Alger, Algérie : documents algériens
Série économique : electrification
aspects algériens de la production et du transport de l'énergie électrique en 1951 (II)
12 pages , 3 croquis, 5 photos - n°81 - 8 juin 1951

 

mise sur site le 16 -04-2005
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Les équipements hydrauliques régularisés de Petite Kabylie

----------Nous abordons maintenant l'une des pièces maîtresses de l'équipement énergétique algérien des prochaines années : l'exploitation régularisée des ressources de la Petite Kabylie.
----------Leur valeur. bien que circonscrite dans l'espace est incontestable la Petite Kabylie est en Algérie la seule région abondamment arrosée (la hauteur moyenne de pluie est de deux mètres sur lés pentes du Babor).
----------L'intérêt de leur utilisation au stade d'équipement où est parvenu le pays ne fait pas de doute et notre génération, si elle en avait le loisir, pourrait sans injustice faire le procès de la précédente pour ne l'avoir même pas amorcée.
----------Mais, si la nécessité économique de leur exploitation ne fait plus aucun doute, par contre, la question de leur régularisation a connu davantage de controverses : il est donc utile d'ouvrir une parentèse sur ce point.
----------Les centrales thermiques se démodent et vieillissent vite. Elles ne cessent de coûter de plus en plus cher durant leur courte vie, après quoi il faut encore consentir une nouvelle mise de fonds et de travail pour leur remplacement. Malgré leurs brillantes apparences et leur nécessité, elles ne constituent pas un solide accroissement du potentiel économique d'un pays.
----------Il en est tout autrement des équipements hydrauliques régularisées, car malgré l'importance des investissements, ils constituent un placement d'avenir remarquable. Les installations sont de longue durée (Le seul point noir étant le comblement des réservoirs, question importante et névralgique, mais non dépourvue de solutions au moins partielles), et, après la période d'amortissement, les dépenses d'entretien et de fonctionnement deviennent très faibles.
----------On a parfois avancé que la charge des régularisations hydrauliques dépassait les possibilités d'une génération et que, de plus, ces coûteuses installations ne couvraient pas complètement l'aléa des cycles d'années sèches.
----------Sur le premier point, un tel raisonnement conduit à ne les entreprendre jamais. Sur le second, le risque de sous-production pour des ensembles de bassins bien étudiés, est bien moins grand que celui qui découle, pour les centrales thermiqùes, de la coupure des fournitures de combustible.
----------En Algérie, particulièrement sensible à cet égard, le seul examen du retour possible de certaines conjonctures lève toute incertitude. Si, en effet, on se borne à considérer l'exploitation des meilleures ressources hydrauliques sous l'angle des kwh produits au meilleur marché possible (donc sans régularisation), on retombe sur la nécessité de suréquiper les centrales thermiques, ce qui présente déjà en période normale des inconvénients. En cas de difficultés dans le ravitaillement en combustibles durant les périodes d'étiage, tout le système est gravement en défaut.
----------L'opportunité vitale d'une tranche régularisée raisonnable de production hydraulique en Algérie résiste donc à tous les argurpents contraires...
----------Le programme de 1944 prévoyait en première étape :
--------------------- L'aménagement de l'Oued Agrioun en régularisation semi-annuelle, pour une production de 110 mil-lions de kwh ;
--------------------- L'aménagement de l'Oued Djendjen en régularisation inter-annuelle, pour une production de 140 millions de kwh.
----------En deuxième étape devait prendre place l'aménagement de l'Oued bou Sllam en régularisation inter-annuelle, pour une production de 180 millions d e kwh.
----------Les réalisations dépassent notablement les prévisions primitives.
----------Le complexe de l'Oued Agrioun, mis le premier en chantier, fournira saris augmentation importante des investissements, 185.000.000 de kwh et la régularisation sera quasi inter-annuelle.

----------Dès l'été 1951, une puissance nominale non régularisée de 34.000 kW sera mise en production.
----------L'aménagement d'ensemble du Djendjen est moins simple et ne se fera pas en une fois. La tranche dù Djendjen supérieur, d'après les études et les données des chantiers de reconnaissance, va être mise sous peu en exécution. On espère également y dépasser les prévisions primitives et y atteindre une production, avec régularisation inter-annuelle, d'au moins 200 millions de kw-h.
----------Les immenses possibilités de la technique de report par galeries entre bassins et vallées expliquent que, pour ménager l'avenir, les études sont faites sur un ensemble de bassins juxtaposés, l'exécution progressive étant conduite en fonction des possibilités e t dans l'ordre le plus rationnel possible.

Vue à partir de l'aval de l'emplacement du barrage
Vue à partir de l'aval de l'emplacement du barrage de régularisation de l'lril Emda (Bassin de l'Oued Agrioun). L'état des travaux, très accessoirement donné pa r cette photographie, correspond au début de 1951.
Portique d'arrêt d'une n°127 de la grande ligne d'interconnexion
Portique d'arrêt d'une n°127 de la grande ligne d'interconnexion algérienne d 150.000 volts entre l'Arba et Dra-el-Mizan. On réalise sur ces pylones l'opération dite " brassage des phases du terne" afin de réduire les effets de la self-induction sur les lignes de télécommunications.

----------Pour l'Oued bou Sellam, dont le vaste bassin se situe au sud-ouest de Bougie, l'exploitation de ses possibilités considérables doit évidemment être reportée à une étape ultérieure.
----------Quoi qu'il en soit, l'ensemble Agrioun-Djendjen supérieur interviendra en fin de première étape 'pour une production régularisée très importante de l'ordre de 400 millions de kwh annuels.
----------Les travaux en cours du complexe de l'Oued Agrioun et ceux en préparation du Djendjen supérieur dépassent de beaucoup le cadre des équipements hydrauliques jusqu'à présent réalisés en Algérie. Il con-viendra pour en apprécier l'ampleur d'y revenir spécialement.
----------A propos de la cité définitive de Mansouriah, déjà construite pour le personnel final d'exploitation du Djendjen, ii y a lieu de signaler le sens remarquable de planification dont elle témoigne.
----------Il est en effet extrêmement intéressant de profiter des travaux préparatoires de tels vastes chan-tiers, généralement incompressibles dans le temps, pour construire les logements définitifs du personnel d'exploitation future. Ces constructions allègent les cités provisoires durant les travaux et, dès la mise en service, le personnel final réduit est installé à pied d'oeuvre, sans flottement ni incertitude matérielle durant la période de rodage qui est toujours assez délicate.
----------De plus, les circonstances actuelles font que ces constructions, sans nuire en aucune façon au rythme de mise en route des travaux d'aménagement dépendant d'autres facteurs, reviennent meilleur marché que si elles étaient réalisées ultérieurement.

----------LE TRANSPORT ET L'INTERCONNEXION.
----------Tout ce 'qui précède n'a pu que confirmer le lecteur dans la nécessité complémentaire d'articuler tout ce vaste ensemble par des moyens puissants de transport à longue distance et d'interconnexion.
----------La tension choisie de 150 kilovolts est parfaitement maniable dans l'état actuel de la technique. Le doublement ou même le triplement de certains tronçons est une question d'avenir. Pou:- l'instant, et comme on ne peut faire tout à la fois, on se contentera d'une artère unique. Les caractéristiques de cet équipement ne peuvent être décrites ici, en l'état actuel des choses.
----------Signalons seulement que, d'Ouest en Est, l'interconnexion de rocade comportera les postes principaux de :
-----------Saint-Lucien (Oran),
-----------Relizane ;
-----------L'Arba (point de branchement du complexe algerois) ;
-----------Darguinah (Plateforme de l'Ahrzerouftis), véritable plaque tournante de la production de Petite Kabylie ;
Duzerville (Bône) ( Au moment de la parution de ce texte tout le tronçon Alger-Bône sera vraisemblablement sous tension de service depuis quelques jours).

----------
La production de la Grande Kabylie sera drainée à Aomar.

----------EN MATIERE DE CONCLUSION.
----------Au terme d'un exposé limité et dont nous mesurons l'insuffisance eu égard à l'importance exceptionnelle du sujet, essayons de résumer ce que pourra être, très grossièrement chiffrée, la production électrique algérienne durant les très prochaines années :

 
Millions de kwh annuels.
 
Année sèche
Année humide
Production thermique

450
350
Fil de l'eau (Cette production devrait, en toute rigueur, 'être réduite de quelques MKwh pour tenir compte de la suppression de la petite usine provisoire de l'Oued Agrioun.)
90
110
Irrigations
70
90
Hydraulique régularisée
350
410
Importation éventuelle et divers
50
50
total approximatif dans les deux cas : un milliard de kwh annuels

----------Si l'on compare les chiffres très grossiers de ce tableau à une extrapolation raisonnable de la courbe d'accroissement donnée au début de l'exposé (Dans le dépliant du ler fascicule.), on voit que toute mégalomanie, tout suréquipement sont exclus impitoyablement des programmes en cours. De telles suspicions, que l'on rencontre encore, sont d'ailleurs le fait d'esprits mal informés ou trop passionnés. Bien au contraire, il est aisé de se rendre compte que la deuxième tranche hydraulique régularisée devra 'être entreprise sans trop tarder, si l'on veut étaler l'avenir.
----------Certes, il sera utile après la période dite de 1952 et sans marquer d'arrêt notable dans la poursuite du programme, de faire un bilan exact des premiers résultats au regard de la situation économique ; mais seulement pour donner à la suite nécessaire le coup de pouce de retouche convenable. En aucun cas il ne peut s'agir de prendre une position statique car, s'il est facile d'être brillant dans l'expectative, la stagnation est toujours dangereuse.
----------Aussi bien que le mouvement se démontre en marchant, l'équilibre économique est avant tout un phénomène dynamique qui requiert le mouvement au premier chef.
----------Pour l'immédiat, il semble d'ailleurs - c'est en tout cas ma personnelle conviction - que le rythme des travaux actuels est un peu lent au regard de l'ensemble de la conjoncture.
----------Certes, on comprend l'inquiétude des financiers, sollicités de tous côtés, et parfois incertains quant à la hiérarchie des besoins. Ils ont à prendre en cela des responsabilités graves.
----------Les ingénieurs ont déjà pris les leurs, du point de vue de la conception et de l'exécution, sous impulsion de quelques animateurs énergiques et lucides, dans une oeuvre qui leur vaudra quelque louange des générations à venir.
----------Il me faut, en terminant, remplir l'agréable devoir de la gratitude envers la Direction Générale d'Electricité et Gaz d'Algérie, qui a comblé sans réticence les lacunes de ma documentation personnelle, dans une parfaite, compréhension du but d'information objective que je m'étais assigné.

Alger, Mai 1951.
JEAN-EUGÈNE FRANÇOIS
Ingénieur I.C.A.M.

Cliquer ici pour : Carte schématique à un certain stade de l'ensemble des études effectuées sur les bassins juxtaposés de l'Oued Agrioun - l'Oued Djendjen supérieur - 1` Oued' Kéhir supérieur et l'Oued Djendjen inférieur.
 
Cliquer ici pour : Carte schématique, à un certain stade, des études pour l'aménagement hydro-électrique de l'Oued Djendjen supérieur. Rappelons ici que les prévisions de production y atteignent actuellement 200 millions de kWh annuels. La galerie et l'usine d'utilisation sont tout à fait en dehors de la vallée naturelle et constituent un véritable court-circuit avec la mer. La cité Iittorale d'exploitation est celle de Mansouriah, dont nous donnons d'autre part une belle photographie.

courbes du prix
Courbes reprélentatives du prix actuel usine du kWh therrnique et du kWh hydraulique régularisé, en fonction du nombre d'heures d'utilisation annuelle.

--------- - Ces courbes, sensiblement hyperboliques, conservent leur valeur qualitative de comparaison, indépendamment des fluctuations économiques dont elles peuvent être affectées.
---------Rappelons que : la courbe thermique s'élève en cours d'amortissement par baisse du rendement et augm en-talion des réparations ; la courbe hydraulique est u ès stable en cours d'amortissement et s'abaisse notablement par la suite.
---------- L'examen de ces données économiques et techniques démontre que la pseudo-querelle des s"thermiciens " et des " hydrauliciens" est un produit dè l'imagination pure.
---------La répartition optima de la production entre les moyens thermiques et hydrauliques est un fait quasi ma-thématique qui dépend essentiellement du nombre d'heures d'utilisation.
---------Dans la pratiqued'ailleurs, la relative rareté des ressources hydrauliques exploitables et les difficultés de leur équipement peuvent dans nos régions maintenir ie pourcentage de puissance hydraulique à un taux notablement inférieur à la valeur optima.


Cité définitive de Mansouriah, pour l'exploitation des aménagements de l'Oued Djendlen.
Cité définitive de Mansouriah, pour l'exploitation des aménagements de l'Oued Djendlen.

INDEX SOMMAIRE
de quelques références documentaires spéciales

P. CROSNIER. - Plan d'équipement électrique de l'Algérie pour les vingt prochaines années (1944).
UNION DES INGÉNIEURS ET TECHNICIENS FRANÇAIS.-- Energie, Métallurgie, Industries mécaniques (1944).
M. WECKEL. - L'équipement industriel de l'Algérie (1943) : Plaquette illustrée d'une conférence faite au Congrès de l'Industrie et du Commerce, et dont le texte a été également publié dans les " Documents Algériens ".
DOCUMENTS ALGÉRIENS :
----------L'électrification de l'Algérie (Série économique N" 3 - 15 janvier 1946).
----------L'usine hydro-électrique du Hamiz (Série économique N° 15 - 10 juin 1946).
----------L'aménagement hydro-électrique (provisoire) de l'Oued Agrioun (Série économique N° 25, 15 mai 1947).
TRAVAUX NORD-AFRICAINS. - Une étape de l'équipement énergétique de l'Algérie - Les Centrales Hydro-Electriques du Djurdjrua (J.E.F. 14 octobre 1948).
ELECTRICITÉ ET GAZ D'ALGÉRIE. - Plaquettes sur :
----------L'Usine Hydro-Electrique. de Souk-el-Djemaâ (Michelet) (mai 1949).
----------L'Usine Hydro-Electrique de Bou-Hanifia (septembre 1949).
----------L'aménagement hydro-électrique de l'Oued Agrioun (avril 1950 et avril 1951).
----------Film " Terre d'Algérie" en 35 et 16 m/m.

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