique de la Légion étrangère.

De nombreuses personnalités alge roises, notamment M. Billion du Plan, président de l'Aéro-Club et l'aviatrice Suzanne Aupêcle assistèrent à cette grande réunion aéronautique au cours de laquelle l'adjudant Balin, le célébre parachutiste Williams, les champions d'acrobatie Jérôme Cavalli et Michel Détroyat, le chef pilote Fenech et les escadrilles militaires réalisèrent des prouesses de hardiesse, de sang-froid ou de témérité.

Le gouverneur général tint à féliciter avant son départ la pléïade des grands as ainsi que le constructeur Lignel dont les exhibitions au ralenti sur son « Taupin » furent suivies avec admiration par les techniciens les plus avertis et avec une curiosité compréhensive par les profanes.

L'inauguration du monument Laveran

Vers 17 h. 30 eut lieu la plus significative, à coup sûr, des cérémonies de la journée, l'inauguration dans la cour de l'hôpital de la Kasbah du buste du médecin militaire Alphonse Laveran qui, dans l'humble laboratoire de l'établissement sanitaire de Constantine qui porte son nom, découvrit l'hématozoaire du paludisme. Successivement le colonel-médecin Jacques, le medecingénéral Epaulard, le docteur Piquet, au nom du professeur Sergent, retracèrent la vie du grand savant, symbole de l'action bienfaisante de la France en Afrique.

Puis M. Vallet, au nom du comité de célébration, remit le monument, un buste d'un beau réalisme dû au ciseau du sculpteur Jondeau, au docteur Liagre, maire de la ville. Dans son allocution. M. Vallet rappela ce jugement du professeur Sergent, directeur de l'institut Pasteur d'Alger :
"Si la France avait besoin de justifier un jour sa présence dans ce pays. il lui suffirait de prononcer un nom celui de Laveran. »
Puis, à son tour, le docteur Liagre évoqua le souvenir d'un des plus sûrs conquérants de l'Algérie.


Echo d'Alger des 14 et 15-10-1937 - Transmis par Francis Rambert

avril 2020

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