le bardo, couverture
134X199 - 137 pages - 42 illustrations -

le Bardo
musée d'ethnographie et de préhistoire d'Alger

------------Cette plaquette éditée sur l'ordre de M.le Ministre M.-E. NAEGELEN, Gouverneur Général de l'Algérie, par la Direction de l'Intérieur et des Beaux-Arts, du Gouvernement Général, a été tirée, en mai 1949, sur les presses de L'Imprimerie Officielle , 7 et 9 rue Trollier, à Alger.
plaquette

mise sur site le 5-11-2006
 
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pages 7-11 avant-propos
pages 3-14 Le passé du Bardo
pages 15 à 17 Une villa barbaresque
pages 19 à 25 Le musée d'ethnographie urbaine
pages 27 à 43 La préhistoire
pages 45 à 47 Laboratoire, centre de recherches
planches de 1 à 6 Dossier PDF de 200 ko
planches 7 à 42 à venir !!!
   
  plan salle préhistoire

PREFACE

Sous le nom de Sciences anthropologiques, on désigne actuellement trois disciplines dont l'avènement ne remonte qu'au milieu du siècle dernier, et qui ont pour but commun l'étude de l'Homme dans son évolution et dans celle de ses civilisations.

C'est d'abord l'Anthropologie, qui envisage l'Homme en lui-même, tant les races de nos jours que celles qui vivaient autrefois et ne nous sont plus connues que par leurs restes fossiles.

C'est ensuite l'Ethnographie, qui s'occupe des caractères culturels des groupes humains, c'est-à-dire des civilisations : celles des peuples primitifs que l'histoire laisse de côté et celles des peuples évolués dont l'analyse laisse sou-vent reconnaître la persistance de maint élément archaïque.

C'est enfin la Préhistoire, science des Hommes d'avant l'histoire, qui ne se révèlent à nous que par les rares vestiges qui ont résisté à l'usure des siècles.

En Afrique du Nord, ces trois sciences prennent un intérêt particulier. Séparés de l'Europe par la Méditerranée, du reste du continent africain par l'immensité du Sahara, les habitants de cette région ont eu jusqu'à un certain point un développement autonome. Mais leur isolement n'était pas absolu : dès l'époque de la Pierre polie, l'Homme a sillonné la Méditerranée ; peu auparavant, à l'époque mésolithique, et à plusieurs reprises durant l'âge de la Pierre taillée qui l'a précédée, le désert saharien avait fait place à une contrée fertile où circulaient des hordes de chasseurs et, plus tard, des pasteurs. L'Afrique septentrionale a ainsi recru des apports du Nord et du Sud, tandis que par l'Est, le long de la zone côtière, elle était en relation avec le delta égyptien et, par l'intermédiaire de celui-ci, avec l'Asie.

Ainsi se sont développés les traits qui donnent à la préhistoire, à l'anthropologie et à l'ethnographie de l'Algérie ses caractères particuliers. Nous savons maintenant que, pendant une durée qu'il n'est pas exagéré d'évaluer à 3 ou 400.000 ans, ce pays a vu prospérer ces premières civilisations paléolithiques, Chelléen, Acheuléen et Moustérien, que l'on retrouve dans une partie de l'Europe, au Sahara et en Afrique orientale. La faune était alors différente de celle d'aujourd'hui. Le climat aussi n'était pas le même. L'Homme de ces périodes ne nous est pas encore connu, mais les trouvailles faites au Maroc nous apprennent qu'ail Moustérien, tout au moins, il était représenté par un type extraordinairement primitif, l'Homo Neanderthalensis, dont l'équivalent se retrouve en Europe.

Après le Moustérien, l'âge de la Pierre en Algérie prend un caractère spécial. Plusieurs civilisations se succèdent, Atérien, Capsien, Ibéro-maurusien, qui n'ont plus de rapport avec celles de l'Europe, tandis qu'elles ont leur parallèle en Afrique orientale et méridionale. A l'Homme de Néanderthal se substitue une nouvelle race, venue sans doute du Proche-Orient et parente des Cro-Magnon d'Europe occidentale, mais beaucoup plus brutale d'aspect, la race de Mechta, dont les grottes et les escargotières du département de Constantine ont livré de nombreux spécimens. Cette race a disparu à son tour, mais à l'Est, elle avait envahi le Maroc et occupé les îles Canaries où les Guanches, que les Espagnols combattirent au XVIe siècle, en ont été sans doute les derniers survivants.

Avec l'âge de la Pierre polie, on voit apparaître les Hommes modernes, auteurs de gravures et de peintures sur rochers qui, de l'Algérie méridionale, débordent sur une grande partie du Sahara alors largement habité, Hoggar, Fezzan, Tassili, Tagant, et nous apportent de précieux renseignements sur les meurs et le genre de vie de leurs auteurs. Tous ces Hommes venaient probablement de l'Est ; ce sont les ancêtres directs des Méditerranéens, la race de base de la population actuelle. II n'est pas sans intérêt de noter que les recherches anthropologiques ont montré qu'à côté de cette race, deux autres contribuent essentiellement à former cette population : la race alpine et la race nordi-que. Avec des proportions différentes, ce sont les trois mêmes types que l'on rencontre en Europe occidentale. Nord-Africains et Français sont beaucoup moins distincts anthropologiquement, qu'on aurait pu le supposer.

Toutes ces données ne se sont que progressivement dégagées de l'ignorance totale où nous étions encore à ce su jet au début de ce siècle. Ce sont les recherches et la persévérance admirables de nombreux préhistoriens, en tout première ligne desquels il faut citer M. Reygasse, les recherches aussi de divers anthropologistes, en particulier MM. Bertholon et Chantre, qui ont permis d'édifier une histoire nord-africaine qui n'est plus celle de tel ou tel peuple, ou de telle ou telle nation mais, dans un sens autrement plus large, celle de l'Homme. C'est à cette histoire qu'est consacré le Musée du Bardo. Les remarquables collections archéologiques, qui y sont réunies, révèlent le développement des civilisations humaines en Algérie et au Sahara pendant l'immense espace de temps qui s'est écoulé entre l'arrivée des premières populations préhistoriques dans ces territoires et l'aube des périodes historiques. Des collections anthropologiques encore en formation, mais dont il faut espérer qu'elles pourront elles aussi être un jour présentées au public, montrent la succession des races dans ces mêmes contrées.

Mais cet ensemble serait incomplet si les civilisations actuelles étaient laissées de côté ; elles aussi sont envisagées. L'ethnographie des populations urbaines avec tous les détails de leur vie journalière est l'objet de remarquables reconstitutions, tandis qu'une place spéciale est réservée aux grands nomades sahariens :Touareg Hoggar en particulier, dont les éléments culturels les plus caractéristiques en sont présentés avec autant d'art que de science. Grâce à ces séries dont MM. G. Marais et M. Reygasse ont été les infatigables collecteurs, ces civilisations, si proches de nous mais déjà en voie de désagrégation rapide, nous apparaissent dans tous leurs traits essentiels.

Ainsi conçu, le Musée du Bardo, magnifique création du Gouvernement Général de l'Algérie, est une réalisation dont on ne saurait trop souligner la valeur. Dans aucune autre contrée de l'Afrique, on ne rencontre un tel ensemble, exposition systématique de l'évolution des cultures et des Hommes, des temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Les collections préhistoriques de ce Musée, ses séries de gravures et peintures rupestres sahariennes, certaines de ses séries ethnographiques, sont des documents uniques. De France et de l'étranger les spécialistes viennent les consulter. Mais, pour l'Algérie, le Bardo est mieux encore que cela : c'est le livre qui montre comment, sur ce coin de terre africaine, lentement et péniblement, durant des siècles et des siècles, l'Homme est parvenu à se dégager de l'emprise de la Nature et à créer des civilisations qu'il n'a cessé, qu'il ne cesse de perfectionner.

H. V. VALLOIS.
Directeur de l'Institut
de Paléontologie Humaine de Paris

LE PASSE DU BARDO

Sur le passé de cette belle villa algéroise, sur l'homme de goût qui la bâtit vraisemblablement au XVIIIe siècle et sur ses premiers occupants, nos renseignements demeurent imprécis. Le nom de Bardo qu'elle porte, déformation probable du " Prado " espagnol, nous fait penser au somptueux palais que les sultans Hafcides possédaient dès le XVe siècle dans la banlieue de Tunis. Telle est peut être l'origine de la tradition qui concerne notre villa. Elle l'attribue comme résidence à un doble tunisien exilé, que nous identifions volontiers avec l'énigmatique prince Omar ( Ou Mustapha ben Omar, d'après la légende d'un dessin du Capitaine Longuemare, daté de 1832 et représentant le " divan ", salle ouverte de la cour.) mentionné par Henri Klein dans ses Feuillets d'El-Djezaïr.

Acquis après 1830 par le général Exelmans, le Bardo fit' retour en des mains musulmanes, celles de Ali Bey, agha de Biskra. Celui-ci la revendit à un français, M. Joret, qui l'accommoda à ses besoins, l'agrémenta de plantations et ajouta notablement à la parure de ses salles et de ses cours. Ce propriétaire était fort riche : il adjoignit à la partie basse de vastes communs, écuries et remises, qui, à la faveur de larges passages taillés dans les murs et de plafonds vitrés, purent abriter les collections de préhistoire. Par sur
croît, ce propriétaire était artiste et passionné de musique : le grand salon, où Camille Saint-Saëns se fit entendre, est devenu la salle du Sahara et du Hoggar. Ces adjonctions laissaient au reste intacte la partie proprement musulmane de la villa. Celle-ci se présente comme un type heureusement conservé de ces maisons des champs, où les citadins de la ville barbaresque aimaient à se reposer avec leur famille durant les mois d'été.

UNE VILLA BARBARESQUE

Au bout d'une voûte de grands arbres, la demeure blanche apparaît, avec les cubes étagés de ses murs et de ses terrasses. Un escalier plaqué de faïences bleues accède au porche dont la porte massive, cloutée, verrouillée et bardée de fer, s'ouvre (PL. 1) ; et, passant sous la logette d'où un esclave de confiance surveillait les allées et venues des étrangers comme des gens de la maison, on débouche dans la cour pavée de marbre.

L'eau chante au-dessus d'une vasque ; le grand rectangle d'un bassin reflète les architectures et les bouquets de palmes ; un cyprès élève vers le ciel son obélisque sombre. (PL. 2 et 3).

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Portiques de la cour de marbre

Portiques de la cour de marbre

Trois galeries encadrent la cour lumineuse de leurs colonnades et de leurs arcs en fer à cheval. L'un de ces portiques surélevé s'enfonce et se rétrécit en mirador, qui domine les vergers et la campagne du Sahel (Pl. 4). On imagine sans peine le maître de maison recevant ses amis dans l'agréable pénombre de cette salle largement aérée et leur donnant le plaisir d''une collation et d'un concert.
Au bout d'une autre galerie, un pavillon fermé s'offre pour un repos plus discret.

Sous la troisième galerie s'ouvre une salle de réception. Dans un renfoncement (" Qbou ") creusé en face de la porte, des divans devaient accueillir les visiteurs.

Suivant l'usage, cette partie antérieure de la maison était en effet accessible aux étrangers. Elle servait aussi de passage, et des salles basses à usage domestique, celliers et cuisines, y prenaient jour. A l'opposé de l'entrée, un porche semblable au premier donnait accès au jardin potager. Dans l'une des chambres de service fut reconstitué - sans doute par le propriétaire européen du Bardo - un intérieur de café maure (G) pourvu ,de son foyer et de ses étagères.

Par une porte cintrée, on pénêtre dans l'habitation proprement dite. Du vestibule (" Sqifa ") orné de toute une collection de faïences, l'étranger admis à entrer gravissait un escalier étroit qui conduit au premier étage ou plutôt au rez-de-chaussée de la maison ; car la déclivité du terrain le met presque au niveau d'une seconde cour aujourd'hui rétrécie par l'aménagement de la rue qui longe le Bardo.

Une porte s'ouvre sur cette autre façade, elle donne entrée à un second vestibule couvert d'une coupole et à un couloir (PL. 5) en chicane conduisant au patio (A) qu'encadrent les chambres

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Le patio
Le patio

Cette cour intérieure est d'une ordonnance architecturale fort remarquable (PL. 6) ; mais qui n'est. d'ailleurs pas exceptionnelle dans les villas de la banlieue d'Alger. Les huit arcs sur colonnes de pierre qui en circonscrivent les quatre côtés - deux arcs sur chaque face - portent une grande coupole octogonale, qui en fait plutôt un hall qu'un patio semblable aux cours centrales des maisons de ville.

Les deux chambres à coucher (B.C.) qui le bordent en équerre diffèrent également de celles des demeures urbaines. Sans doute y retrouve-t-on la même proportion très large et peu profonde, que commande la portée réduite des poutres ; sans doute présentent-elles ce renfoncement médian, si caractéristique à Alger comme à Tunis ; mais nous sommes ici à la campagne ; l'indiscrétion des voisins n'est pas à craindre ; la vie du harem est moins secrète et plus libre ; on ne peut se refuser de jouir de la vue du domaine et de la clarté du ciel, celle-ci n étant plus assurée par le patio. Les fenêtres trouent largement le mur du fond, voire un des petits côtés.

Ajoutons que la maison présente d'autres commodités fort appréciables. Un escalier, montant de cet étage, conduit, en même temps qu'à des chambres hautes, à un hammam privé, ce bain de vapeur étant l'accessoire traditionnel des riches intérieurs algérois. La petite salle carrée à demi obscure est couverte d'une coupole qui conserve la chaleur. Le foyer placé au dessous, qui en chauffe le réservoir et le pavage, sert aussi de four pour cuire le pain.

LE MUSÉE D'ETHNOGRAPHIE URBAINE

Tel est le cadre de la section d'ethnographie urbaine. Il présentait par lui-même une caractère local trop marqué et une valeur d'art trop réelle pour qu'on ne s'efforçât de les conserver, tout au moins de ne pas en compromettre le charme par un aménagement trop rigoureusement didactique des collections.

La plus belle chambre (B) donnant sur le patio (A) a résolument été traitée comme une reconstitution d'intérieur algérois, tel qu'il pouvait en exister vers 1830, tel celui qu'avait pu voir Eugène Delacroix, qui nous en a laissé une admirable et très véridique image. On s'est librement inspiré de ce chef-d'oeuvre de la peinture française " Femmes d'Alger dans leur intérieur ".

Deux femmes de la riche bourgeoisie musulmane reçoivent une amie et devisent avec la visiteuse autour du café et des friandises qu'une négresse vient de servir (PL. 7).

Les maîtresses de maison sont habillées de la veste longue (ghlîla) largement decolletée sur la chemise (qmedja), qui passe par dessus le haut du pantalon (sarwâl), et de la foûta de soie nouée autour des reins. Elles sont coiffées du foulard (mharma) qu'agrémentent
le diadème ('açaba) et les épingles trembleuses (wardat). L'étrangère est vêtue du qaftan ; sur la tête elle porte la çarma, sorte de hennin métallique. L'habillement de la négresse consiste, outre la chemise, en une frimla, petit corsage serrant le haut du torse, et en une foûta de toile rayée.

Si les vieux vêtements authentiques - maintenant hélas, démodés -, que portent les mannequins du sculpteur Dideron, trahissent par leur coupe l'influence levantine, les étoffes sont pour la plupart d'importation européenne. Il en va de même du grand lit à colonnes, meuble italien en usage à Tunis et à Alger, des coffres sculptés également italiens, des soies et velours gênois ou lyonnais qui, assemblés, composent les haïtis, tentures murales, des brocarts qui couvrent les divans et les coussins, des glaces de Venise et des verreries de Bohême.

Quelques accessoires disséminés dans la chambre disent les travaux et les loisirs de la vie du harem. Un berceau somptueusement recouvert de damas bleu et or évoque les soins attentifs de la mère de famille. Un métier à broder est tendu, sur lequel traîne une vieille écharpe qui servira de modèle. Un narghilé de cristal - analogue à celui qui figure dans le tableau de Delacroix - se dresse dans l'embrasure d'une fenêtre. Aux barreaux d'une autre fenêtre, une cage se balance, un luth pend à l'étagère...

Absent de cette réunion féminine, le maître du logis n'est représenté que par son turban, qui coiffe une patère voisine du grand lit.

Dans le patio à coupole (A) sont exposés, outre un grand brasero de fabrication européenne, des fontaines et autres vases de cuivre, produits de la dinanderie algérienne ou tunisienne, des lanternes dont on se servait dans la ville barbaresque, des coffres et des étagères découpées dont les artisans locaux n'ont pas perdu la tradition.

La seconde chambre (C) est consacrée au costume et aux industries qui s'y rapportent.

Une grande vitrine groupe seize petits mannequins représentant les types les plus caractéristiques de vêtements en usage dans les trois départements algériens.

Ces documents ethnôgraphiques, établis grâce à la collaboration des ouvroirs ou écoles et de personnalités musulmanes des différents centres, sont d'autant plus précieux que les conditions nouvelles de la vie font rapidement évoluer les modes dont ils fixent le sou-venir (PL. 8 à 21).

Une série de photographies d'une femme d'Alger, permet d'étudier le haïk, la grande draperie si comparable au peplos antique, et elle montre les temps successifs de son ajustement.

Une seconde vitrine haute renferme deux grandes figures représentant, l'une la mariée de Tlemcen le jour de la noce, avec les tatouages 'et le costume rituel, l'autre la jeune épousée lors de la réception donnée sept jours après. Des robes musulmanes et juives d'un beau style archaïque, des vestes féminimes et des cor-sages précieusement brodés complètent la garniture de cette vitrine.

Un mannequin fait connaître le vieux costume que les bourgeois tlemceniens portaient encore il y a une quinzaine d'années : le qabboût, veste courte à capuchon en grosse étoffe brune agrémentée de motifs de couleurs, la veste de toile bleue, la ceinture de laine et le pantalon de toile grenat. De même origine, une jellaba, grand manteau fermé à capuchon et à manches courtes voisine avec cette effigie du passé.

Dans une vitrine basse ont été réunis les différents types de chaussures, depuis les traditionnelles babouches sans quartier ni talon, qui ne couvrent que le bout du pied, jusqu'aux souliers brodés, dont la forme atteste l'intrusion des modes européennes. Des sandales de bois (gabgâb) en usage dans la maison et au hammâm sont présentées sur une étagère.

Faisant pendant à cet ensemble, une vitrine et une étagère semblables groupent divers types de coiffures : les chechia coniques que portaient naguère les femmes de Tlemcen et de Constantine ; les chechia tasse des jeunes filles, qui s'ornent parfois d'un motif décou pé et d'un gland d'or ; les chéchia hémisphériques des hommes et des enfants ; les beniqa, bonnets algérois en étoffe brodée et les koûfiya de Constantine et de Tunis, de forme analogue.

Le mdhel, grand chapeau en sparterie, dont les Arabes surmontent la large calotte du gannoûr, occupe le bas de la vitrine.

La çârma, cette étrange tiare métallique d'origine vraisemblablement syrienne, qu'Alger connût depuis la première moitié du XVIII0 siècle jusqu'au milieu" du XIXe, est représentée par divers échantillons et par un dessin qui en montre l'ajustement.

L'outillage des artisans du costume réuni dans cette salle, du fabricant de belgha (pantoufles de cuir), du brodeur sur cuir ou sur velours, de la brodeuse sur toile ou étamine, du passementier (notamment un métier archaïque de tissage aux cartons) fournira aux ethnographes des documents sur une activité industrielle périmée ou en voie de disparition.
Un placard contient quelques miroirs à main naguère en usage chez les coiffeurs.

La porte voisine donne entrée dans une petite salle (D) consacrée à la Tunisie.

Les costumes féminins y garnissent une vitrine haute. Autour d'un buste de femme de Mandiya sont disposés les vestes et les énormes pantalons lamés d'argent des Tunisiennes. Au sommet s'étend un de ces voiles de soie au centre noir et aux deux bouts tissés de jaune et rouge, travail des artisans de souche andalouse, dont les femmes de Tunis se couvraient la tête, il y ,a de cela quelques- années, et dont l'usage appartient .aujourd'hui au passé.

La fabrication des chechia est aussi une industrie apportée en Tunisie par les Musulmans chassés de la péninsule ibérique. Une grande vitrine plate réunit tout leur outillage, ainsi que des pièces en cours de fabrication, depuis le bonnet tricoté jusqu'à son dernier état après foulage, teinture et peignage. Les termes techniques uniquement empruntés à l'espagnol attestent l'origine du métier et de ceux qui le pratiquent encore (PL. 22).

La salle voûtée (E) qui donne sous un des portiques de la cour de marbre est consacrée à diverses activités masculines. Dans le renfoncement médian, c'est la vie guerrière : une panoplie groupe les longs fusils au bois incrusté d'argent et orné de corail, les pistolets et les sabres, les éperons et les ceintures à cartouchières. Une selle brodée se dresse accostée d'étendards.

La vie religieuse et intellectuelle ainsi que les rites populaires trouvent place à gauche. On y voit une de ces cathèdres où siègent les professeurs de mosquées. Au mur sont suspendus un drapeau de confrérie et des enluminures représentant le sanctuaire de la Mekke. Dans une vitrine sont exposés, outre un gros turban, coiffure authentique d'un mufti d'Alger, un beau manuscrit et des planchettes à Coran, des chapelets et des bougies, des boîtes à talismans et une tasse entièrement gravée de formules pieuses, dont l'effet bénéfique doit soulager les malades qui y boivent.
A droite, une seconde vitrine à deux étages contient une collection à peu près complète des instruments de musique nord-africains.

En bas, c'est la musique bédouine : le hautbois (gnaïta, zorna) et les flûtes de roseau (qoçba, zemmara), depuis la grande flûte à la voix grave jusqu'au chalumeau ; et ceux qui marquent le rythme : le gros tambour (tobal), les crotales de fer (qrâqeb), dont les nègres accompagnent leur danse, et le grand tambourin (gallal) creusé dans le bois, avec lequel les aèdes populaires scandent leur mélopée et récoltent les offrandes.

La partie supérieure renferme les instruments de l'orchestre citadin ; d'abord les plus vénérables : le gânoûn (cithare), le rbâb (rebec) à deux cordes avec son archet archaïque et le 'oûd, ancêtre du luth qui en gardait le nom, éléments sonores qu'ont générale-ment remplacés le violon européen, le piano, voire la guitare hawaïenne ; puis les instruments à percussion : les tambourins de poterie, la derbouka algérien-ne et la tarija du Maroc, le tambour de basque (târ) à plaques vibrantes et le tambourin carré (deff).

Bien que satisfaisant à des besoins apparemment moins nobles, la cuisine est un fait de civilisation que l'on ne saurait tenir pour négligeable et qui, lui aussi, intéresse l'ethnographie. Les ustensiles dont elle dispose sont réunis dans une petite chambre (F) contigüe à celle que nous quittons. Récipients pour le transport, la conservation et la cuisson des aliments y sont groupés, notamment le grand plat de bois (guessa'a), le fourneau de terre, la marmite et le vase au fond per-foré (keskes) utilisé pour la préparation du couscous, mets quasi-national des Nord-africains (PL. 23).

Enfin, on a reconstitué dans le cadre architectural préparé à cet effet, l'intérieur d'un café maure (G), qu'un peintre algérien a décoré de naïves enluminures (PL. 24). Le foyer est pourvu de son récipient où chauffe l'eau qui sera versée bouillante dans les cafetières individuelles ou les petites théières. Des tasses pour le café et des verres pour le thé s'alignent sur l'étagère, et les clients pourront savourer le breuvage choisi en jouant aux dominos, aux dames, au trictrac ou aux car-tes. Ces différents jeux trouvent naturellement place dans cette dernière salle consacrée .à l'ethnographie urbaine.

LA PREHISTOIRE

Huit grandes salles sont consacrées à la préhistoire . outillage lithique, oeuvres d'art, mobilier funéraire. Dans les diverses salles du Musée, les collections sont classées dans l'ordre chronologique. Le plan annexé, planche 43, précise d'autre part la disposition des salles et des vitrines. Enfin seules les pièces les plus caractéristiques actuellement exposées seront signalées, indépendamment de milliers d'autres classées dans les réserves et qui sont surtout destinées aux recherches scientifiques.

SALLE N° 1
consacrée à la technique, à l'historique
des découvertes et à la morphologie comparée


Cette salle est en cours de réorganisation et de modernisation. Elle sera consacrée à la technique, à l'historique des découvertes et à la morphologie comparée. Il y sera présenté des vitrines de moulages d'oeuvres d'art préhistoriques, de séries d'initiation telles que " Les pierres taillées ", " L'évolution générale des industries préhistoriques ", etc..., ainsi qu'une carte (au 1/1.200.000e) de la distribution des industries préhistoriques de l'Afrique du Nord et du Sahara jusqu'au Niger, établie par M. Reygasse.

SALLE N° II
Paléolithique ancien


Vitrine n° 1 : Collection César - Acheuléen - Sahara occidental.
n° 2 : Acheuléen - El Ma El Abiodh.
n° 3 : Paléolithique ancien de la région de Tébessa.
n° 4 : Acheuléen - El Ma El Abiodh.
n° 5 : Découvertes paléolithiques et néolithiques dans la région de Ouargla.
n° 6 : Industries paléolithiques et néolithiques relevées dans le Tidikelt.
n° 7 : Paléolithique inférieur de l'Oasis de Négrine (Sud Constantinois).
n° 8 : Paléolithique inférieur de S'baïkia (Sud Constantinois).
n° 9 : Paléolithique inférieur d'Aoulef Chorfa Tidikelt.
n° 10 : Paléolithique inférieur - Carrière de Si Abderrahmane - Casablanca.
: Paléolithique inférieur - Erg Tihodaïne.
n° 11-12 : Acheuléen - El Ma El Abiodh (planche 25).
n° 13 : Paléolithique inférieur - Erg Tihodaïne.
n° 14 : Paléolithique spécial de l'Oued Mahrouguet (Sud Constantinois).
n° 15 : Paléolithique ancien du Lac Karar.

NOTE. - Les objets et documents exposés proviennent des collections découvertes au cours des fouilles de MM. Ayme, Balout, Barbin, César, Flamand, Huguenot, Girod, Jean, Latapie, de St Martin, Mellis, Meunier, Neuville, Pallary, Reygasse, Roffo, Ruhlmann, Strahleim, Touchard.

 

L'examen des documents exposés dans cette salle, permet d'avoir une idée très précise de l'évolution du paléolithique inférieur dans l'Afrique du Nord.

Les stations paléolithiques relevées au Nord de l'Atlas donnent des formes absolument identiques à celles des niveaux classiques d'Europe.

Dans l'extrême Sud Saharien, au contraire, (fouilles César pour le Sahara Occidental, et Reygasse pour le Sahara Oriental), la présence de nombreux tranchets synchroniques des haches taillées doit être au contraire rapprochée des industries de l'Afrique du Sud.

Parmi les séries exposées, il en est une qui, par la splendeur des formes et la richesse des spécimens, mérite de retenir l'attention. Il s'agit de la technique acheuléenne d'El Ma El Abiodh (vitrines 2, 4, 11, 12).

SALLE N° III

Vitrine n° 1 : Paléolithique moyen d'Aoulef Chorfa.
n° 2 : Acheuléen - paléolithique moyen - Aïn-Fritissa (Maroc).: Atérien du puits des Chaâchas.
n° 3 : Atérien de l'Afrique du Nord.
n° 4 : Moustérien de Bir El Ater (planche 26)
n° : 5 Paléolithique inférieur et moyen de l'Afrique du Nord.
n° 6 : Paléolithique inférieur et moyen de l'Afrique du Nord.
n° 7 : Atérien de l'Oued Djebbana.
n°8 : Atérien de l'Oasis de Négrine (Sud Constantinois).
n° 9 : Techniques diverses du Tidikelt.
n° 10-11 : Techniques particulières de S'Baïkia (Sud Constantinois).
n° 12 : Moustérien de Bir El Ater. Moustérien de Hassaï El Boul.
n° 13 : Moustérien de Bir El Ater.
n° 14 : Atérien d'Oum El Tine (Tunisie). Atérien de l'Oued Djebbana. Atérien d'Aïn El Mansourah.
n° 15 : Atérien de l'Oued Djebbana (pl. 27).

Dans cette salle consacrée au paléolithique moyen, ont été réunis des éléments extrêmement riches provenant du Sud Constantinois et du Sahara Central.

L'examen de ces séries permet de constater qu'il a existé en Afrique du Nord une technique du paléolithique moyen absolument identique aux séries européennes : le moustérien classique.
(Voir en particulier le moustérien de Bir El Ater, vitrines 4, 12, 13 et le moustérien d'Hassaï El Boul - Sud Constantinois - Tébessa).

Dans cette même salle, a été également rassemblée une riche série de l'industrie du paléolithique moyen qui avait toujours été considérée à tort comme extrêmement récente, contemporaine de l'âge des métaux. Il a été donné à cette industrie le nom d'atérien. C'est à cette période que sont apparues pour la première
fois avec un outillage moustérien, les premières for-mes d'armes de jet, pointes de flèches pédonculées massives, outils divers présentant un pédoncule, grattoirs, lames simples et lames à dos, burins, qui offrent beau-coup d'analogie avec les formes du paléolithique supérieur.

Enfin, toujours dans la même salle n° 3, sont exposées des pièces provenant du Sud Constantinois (S'Baïkia), pierres taillées sur les deux faces qui donnent morpho-logiquement un terme de passage très net entre les formes du paléolithique inférieur (acheuléen) et les for-mes du paléolithique supérieur (solutréen). Cette industrie porte le nom de S'Baïkien (vitrines 10 et 11).

SALLE N° IV
Vitrine n" 1 : Techniques diverses de Fort-Flatters.
n° 2 : Capsien des Ouled Sidi Abid.
n° 3 : Capsien de Chéria.
n°4 : Découvertes diverses de l'Afrique du Nord.
n°5 : Capsien de Saf-Saf (planche 28). n° 6 : Capsien de Bir Zérif El Ouaar.
n" 7 : Néolithique du Tidikelt (Nezia Hadj Ahmed).
n° 8 : Néolithique d'Abd El Hadim.
n° 9 : Capsien de Bir Zarif El Ouaar.
n°10 : Capsien de Chéria.
Capsien de l'Henchir Oued Melloul.
n° 11 Riches séries de moulages provenant du Musée de St-Germain, représentant des pièces classiques de l'Art Aurignacien et Magdalénien d'Europe.
n° 12 Industries diverses du Sahara Occidental.
n°13 : Industries diverses de la région de Beni-Abbès.

Cette salle est réservée aux industries du paléolithique supérieur et aussi en partie au néolithique. L'évolution du paléolithique supérieur dans l'Afrique du Nord présente de grandes différences avec l'évolution de ces industries en Europe.

En effet, nous avons eu en Europe à cette période trois civilisations bien connues : l'aurignacien, le solutréen, le magdalénien. Dans l'Afrique du Nord; le paléolithique supérieur est caractérisé par une indus-trie désignée sous le nom de capsien composé d'un ensemble d'outils de pierre, très légers, harmonieux de forme comprenant de nombreux couteaux, grattoirs, burins, poinçons en os. Cette industrie de la pierre présente beaucoup d'analogies avec l'aurignacien français. Ces techniques sont en particulier bien représentées dans la région de Gafsa et de Tébessa, tandis que sur le littoral, de Casablanca au Cap Bon paraît s'être développée une civilisation littorale peut-être synchronique, connue sous le nom d'ibéro-maurusien.

Les éléments les plus caractéristiques du capsien exposés proviennent de fouilles dans le Sud Constantinois : Chéria (vitrines 3 et 10), Saf-Saf (vitrine n° 5), Bir Zérif el Ouaar (vitrines 6 et 9) Henchir Oued Melloul (vitrine 10).

L'Afrique du Nord n'ayant pas connu les civilisations solutréenne et magdalénienne, pas plus que les for-mes d'art mobilier de l'aurignacien, la vitrine n° 11, renferme à titre de comparaison, des moulages des pièces les plus classiques de ces périodes provenant du Musée de St-Germain.

Trois vitrines sont enfin consacrées au néolithique saharien :

Vitrine
n° 1 Fort Flatters.
n° 7 Néolithique du Tidikelt (Nezia Hadj Ahmed).
n° 8 Néolithique d'Abd El Adhim, Grand Erg occidental.

A cette époque, apparaissent pour la première fois des haches en pierre polie, de formes très pures, de minuscules pointes de flèches, admirablement retouchées sur les deux faces. L'homme connaît aussi la poterie et c'est de cette période que date également la domestication des animaux ainsi que les premiers rudiments de l'agriculture.

SALLE N° V
Vitrine n° 1 : Série de moulages de crânes :
a) pithecantropus erectus (Trinil - Java).
b) homo neanderthalensis (Spy - Belgique).
c) homo neanderthalensis (La Chapelle aux Saints - Corrèze).
d) homo sapiens fossilis (Cro Magnon - Dordogne).
Reproductions de pièces européennes de l'âge de la pierre polie, du bronze et du fer - Moulages du Musée de St-Germain).
Statuettes néolithiques de Tabelbalat (Sahara Oriental).

n° 2 : Tête de bélier, idole de Tamentit (Gourara).
nos 3-4 : Monolithes recouverts d'inscriptions tifinar (Hoggar).

Riches séries de meules dormantes et de broyeurs néolithiques sahariens de provenances diverses.
n°: 5-6 : Statuettes néolithiques sahariennes diverses et pièces de comparaison américaines.

SALLE N° VI
Vitrine n° 1 : Ibero-maurusien de la Mouillah (près de Marnia - Oran).
n°2 Technique tardenoisienne de Negrine - (Planche 29).
: Néolithique du Damous El Ahmar (C.M. de Tébessa).
n°3: Néolithique du Damous El Ahmar (C.M de Tébessa)
n°4 : Néolithique saharien. (Sahara occidental)
n° 5 : Néolithique saharien.
n° 6 : Sahara Occidental.
n° 7 : Monuments mégalithiques de Gastel.
n° 8 Monuments mégalithiques de Castel. Monuments mégalithiques divers.

La vitrine n° 1 renferme des specimens très caractéristiques de l'industrie ibero-maurusienne typique de la Mouillah (province d'Oran). A côté on peut remarquer une série identique de la province d'Alger.

Dans la vitrine n° 2, est exposé un bel ensemble de pièces de technique tardenoisienne relevé dans l'Oasis de Négrine (Sud Constantinois). Cette industrie est absolument identique aux formes les plus pures découvertes en Europe dans les gisements tardenoisiens
classiques.

Il y a lieu de signaler la remarquable industrie néolithique du Damous El Ahmar (C.M. de Tébessa) - (vitrine n° 3). Cette fouille a donné pour la première fois des oeufs d'autruche complets ayant servi de récipients, de grands couteaux en silex blond d'une finesse de taille et de dimension tout à fait exceptionnelle, des haches polies, des molettes et broyeurs enduits d'ocre rouge, galets gravés, gravures sur oeufs d'autruche, parures en oeufs d'autruche, poteries ; etc...

De très nombreux éléments de la civilisation mégalithique sont réunis dans les vitrines 7 et 8. Ce mobilier archéologique comprend quelques bijoux et de nombreuses poteries.

Aucune sépulture préhistorique en pierres sèches pouvant être attribuée à l'âge de la pierre, n'a été découverte en Afrique du Nord. D'autre part dans les divers monuments funéraires mis au jour, aucune arme ou bijou pouvant être attribué à l'âge du cuivre et aux divers stades de l'âge du bronze n'a été trouvé.

Les principaux monuments funéraires qui ont livré le mobilier exposé sont :
a) les tumuli : kerkour ou redjem en arabe, bazina en berbère, simples tas de pierres au-dessus du sol.
b) les chouchets : monuments funéraires de forme cylindrique, leur nom vient de leur ressemblance avec une chéchia.
c) cercles de pierres.
d) dolmens.

Les tumuli et les chouchets sont spécifiquement berbères ; on les rencontre dans toutes les régions colonisées par eux. Gsell signale leur existence dans les Iles Canaries et divers explorateurs en ont retrouvé jus-qu'au Soudan. Il a même été signalé récemment l'existence de chouchets berbères au Bornou et au Tibesti.

Ces formes ont duré dans les diverses régions de l'Afrique du Nord, jusqu'à la conquête musulmane.

L'ère de distribution des dolmens est beaucoup plus restreinte, on n'en connaît aucun dans le Sahara. Le mobilier archéologique le plus archaïque relevé dans les dolmens ne paraît pas antérieur au III° Siècle avant notre ère. Les plus récents ne sont probablement pas postérieurs au IIIe Siècle après J.-C.

Il a été réuni dans les vitrines 7 et 8 une très riche série de pièces archéologiques provenant, en particulier, de la riche nécropole de Castel (Sud Constantinois) (Planche 30). La plupart des poteries exposées sont des poteries indigènes. Cependant on peut constater dans les diverses formes des influences carthaginoises et gréco-romaines.

SALLE N° VII
Derniers documents provenant du Sahara Central, (Hoggar et Tassili des Ajjers).

Art Préhistorique

Les reproductions les plus caractéristiques des oeuvres d'art préhistoriques sont exposées sur les murs des salles 2, 3, 4 et 5. Les statuettes néolithiques sont groupées dans la salle n° 5.

Les salles 2, 3, 4, renferment des reproductions de gravures rupestres des Ksour du Sud Oranais.

Les gravures et peintures des salles 4 et 5 ont été relevées au cours de missions dans la Vallée de l'Oued Djerat en pays touareg Ajjers.

Les oeuvres étudiées dans cette vallée peuvent être divisées, comme dans tout le Sahara d'ailleurs, en deux grandes catégories :

A) les gravures archaïques ou gravures rupestres proprement dites, d'un réalisme parfait, reproduisent au début une faune bien différente de celle actuelle et contemporaine d'un Sahara très humide pouvant être comparé au régime actuel du Tchad et du Zambèze.

B) les gravures libyco-berbères, plus récentes, caractérisées par une grande décadence et par l'apparition de nombreux animaux domestiques et en particulier du chameau.

Les oeuvres les plus anciennes sont caractérisées par une patine très sombre souvent identique à celle de la roche encaissante, le trait large, évidé est générale-ment poli. Beaucoup d'animaux sont reproduits en grandeur naturelle. La faune de ce premier groupe a des affinités nettement tropicales : Hippopotames, Rhinocéros, Eléphants, Girafes, Bubales, Antilopes, Bovidés, Autruches et Echassiers. L'homme de cette période est généralement nu, armé de l'arc et masqué.
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Ces oeuvres archaïques d'un style réaliste remarquable, peuvent être comparées aux plus belles manifestations de l'art préhistorique de l'Europe. A ces lointaines périodes l'homme ne connaissait encore ni l'agriculture, ni la domestication des animaux. Dans l'Afrique du Nord, comme chez tous les primitifs, l'art avait à ces époques une valeur magique profonde. (Planches 31 et 32).

Les oeuvres des premiers pasteurs apportent des éléments nouveaux méditerranéens : animaux domestiques, chevaux, bovidés, chèvres. Au début quelques éléments de la faune ancienne subsistent encore : girafes, autruches. La technique de ces oeuvres est encore remarquable par le fini de l'exécution, l'observation des attitudes et le réalisme. Dans ce groupe, l'homme est généralement armé du javelot et de l'arc. Le costume présente des affinités avec l'Egypte, l'Espagne orientale, et la Crête (Planche 33). Les reproductions de gravures et de peintures représentant des chars attelés de chevaux peuvent être attribuées au premier siècle avant notre ère (Planche 34). Bien plus tard, vers le Ille Siècle, à l'arrivée, en grand nombre, du chameau dans le Sahara, on retrouve avec la reproduction d'une faune identique à celle de nos jours, des personnages armés de la lance et du bouclier rond. Ces oeuvres décadentes, accompagnées dans le Sahara Central de caractères libyques actuellement utilisés par les Touareg, ne présentent plus aucune valeur artistique. On verra dans la salle n° 5 plusieurs reproductions de ces graffiti libyco-berbères,

Statuettes néolithiques

Dans la salle n° 5, est exposée la totalité des statuettes néolithiques appartenant au Musée du Bardo. A plusieurs reprises, des statuettes dénotant un art du polissage de la pierre remarquable ont été découvertes dans le Sahara Algérien. En 1905, le Commandant Touchart relevait dans le Sahara Oriental, à Tabelbalet, entre In-Salah et Ghadamès, six statuettes en pierre polie qui paraissaient entourer un tombeau (planche 35). Leur forme générale est comparable à un pain de sucre surbaissé à base arrondie, dont la hauteur moyenne est de 0,25 à 0,40. La partie supérieure représente une tête humaine, la bouche fait toujours défaut, les yeux sont parfois vaguement représentés. Au moment de leur découverte, ces statuettes anthropomorphes étaient encore l'objet d'un culte de la part des Touareg.

Dans l'oasis de Tamentit, capitale historique du Touat, une statuette néolithique représentant une tête de bélier a été trouvée par M. Martin, officier interprète. Ce document est déposé au Musée du Bardo, salle n° 5. Une autre statuette représentant un bovidé, trouvée à Silet près d'Abalessa a été remise au Musée par le Capitaine Jean. Ces sculptures de bovidés et d'ovins, de la période néolithique sont sans aucun doute en relation avec les cultes zoomorphes déjà signalées dans les gravures et peintures de l'Afrique du Nord.

Ethnographie saharienne

Dans la partie supérieure du Musée une grande salle (H) donnant sur les jardins du Palais d'Eté a été réservée à l'exposition d'objets provenant du Sahara Central et en particulier du Hoggar. Beaucoup de ces objets sont aujourd'hui devenus introuvables. Dans cette salle, l'armement est représenté par des séries de lances, boucliers, et poignards. Tous les éléments du harnachement, selles diverses de mehara, les bijoux, les bracelets en pierre, bois gravé, cuir incisé, les costumes d'hommes et de femmes, les jouets d'enfants y figurent en de très nombreux exemplaires (Planche 36).

Dans cette salle, est exposée la totalité des documents recueillis à Abalessa dans le monument de Tin Hinan. D'après la tradition, c'est dans ce monument qu'aurait été inhumée la première reine du Hoggar. Les documents et les photographies prises au cours des fouilles permettent d'établir que ce tumulus de dimensions exceptionnelles, (26 m. 25 de grand axe, 23 m. 75 de petit axe et 4 m. de hauteur moyenne) est un fort romain qui pourrait être daté du IV° Siècle de notre ère. Une seule salle aurait été utilisée pour servir de lieu d'inhumation à Tin Hinan.

Le mobilier archéologique recueilli dans la première salle était d'une richesse exceptionnelle : sept splendides bracelets d'or, huit bracelets en argent pur, grains et éléments de colliers en or, pierres perforées et polies d'origine carthaginoise qui se retrouvent jusque dans le golfe de Guinée. Une lampe romaine au type de la victoire du III' Siècle, ainsi que des empreintes de monnaies de Constantin ont permis de fixer la date de ce monument célèbre.

Poteries Berbères

Dans la partie supérieure du Musée du Bardo, à gauche du grand patio, une salle (I) a été réservée à l'exposition de poteries berbères (Planches 37 et 38).
Les principaux centres de fabrication représentés sont

ALGER

Adelia
Azzefoun
Beni Douala
Beni Ourlis
Djendel
Dra El Mizan
Fort National
Miliana
Ouadhias
Oumalou
Palestro
Port Gueydon
Tablat
Taourit Amokrane
Ténès.

ORAN

Msirda
Zemmora

CONSTANTINE

Ait Ichen
Arris (Aurès)
Bouzina (Aurès)
Cap Aokas
Djidjelli
Feraïa
Négrine
Oum el Bouaghi.



Les décors de ces poteries rectilinéaires présentent des ressemblances frappantes avec ceux des vases qui se fabriquaient dans la Méditerranée Orientale aux
premiers âges du bronze (3e millénaire) et qui sont surtout connus par des trouvailles faites dans l'île de Chypre.

Dans cette salle, a été rassemblée une série de bois sculptés, de boites à poudre, provenant du Sud Constantinois, ainsi qu'une série d'instruments chirurgicaux encore utilisés par les populations de l'Aurès pour la trépanation ; quelques travaux de sparterie des populations berbères de l'Aurès complètent ces collections

LABORATOIRE
CENTRE DE RECHERCHES

Le réaménagement du Musée du Bardo a rendu possible l'installation d'un petit laboratoire d'Archéologie et d'Anthropologie préhistoriques. Il occupe une salle indépendante du musée mais contigüe aux collections de Préhistoire. Il se complète d'un bureau occupé par le professeur de Préhistoire à l'Université, chargé de mission au Bardo. On a regroupé dans ce bureau la bibliothèque encore très rudimentaire du musée.

Bien qu'équipé rapidement, le laboratoire constitue dès à présent un instrument de travail dont l'absence était particulièrement regrettable.

Sa création a répondu en effet à une triple préoccupation :
- Sur le plan pédagogique, donner aux étudiants le moyen de faire les exercices pratiques indispensables à leur formation technique.
- Dans le domaine de la recherche, assurer la préparation et l'étude des documents provenant des fouilles et entrant dans les collections, en particulier des squelettes d'hommes préhistoriques, généralement ex-humés à l'état fragmentaire et dont les os s'altèrent et se désagrègent rapidement à l'air.
- En exécution du plan de modernisation du Musée, classer les objets à exposer, mettre au point leur présentation avant mise en place dans les vitrines.

En bref, on a voulu tirer les conclusions logiques dé-coulant des décisions prises en 1948 par le Ministre Gouverneur Général de l'Algérie : l'une mettant les collections du Bardo à la disposition de la maîtrise de conférences d'Ethnographie et Archéologie préhistorique de l'Afrique du Nord ; l'autre chargeant M. L. Balout, titulaire de cet enseignement à l'Université, de suivre les recherches préhistoriques effectuées en Algérie.

Bien que n'ayant que quelques mois d'existence, le laboratoire semble avoir pleinement justifié sa création. Une série considérable de documents anthropologiques y a été réunie et soumise à l'examen du Professeur Henri Vallois, Directeur de l'Institut de Paléontologie humaine, en mission auprès de la Direction des Antiquités de l'Algérie. Ces précieuses reliques du passé font maintenant l'objet d'une restauration scientifique propre à garantir leur conservation et à permettre leur étude (Planches 39 à 42).

D'autre part, la publication d'une série de " Travaux d'Anthropologie préhistorique effectués au laboratoire du Bardo " a été entreprise : les deux premiers numéros sont à l'impression ; la préparation technique de plusieurs autres est achevée.

Ainsi étudiants et collaborateurs trouvent enfin au Bardo un organisme moins préoccupé que le Musée proprement dit de la seule conservation des objets anciennement recueillis, et plus orienté vers les investi
gations et les techniques nouvelles. C'est en ce sens que le laboratoire devient un centre de recherches ou-vert à tous. Sur cette table un étudiant classe le produit de fouilles dans la banlieue d'Alger ; cet autre s'initie à la technique de préparation des ossements fossiles. Ici sont entreposés avant dénombrement et étude, les résultats des fouilles d'une mission étrangère, là se poursuit la restauration de crânes humains vieux de milliers d'années.

Appelé à recueillir des documents nombreux pour constituer les séries indispensables aux méthodes de l'Anthropologie, à étendre pour la même raison son activité jusqu'aux temps historiques, à recevoir les spécialistes venant travailler en Afrique du Nord, à centraliser les découvertes des chercheurs français et des missions étrangères autorisés à prospecter en Algérie, le petit laboratoire du Bardo s'avère déjà trop exigu. Aussi son extension et l'enrichissement de soi équipement technique sont-ils à l'étude afin qu'il puis-se continuer à remplir son rôle au rythme même des découvertes.