Francis Garnier

LES MINES ET PORT BREIRA

On peut lire aussi, sur ce site, le chapitre : la mine de Beni Hakil à l'embarcadère - Beni Hakil et le téléphérique

Texte : Huguette Cohet - Envoi : Geneviève Bortolotti - Troncy

mise sur site le 20-11-2011

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LES MINES ET PORT BREIRA

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Carte des mines de l'ouest algérois
Avec l'autorisation de l'I.G.N.
Carte des mines de l'ouest algérois

Dès le début de la présence française, des recherches minières étaient entreprises dans toute l'Algérie. C'est ainsi que notamment, les gisements miniers de Béni Akil et de Breïra avaient été découverts dans les montagnes au dessus de la baie de Beni Haoua. Cette dernière vit donc naître, le port d'embarquement minier de Port Breira, terminal d'un téléphérique qui acheminait le minerai de fer depuis la montagne jusqu'à l'installation de chargement construite sur l'ilot Sidi Djilani, et le village qui prit le nom de Francis Garnier.

Pour les anciens, Francis Garnier c'était à la fois " le village " et " la mine ", dont les vies furent harmonieusement liées.

Au travers de quelques archives trop rares, sans continuité dans le temps et particulièrement techniques pour une novice, nous allons donc tenter d'ajouter à l'histoire de Francis Garnier quelques éléments de l'histoire de ces mines qui faisaient partie, comme celles de Rouina, Miliana et Philippeville-El Halia, de la Société des Mines de fer de Miliana.

Les premières mines exploitées en Algérie

Gaston Bétier, chef du Service des Mines en Algérie décrit ainsi les débuts de l'industrie minière en Algérie :
"L'absence, en Afrique du Nord de gisements houillers importants et le fait que les importateurs de charbon trouvent dans le minerai de fer un fret de retour intéressant, ont orienté immédiatement les exploitants vers l'exportation ;
Les gîtes situés au voisinage de la côte furent les premiers mis en valeur ; puis, au fur et à mesure de l'extension et de l'amélioration du réseau ferré, le pays fut mieux étudié et l'équipement des gîtes de l'intérieur put être envisagé et réalisé. On doit observer, d'ailleurs, que la reconnaissance des masses minérales de quelque importance a partiellement déterminé les directives d'une politique ferroviaire qui parfois fit abstraction des réalités géographiques./.../ Un grand nombre de petites exploitations, bien que situées à proximité de la côte, ne se sont développées qu'à partir de 1909, grâce à l'emploi du chargeur à ruban, qui rend facile et rapide la mise à bord des produits sur rade foraine. Parallèlement, l'amélioration de la technique des transporteurs aériens et des appareils sur le carreau et dans les ports, entrainant la diminution du coût des manipulations diverses, a permis utilisation progressive de quelques gisements difficilement accessibles.
"

La situation géographique des premières mines en Algérie est particulièrement bien illustrée par la carte schématique des mines de l'ouest algérois .




Carte des mines de l'ouest algérois

Essai d'historique des mines de Béni Haoua

Il a été impossible de trouver le nom des découvreurs de ces mines, ni de ses propriétaires.

Les débuts furent assez chaotiques. Le décret de concession des mines de Béni-A kil, suite à la demande adressée le 6 novembre1858, date du 11 mai 1861. Il porte sur des mines de "cuivre, plomb, argent et autres métaux associés dans les mêmes gîtes " conformément à la demande de concession. " Au moment où sortait le décret de concession, une usine de calcination (usine à mattes) venait d'être achevée et avait absorbé les derniers fonds disponibles, mais son insuccès fut complet ; elle ne servit qu'à créer, par sa haute cheminée, un jalon pour les explorateurs-de Beni-Aquil.

Station du Cable et Fours de calcination.

Station du Cable et Fours de calcination. (avec l'autorisation de Bertrand Bouret)
http://www.profburp.com/bfk/gal/?img=4025&search=Mines

Lors donc que tout semblait annoncer que l'exploitation des mines des Beni-Aquil allait prendre un essor considérable, elle s'arrêta tout à coup : la valeur et la puissance du minerai avaient été nettement mises en évidence, mais les moyens sur lesquels on comptait pour le traitement à lui faire subir sur place faisaient subitement défaut, les concessionnaires ( ? ) étaient dans l'impossibilité d'en créer d'autres et il était impossible, avec les moyens de transport dont on disposait alors, de songer à une exportation pure et simple du minerai. " Extrait de : Notes sur les mines de béni-Aquil par Henri FRONTAULT 1882. Gallica

C'est seulement en 1872 que les gisements ferrugineux sont recherchés, en souterrain et non plus à ciel ouvert, mais les cours du fer baissant, ces recherches sont abandonnées pour n'être reprises qu'en 1882. N'ayant trouvé aucun document entre 1882 et 1910, nous en sommes réduits aux hypothèses. Seule la biographie de François BARONI ( voir sur ce site :
François Baroni, un scaphandrier en Algérie de 1890 à 1949 par Roger Baroni) nous donne un indice : "… en août 1900, le scaphandrier François BARONI, alors âgé de 18 ans, a obtenu son premier "certificat de satisfaction" de la Société Anonyme des Mines de Fer de Rouïna (mines de Breïra) pour avoir effectué des travaux de repêchage et de mouillage de corps-mort en rade foraine." (2) Pure hypothèse donc : il semblerait qu'avant 1900, une partie du minerai extrait soit restée sur le carreau de la mine et qu'une autre partie ait été transportée jusqu'à Port Breira (à dos de mulets ?) et chargée sur des minéraliers, en "rade foraine". Les navires amarrés à la côte et à des bouées (corps-morts) n'étaient à l'abri ni du vent, ni des lames.

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la notice des mines de fer de Rouïna, Breïra et de Béni Akil

Notice des mines de fer de Rouïna, Breïra et de Béni Akil

Sur la notice des mines de fer de Rouïna, Breïra et de Béni Akil, notice qui semble avoir été éditée fin 1910 ou 1911, on trouve un peu plus de renseignements :

"… / en août 1910, la société de Rouïna (Siège social à Bruxelles) acquiert un nouveau domaine minier très important à Béni- Haoua, commune de Ténès. (voir sur la BNF Le progrès d'Orléansville du 4 Août 1910)
Ce domaine nouveau comprend la minière de Breira, de 43 hectares, en propriété, et la concession de Beni-Akil
pour les minerais de cuivre, plomb, argent et autres: métaux associés sur 4.477 hectares./…/ Les travaux d'installation sont poussés, ces mines sont déjà reliées à la mer par un cable aérien, et le minerai peut être directement chargé sur bateau à l'aide d'appareils d'embarquements spéciaux
." ( 3.Notice sur les mines de fer de Rouïna, Breïra et de Béni Akil (vers 1911))

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Profil du chemin de fer aérien depuis la mine jusqu'au débarcadère

Profil du chemin de fer aérien depuis la mine jusqu'au débarcadère



Leur exploitation durera jusqu'en 1962, avec un simple ralentissement pendant la guerre de 1939 - 1945.

Quelques directeurs de ces mines

- Mr DUCOLLET en fut le directeur jusqu'en 1929, année où il prit la direction de la mine de Rouïna.
Selon Mme Solange PERRE, " Son beau père, M.DANIEL était médecin et soignait avec compétence toute la population "

- Puis ce fut Mr André SALZE, Ingénieur des Mines, qui après une carrière déjà assez longue dans différentes mines d'Algérie prit possession de son poste à Breira dans le courant du premier trimestre de 1930.

- Ensuite Mr OLANIER fut directeur des mines de Breïra (Précision apportée par Mr Bachir MOKRANE, fils de Mr MOKRANE, comptable des mines jusqu'à son décès en janvier 1961)

En 1923, la société des Mines de Rouïna avait pris le contrôle des Mines de Fer de Miliana .(voir sur ce site : Miliana)

Cette nouvelle société s'appella désormais Société des Mines de fer de Miliana avec 5 mines en exploitation. Son siège était à Paris, siège social et direction générale à Francis Garnier. Mr André SALZE en fut le directeur général jusqu'en 1953.


Le personnel de la mine vers 1930. (photo A.Salze)


- Enfin, c'est Mr Pierre ROUMESTAN, venant des mines d'El Halia, qui en fut le dernier directeur à partir de 1954 et jusqu'à la fermeture des mines.
- 30.11.1961 - Fermeture définitive des mines. - (Date précise donnée par Mr Bachir MOKRANE)

l'ultime chargement (3000 tonnes) de minerai extrait des Mines de Breïra sur le "François Le Brise".
Document historique :
l'ultime chargement (3000 tonnes) de minerai extrait des Mines de Breïra sur le "François Le Brise". Dernier minéralier ayant chargé à Port Breïra le 6 octobre 1961
(Photo de Mr Bachir MOKRANE)
François le Brise 2, Vraquier minéralier - propr. : SNC et Cie Le Brise.

Anecdotes

       - En mars 1930, Le XIVème Congrès de la Société de L'industrie Minérale a eu lieu en Afrique du Nord.

Le 15 mars les congressistes vinrent étudier la station d'embarquement de Port Breïra. Ils furent très intéressés par le cable aérien (35 tonnes/heure), la trémie de stockage de 10.000 tonnes, et la toile transporteuse montée sur un bras avancant au-dessus de la mer, permettant de charger un bateau à raison de 650 tonnes/heure. ( Il fallait profiter des accalmies de la mer.)
Un vin d'honneur leur a été offert par le directeur de la station de Breîra.
Les mines de Rouïna ont fait l'objet d'une visite spéciale, le lundi 17 mars. (4.Gallica.bnf.fr Revue de l'Industrie Minérale du 15.08.1930. )

       - En mars 1955 Record du monde de vitesse sur rails.

Les 28 et 29 mars 1955 sont deux dates qui resteront célèbres dans les Annales de l'Histoire des Chemins de Fer, jours de ce record du monde : 331 km/h, sur une ligne droite des Landes entre Lamothe et Morcenx.

Mme Denise ROUMESTAN, épouse du dernier directeur de Breïra, a confirmé que son époux disait avec fierté que les roues de la locomotive électrique française détentrice du record de vitesse sur rails, la BB 9004, et aussi la CC 7107, avaient été coulées avec de l'acier provenant du minerai extrait à Breïra, minerai sélectionné pour sa richesse en fer et sa pureté remarquable.

Roues de la mythique BB 9004
Roues de la mythique BB 9004 fabriquée au Creusot
Les bogies des machines et des 3 voitures avaient été équipées de roues monobloc " de 1,25 m de diamètre - sans bandage - et parfaitement équilibrées dynamiquement

En 1981, soit 26 ans plus tard, ce record fut battu de seulement 50 km/h par le TGV.

       - Et aussi 1887 - 1889. Construction de La Tour EIFFEL.

A sa construction, elle culminait à 309,63 m..
- 2010 :" On célèbre, cette année , les 121 années de la Tour Eiffel. Le fer, utilisé pour sa principale ossature, a été fabriqué en Lorraine, à partir de minerai venant d'Algérie, des mines du Zaccar (Miliana) et de Rouina.
Gustave EIFFEL a remercié les mineurs en offrant une horloge à l'école du village de Carnot./... .../ Rouina était l'une des premières mines découvertes en Algérie par les Français. Ses habitants racontent avec fierté que Gustave EIFFEL fût ébloui par la pureté de son fer, et la grande teneur de son acier..
" Mme Nicole MARQUET (5.-Texte écrit par Mme Nicole MARQUET )

       et L'Horloge de Carnot.

Le village de Carnot (voir ce village, sur ce site.)a connu, de tous temps et régulièrement, des tremblements de terre plus ou moins dévastateurs, mais " La tour de l'horloge, située dans l'enceinte de l'école résista malgré sa hauteur, à toutes les secousses. Cela grâce à son ossature métallique. En 1962, elle était encore là, témoin de l'histoire du village." (6 Edgar SCOTTI dans l'Algérianiste n°125 de mars 2009)


Le nouveau groupe scolaire et l'horloge de Carnot
Le nouveau groupe scolaire et l'horloge de Carnot

Remarque

Cette courte étude est une occasion de rappeler que le sous-sol de la région de Béni-Haoua ne recelait pas que des minerais, mais également des vestiges d'antiquités romaines sur lesquels il serait intéressant d'avoir de plus amples renseignements que les rares indices suivants :

       - En juillet 1910, la Société Anonyme des Mines de Fer de Rouïna a acheté une propriété d'environ 43 hectares appelée " La Caverne du Gîte des Romains ", propriété d'un seul tenant située douar Béni-Haoua.
( Le progrès d'Orléansville du 4.08.1910 )

      - Il a aussi été trouvé une colonne, des quantités de tuiles, une belle mosaïque et aussi une monnaie, romaines, dans le village et aux alentours.

Conclusion

Ces mines ont employé une main d'œuvre importante, européenne et indigène, et fait vivre un grand nombre d'habitants de la région. Leur production était appréciée et exportée vers l'Angleterre, les Pays-Bas, l'Allemagne, la France et d'autres pays.

Cette esquisse d'historique, peut-être un peu aride, voudrait être un hommage aux pionniers. Car combien d'entre nous, habitués à voir circuler ces wagonnets et à voir périodiquement cet énorme bras sortir du rocher pour déverser à grand fracas le minerai dans les cales d'un navire, étaient conscients de tout ce que cela impliquait de la part de ceux qui avaient construit et qui exploitaient et entretenaient ces installations.
Comment oublier les hommes auxquels nous devons tout cela ?

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Sources :
(1) Gaston BETIER dans " Les MINES et les CARRIERES " (Extrait du volume Algérie et Sahara) Encyclopédie
Coloniale et Maritime (vers 1945). G. BETIER était Inspecteur général des Mines, Chef du service des Mines et de la Carte géologique de l'Algérie.
(2) Roger BARONI dans L'algérianiste n°114 de Juin 2006.
(3) Notice sur les mines de fer de Rouïna, Breïra et de Béni Akil (vers 1911)
(4) Gallica.bnf.fr Revue de l'Industrie Minérale du 15.08.1930.
(5) Texte écrit par Mme Nicole MARQUET
(6) + Edgar SCOTTI dans l'Algérianiste n°125 de mars 2009
(7) http://www.profburp.com/bfk/gal/?img=4025&search=Mines