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Chapitre 1
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TOUT L'INCONNU DE LA CASBAH D'ALGER
- Lucienne Favre -
Illustrations de Charles Brouty

CHAPITRE 1
pages 7 à 11
1 illustration

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mise sur site : février 2013

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DU MÊME AUTEUR
- " DIMITRI ET LA MORT "
- BAB-EL-OUED " (Huit voix pour le prix Fémina)
- L'HOMME DERRIÈRE LE MUR " (Prix Corrard de la Société des Gens de Lettres).
- LA NOCE "
- ORIENTALE 1930 " (Grand Prix littéraire de l'Algérie ).

EN PRÉPARATION
- JOURNAL D'UNE FEMME SINCÈRE " CC RUE DES TROIS COULEURS "
- " CORRUPTION "

THEATRE
- LA FARCE DES SOIXANTE PERLES ET DES TRENTE-SIX BADAUDS "
- " FROSPER " Spectacle en trois parties et quinze tableaux reçu par Gaston Baty pour le théâtre Montparnasse.

A FRANCIS CARCO



Il a été tiré de cet ouvrage :

350 exemplaires sur Pur fil Lafuma numérotés de I à 350, comportant un dessin original de Charles Brouty
650 exemplaires sur Hollande, numérotés de 351 à 1000.
et 20 exemplaires sur pur fil Lafuma hors commerce, numérotés H. C. I à XX.
Ces 1020 exemplaires constituent l'édition originale

Copyright 1933 by BACONNIER Frères, Editeurs à Alger
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation
strictement réservés pour tous pays

ERRA TA
Page 10, ligne 29. - Lire : la, vamp...
Page 36, ligne 6. - Lire : ... C'est dans ces atmosphères... Page 98, ligne 14. - Lire : ... l'intégralité des rues...
Page 115, ligne 7. - Lire : ... sont dispersées...
Page 153, lignes 22-23. - Lire : les plus soignées doivent coudoyer... Page 176, ligne 6. - Lire : ... c'est là qu'on prend...
Page 176, ligne 7. - Lire : ... aucune idée... ne vient...
Page 193, ligne 31. - Lire : surprenantes...

I

LE blason d'Alger possède trois attributs particulièrement dignes de classer cette ville à jamais dans la mémoire des voyageurs, dans le Gotha des pays : ce sont les pentes de Mustapha Supérieur, la Baie et la Casbah,

Mais alors que la rade et les coteaux apparaissent à tous indiscutablement précieux, il n'en va pas de même pour la Casbah et la plupart des autochtones seraient plutôt tentés de la considérer comme une tare que comme un joyau. Il est même imprudent, parfois, de parler chaleureusement des ressources de ce promontoire réputé avant tout sale et mal famé. Et il est entendu qu'il faut être un touriste ingénu ou un esprit pervers pour choisir la Casbah comme motif de divertissement pictural ou de vagabondage littéraire. C'est qu'on ne saurait être indifférent devant elle : on lui est hostile ou fervent.

Entre les hygiénistes qui parlent de la raser, de la flamber, de la massacrer en prenant des gueules féroces d'inquisiteurs et les poètes qui l'évoquent avec un autre parti pris lyrique, il n'est pas jusqu'ici de témoignage loyal et surtout complet qui ait été porté sur elle. Il semble donc qu'il y ait place pour une étude qui rassemble à la fois les éléments d'opprobre et ceux qui témoignent en sa faveur.

La Casbah d'Alger est un lieu atroce et magnifique ; rien de prudent, de tiède, de mesuré, de hâtif surtout ne saurait lui convenir. Elle demande qu'on ne se rebute pas au premier coup d'oeil, que l'on ne parle pas d'elle avec une légèreté coupable et la plupart de ceux qui osent la dénigrer et prétendent la connaître, ne possèdent d'elle qu'une idée

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fragmentaire, une vision limitée. Or, elle est si variable, qu'après l'avoir prospectée patiemment, on ne saurait l'évoquer sans quelque humilité encore.

C'est un tertre mouvant dont les apparences successives prêtent à l'erreur, un labyrinthe ou facilement les morales s'égarent. L'ordure et la chaux blanche, le bien et le mal, l'ombre et la lumière et les infinies combinaisons bâtardes qu'ils forment ensemble ne cessent d'y brouiller le regard.

C'est parfois un paradis et souvent un enfer selon que vers le crépuscule on la domine d'une terrasse particulièrement favorisée que balaie le vent du large et d'où le regard plonge sur l'ensemble des belvédères chargés de femmes grasses et multicolores, d'enfants joueurs ou que l'on parcoure certaines rues empuanties de toute l'ignominie des déjections humaines.

Il y a autant de " Casbah " que d'éclairages capricieux et que d'individus qui la contemplent sous un angle différent. Pour les médecins elle n'est qu'une vaste maladie, pour les plombiers un égout particulièrement sinueux et délabré, pour les sensuels un harem d'une variété stimulante, pour les dévots musulmans un centre mystique par la grâce des nombreuses mosquées et des marabouts illustres, pour les chats un centre inouï d'exploration d'ordures, pour les asthmatiques un tertre escarpé, pour les marchands de bière et d'anisette un débouché fructueux et pour les peintres une sorte de témoignage permanent de l'infini pouvoir de la lumière.

Pour que l'on s'accorde aussi mal sur une ville, pour qu'elle offre des possibilités d'interprétation si différentes, il faut qu'elle soit extrêmement riche en contrastes, en moyens de renouvellement vivant. On ne se met rapidement d'accord que sur les individus inertes et les plates contrées. La Casbah est méconnue comme tout ce qui est complexe, comme tout ce qui a du caractère. Enfin, dans un temps placé sous le signe de l'image, on peut dire qu'elle est le vamp de l'Afrique du Nord. Elle présente une sorte de charme capricieux, féminin qui n'a rien à voir avec la parfaite structure des traits ou la réussite absolue du galbe. Elle est mal bâtie, elle est mal tenue, elle n'est pas toujours aimable. Oui mais quel sex-appeal ! Il suffit soudain d'une touche lumineuse sur son visage, d'un chant éclatant dans sa gorge, d'un lambeau d'étoffe traînant sur sa hanche pour que les passants en deviennent fous. Ils seront alors capables de subir, autant qu'il le faudra, ses mauvais jours maussades, sales et froids, d'attendre que revienne frémir sur sa face cette lueur divine qui l'apparente à ce qu'il y a de plus beau et surtout de plus vibrant sous le ciel...

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Car de cette ville en apparence passive dans laquelle on rencontre rarement quelqu'un qui coure ou seulement qui se hâte, se dégage cependant un dynamisme prodigieux qui donne le branle à une variété inouïe d'images naïves, de personnages retors, d'histoires romancées, de faits divers réalistes, de poèmes purement orientaux ou atrocement crapuleux.

Il n'y a pas une Casbah, il y en a cent, il y en a mille. La variété de ses moyens de séduction, son pouvoir de métamorphose sont infinis.

C'est pourquoi il convient, avant d'en donner une version synthétique, de présenter un à un les éléments essentiels qui la composent. De la parcourir en la fractionnant avant d'en fournir une vue panoramique.