Les voies ferrées de pénétration sahariennes en Afrique du nord française
2ème partie: les pénétrantes de
Djelfa,Touggourt, et djebel Onk. soit 266 ko
Texte, illustrations: Georges Bouchet
sur site le 5-3-2007

Eléments de bibliographie.
****L'essentiel vient de EXPLOITS ET FANTASMES TRANSSAHARIENS par Dominique et Pascal Bejui aux éditions :La Regordane- Le Villard -BP 3- 48230 Chanac - Octobre 1994
Tome sur L'Afrique du Nord . Le Transsaharien - Editions La Regordane -1992. ..... et le guide Michelin 1956.
****
Lartilleux " Géographie des chemins de fer français" Troisième volume. Afrique du nord; Librairie Chaix Octobre 1949.

vers 1ère partie: Arzew-Colomb-Béchar,
retour
vers 3è partie: les pénétrantes du Djérid, du Maroc oriental et Mauritanienne.

             II/ La pénétrante de Djelfa

La voie Blida-Djelfa est la " cendrillon " des voies de pénétration car elle n'a pas rencontré la fée qui lui aurait permis de pousser ses rails jusqu'au Sahara. Il lui a manqué les 110km qui la séparent de la première oasis : Laghouat. Elle prolonge la voie ferrée normale d'Alger à Blida. Elle est restée bloquée à Djelfa, dans une dépression des monts des Ouled Naïl sans l'ombre d'un palmier, tant il y fait froid l'hiver, à plus de 1100m d'altitude.

                                A/ Les étapes de la construction
Cette ligne n'avait pas été prévue, du moins pas sur ce parcours, par le programme de 1879. Sa construction fut décidée par la loi du 31 juillet 1886, à partir de Blida, et non de Miliana (voir Miliana)comme en 1879. L'itinéraire emprunte les gorges de la Chiffa (voir les gorges)et doit grimper au col de Ben Chicao, à 1164m, pour traverser l'Atlas Tellien qui, à ce niveau, domine abruptement la plaine de la Mitidja. L'écartement choisi fut celui de 1,055m comme pour Colomb-Béchar.(voir voies métriques)

Gorges de la Chiffa
Gorges de la Chiffa
Médéa,(voir ce village) ancienne capitale du beylicat turc du Titteri, puis sous-préfecture française, ne fut atteint en 1891, qu'après 5 ans de travaux " titanesques ". La ligne, en forte rampe de 25mm/m, est une succession de ponts et de tunnels, dont 3 de plus de 600m. Au sud du bassin de Berrouaghia, la ligne descend sans difficulté, la vallée de l'oued el Hakoum, puis remonte celle du haut Chélif. Elle arrive à Boghari, porte de la steppe à alfa, en 1912.
carte blida-djelfa
Ensuite il n'y a plus d'obstacles sur les hautes plaines alfatières. Pourtant la progression fut très lente et la gare de Djelfa ne reçoit son premier train que le premier avril 1921. Il aura fallu 35 ans pour 273km (contre 29 ans pour les 711km de Colomb-Béchar ; et 4 ans pour les 217km de Touggourt ) Ce terminus est alors donné pour provisoire, et on commence même des travaux de terrassement jusqu'au col des caravanes, dans la direction de Laghouat. Mais c'était trop tard, la concurrence des camions fit bientôt arrêter ces travaux qui ne furent jamais repris. Le provisoire a duré au moins 86 ans.

Cette ligne ne possède aucun embranchement.

       NB 1 : Quelle situation entre 1954 et 1962 ? Réponse : l'insécurité.
Le § qui suit aurait pu être ajouté à n'importe quelle étude de ligne car il est valable pour toute l'Algérie du temps des " événements "

Quelques formes d'insécurité ?
- mitraillage de trains en marche ou arrêtés par des obstacles ;
- rails déboulonnés ;
- bombes placées sous les rails, dans les gares ou les wagons ;
- dégradations de la signalisation ;
- destruction des lignes téléphoniques entre les gares ;
- attentats contre les cheminots.
 
Quelles parades ?
- suppression des trains de nuit en janvier 1957 ;
- réouverture des lignes chaque matin avec des attelages de 3 wagons plats poussés par une locomotive ; puis par une draisine non occupée, télécommandée depuis une draisine suiveuse blindée et occupée par un agent et une escorte militaire ;
- blindage des cabines de conduite ;
- départ de trains en groupe et en marche à vue, après rétention préalable ; rarement
- remplacement du téléphone par des liaisons radio ;
- escorte militaire pour les chantiers d'entretien et de relevage après sabotage.

 

Locomotive Garatt déraillée près de Moudjebeur en 1960
Locomotive Garatt déraillée près de Moudjebeur en 1960
Quel bilan pour Blida-Djelfa en 3 ans : 1955,1956,1957 ?
- attentats dans une gare : 4
- attentats dans un train : 30
- sabotage du téléphone :13
- sabotage des voies : 50
- déraillements : 18.
Pour quels résultats ?
- diminution des services, des trafics (surtout de voyageurs)
- augmentation des dépenses d'exploitation ;
- destructions de matériel.

       NB 2 : Quelle situation en 2006 ? Réponses : incertitudes et rêves.
Je tiens pour très probable que la ligne fonctionne encore, au moins pour les trains de marchandises car le service " voyageur " a été suspendu en 1982 à cause de la réforme des autorails Renault qui assuraient ce service depuis 1958, et qui n'ont pas été remplacés. Je doute qu'elle ait été améliorée, sauf peut-être entre Blida et Médéa sur 8 km. L'annonce vers 1978 d'une mise à voie normale jusqu'à Médéa est infirmée par les cartes publiées en 2007 sur le site officiel de la SNTF.

Mais ce même site évoque deux grandioses projets avec appel d'offres internationales.
Le premier consisterait à construire une voie normale entièrement nouvelle entre Bou-Medfa (à mi-chemin entre Blida et Miliana) et Djelfa sur 266km. Cet itinéraire serait proche du projet français du programme de 1879. Ce serait une ligne à grande vitesse : 200 à 220km/h.
Le second, intitulé " Boucle sud " par les technocrates qui rêvent à Alger, prolongerait la ligne de Djelfa à Ghardaïa, puis rajouterait une ligne ouest-est jusqu'à Ouargla où elle rejoindrait une autre nouvelle ligne venue de Touggourt. Je n'y crois guère : si je me trompe, tant mieux ;les dromadaires du M'Zab découvriraient le plaisir de regarder passer des trains.


                                B/ Description de la ligne à partir de Boghari.

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Profil Blida-Djefa
Profil Blida-Djefa
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Boghari-Djelfa
Boghari-Djelfa

Au sud de Boghari, la ligne remonte sans peine la haute vallée du Chélif jusqu'au barrage de Boughzoul. Elle se faufile aisément entre les chaînons qui parsèment les hautes plaines. Elle laisse sur sa gauche le second réacteur nucléaire algérien, celui d'Aïn-Oussera (ex Paul Cazelles) ; réacteur Es Salam de 15 ou 40 MW ? construit en 1993 avec l'aide de la Chine. Elle parcourt alors l'aire de l'alfa et du mouton réunis. Elle doit remonter à 970m pour franchir le long chaînon des Sebaa Rous, avant de redescendre et de passer entre les deux zahrez (nom local des chotts) zahrez gharbi à l'ouest et chergui à l'est. Ces zahrez sont des étendues d'eaux saumâtres, à sec l'été. Des alignements dunaires apparaissent après la gare d'Hassi-Babah. Puis en regardant vers la droite on aperçoit les collines d'un blanc sale du Rocher de Sel : un pli diapir protégé de l'érosion pluviale par la rareté des pluies. (Un pli diapir est un dôme de roches peu denses qui remontent en traversant des couches de roches plus denses). Ensuite la ligne aborde les Monts Ouled Naîl qu'elle franchit facilement en suivant la vallée de l'oued Mellah (ou rivière salée) au prix d'un parcours un peu plus sinueux et de 2 ou 3 ponts sur l'oued.

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Une touffe d'alfa à Guelt el Stel
Une touffe d'alfa à Guelt el Stel
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Le rocher de sel au sud d'hassi Babah
Le rocher de sel au sud d'hassi Babah

Djelfa est au pied du djebel Senalba, couvert d'une forêt claire, et en hiver d'un peu de neige. Les Français y avaient établi un poste miltaire en 1852, au retour de la prise de Laghouat ( voir Laghouat) par le Général Yusuf, et créé un village de colonisation de 55 feux, sur 1775ha, en février 1861. Cette zone qui reçoit, en année moyenne 300mm de pluie, est à la limite de la céréaliculture. Les colons qui ont tenu, ont dû adopter la technique du dry farming ( labour tous les ans ; semailles un an sur deux). Ils ont pu aussi s'adonner à l'élévage du mouton.

Le Djelfa des Français fut aussi un centre administratif des " territoires du sud " géré par des officiers, et non par des civils, contrairement aux départements du nord, dans une zone de tradition pastorale et nomade ou semi nomade. Les cultures eurent des rendements faibles et très irréguliers, peu susceptibles de fournir de gros trafics à la voie ferrée.


                                C/ L'exploitation : trafics et rôles.
L'exploitation de cette ligne fut difficile pour deux raisons : le caractère quasi alpin du parcours jusqu'à Médéa, et la rupture de charge à Blida. En effet de Blida à Alger la voie ferrée est à écartement normal de 1,435mm, sur 51km.

En montagne la charge des trains est restée limitée à 150 tonnes jusqu'en 1931. A cette date on affecta à la ligne la première locomotive Garatt " double mountain " débarquée en Algérie. Le tonnage maximum théorique fut alors de 500 tonnes et le tonnage commercial utile de 300 tonnes.

Quant à la rupture de charge de Blida, il n'y avait aucun moyen d'éviter ses inconvénients, sauf à utiliser des camions qui feraient du " porte à porte ", et à délaisser le chemin de fer. Les transbordements d'une voie à l'autre en gare de Blida, étaient forcément lents et coûteux.

Les trafics principaux concernaient l'alfa sur les steppes, et les moutons sur pied à Djelfa où se tenait un grand marché. Les trafics secondaires étaient les céréales du bassin de Djelfa et les vins du Titteri. En 1930, alors que la concurrence des camions n'avait pas encore détourné trop de trafics, le tonnage total transporté fut de 178 500 tonnes ; soit 489 tonnes, ou deux trains par jour. Cette ligne n'a pas pu profiter du boom dû aux recherches et à l'exploitation des hydrocarbures, dans les années 1950, ne serait-ce qu'à cause de la rupture de charge et à l'encombrement excessif de certains équipements. Les wagons du train étaient bien petits, les courbes de la voie trop serrées et les tunnels trop bas.

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Les wagons de voyageurs, comme sur cette photo de septembre 1959,

Les wagons de voyageurs, comme sur cette photo de septembre 1959, étaient accrochés à des trains mixtes, ou remplacés par des autorails. Une correspondance par autobus pour Reibell (Chellala) existait à Boughzoul.

Pour conclure, on peut affirmer que la pénétrante algéroise fut tardive et inachevée, faute d'un enjeu décisif : il n'y avait pas de frontière à sécuriser ou à surveiller ( comme pour Colomb-Béchar) et pas de gros trafic envisagé (comme les dattes à Touggourt ou les phosphates au Djebel Onk).


             III/ La Pénétrante de Touggourt
La voie Biskra-Touggourt est celle qui s'enfonce le plus avant dans le vrai désert. Il faut savoir qu'à cause de l'altitude très basse ce cette région de l'oued Righ (ou Rhir ), parfois au dessous du niveau de la mer, la limite nord du Sahara remonte très loin vers le nord. La pénétrante de Touggourt, à voie étroite à l'origine, prolonge vers le désert et ses palmeraies, la voie normale qui part du port de Philippeville (Skikda) et arrive à Biskra par Constantine.
Touggourt est à 217km de Biskra et à 543km de Philippeville, le port le plus proche.

Cette ligne du Constantinois a eu deux vies bien différentes :
- de 1914 à1958 c'est une voie étroite de 1m qui transporte des dattes et des touristes ;
- de janvier 1958 au 8 mai 1960 c'est une ligne de transport du pétrole. Après cette date elle
continue à travailler pour les pétroliers, mais pas en transportant le pétrole désormais
acheminé par oléoduc.


                                A/ Les étapes de la construction.
· La voie étroite de 1m (et non de 1,055) fut construite entre 1910 et 1914.
L'initiative de sa construction en revient à l'administration et au budget de l'un des territoires du sud, celui des oasis, chef-lieu Ouargla. La motivation principale était le transport des dattes de cette sorte de " rue de palmeraies " que constitue la gouttière de l'oued Righ ; la motivation secondaire était de consolider la pacification de tout le chapelet d'oasis, étirées sur 150km.

Ce que les géographes appellent oued Righ n'est pas un oued car il n'y a plus d'écoulement superficiel, mais une vallée à peine perceptible qui suit le cours d'un ancien fleuve quaternaire. Il y a bien un écoulement, mais souterrain ; c'est un inféro-flux qui alimente les puits, parfois artésiens, surtout depuis les premiers forages français en 1856.

La voie est donc établie dans ce qui paraît une immense plaine avec ici des palmiers, et là les eaux saumâtre des chotts. Il ne fallut cependant que 4 ans pour poser les 217km de voie et construire les gares. Les chantiers étaient dirigés par des officiers du Génie ; les ouvriers étaient fournis par les habitants de la région, et par des détenus militaires. La voie est inaugurée le premier juin 1914.

· La voie normale de 1,435mm fut construite entre mars et décembre 1957.
La mise à l'écartement standard fut imposée par l'énorme augmentation de trafic dû aux recherches, puis à l'exploitation pétrolière du gisement d'Hassi-Messaoud situé 172km plus au sud. Elle est décidée le 8 mars 1957 et achevée le 31 décembre de la même année. Pour alléger les coûts et les délais, on a réutilisé les rails en place, en modifiant l'écartement et en changeant les traverses. On n'utilisa que 65km de rails neufs, pour les équipements des gares et pour quelques améliorations de tracé. On peut considérer comme un exploit cette rapidité. Il n'y eut pas d'interruption estivale.

· L'embranchement des Ziban est réalisé en 1915/1916

Ces 35km de voie de 1m ont été ouverts au trafic le premier octobre 1916. La ligne part de la gare d'Oumach et aboutit à Tolga qui est une oasis de piémont où les eaux courantes parurent si nombreuses à Fromentin qu'il surnomma " Normandie saharienne " cette région du Zab Dahraou, zab étant le singulier de ziban. C'est une ligne de plaine qui dessert 4 gares et autant de petites oasis. Le transport des dattes était sa principale raison d'être. Elle tint pourtant assez longtemps face aux camions, et ne fut déclassée qu'en 1953.

· L'embranchement du Souf, jusqu'à El Oued est posé en 1946 en moins d'un an.
Cette ligne est doublement anachronique ; d'une part elle est créée alors qu'ailleurs on avait déjà fermé beaucoup de voies étroites d'intérêt local, d'autre part elle a l'écartement de 0,60m qui avait été utilisé pour les voies militaires lors des opérations au nord du Maroc avant 1914. Cette antenne de 145km a été construite avec des rails et du matériel justement récupérés au Maroc. La plate forme avait cependant été prévue pour pouvoir y installer plus tard une voie de 1m ; ce qui fut fait en 1950. La ligne fut déclassée en 1955 ou 1956. Elle ne pouvait pas rester étroite quand, en 1957, on a mis la voie Biskra-Touggourt à écartement normal.

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le tramway d'Ouargla
le tramway d'Ouargla.

NB 1 : une curiosité : le tramway d'Ouargla.
Cette ligne de tramway avait un peu plus d'un kilomètre. Elle joignait la Cité administrative de ce chef-lieu des oasis, à la palmeraie la plus importante du Sahara français, avec un million de palmiers.Les wagonnets à plate forme ouverte étaient tirés par des chevaux.

NB 2 : Quelle situation en 2006 ?
Les embranchements des Ziban et du Souf n'existent plus.
Le tramway à chevaux d'Ouargla n'existe plus.
La ligne Biskra-Touggourt existe et est encore très active.
Il est toujours question de la prolonger jusqu'à Ouargla à 164km avec embranchement pour Hassi-Messaoud.

                                B/Description de la ligne
Son profil rend toute description superflue. C'est une ligne de plaine avec de longs parcours rectilignes. Il n'y a pas d'obstacle naturel. Un seul ouvrage a été nécessaire, un pont métallique sur l'oued Djedi près de la gare de bifurcation d'Oumach. La voie descend de Biskra jusqu'à 26 mètres sous le niveau de la mer près d'Ourir, puis remonte jusqu'à Touggourt, par des rampes de 15mm/m. Pour traverser l'extrémité du chott Merouane, excroissance du chott Melrhir, il a suffi de poser les rails sur un remblai légèrement surélevé afin de le mettre à l'abri d'une montée hivernale des eaux du chott. De son wagon le voyageur voit d'abord une vaste plaine uniforme, puis les étendues d'eaux saumâtres des chotts en saison des pluies (rares) et enfin des palmiers dattiers dans la seconde moitié du parcours.

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Profil Philippeville-Touggourt

Profil Philippeville-Touggourt

                                C/L'expoiltation: trafics et rôles.
Le rôle stratégique ne fut pas absent au début, mais il resta second derrière le souci de débloquer les palmeraies et de permettre l'envoi des dattes dans toute l'Algérie, et même en Europe.

Non, inutile de cliquer sur l'image pour l'agrandir

dattes
Des dattes...

Le premier trafic important fut donc celui des dattes de qualité suffisante pour être commercialisées hors de la région de production. Il y a d'innombrables variétés de dattes. La seule exportable est la datte muscade, ou Deglet Nour (doigt de lumière).

Le palmier dattier (Phoenix dactylfera) est spontané quand il y a de l'eau près du sol. Mais les palmiers exploités sont plantés (un mâle pour 50 femelles), irrigués et fécondés (en mars /avril). Les régimes de Deglet Nour doivent être cueillis délicatement par des ouvriers ignorant le vertige. Il se trouve que ce type de qualité supérieure est abondant dans l'oued Righ, le Souf et le Djerid tunisien proche.

Au rôle de transporteur de dattes s'est vite ajouté un rôle touristique. Les premiers wagons ayant été repeints en blanc pour améliorer l'isolation thermique, ce train de touristes fut nommé le " train blanc ". Ce train était confortable mais lent : 61/2h pour 217km. Avec ses 35km de moyenne, il fut bientôt concurrencé par les autocars de l'entreprise Deviq. Le train blanc fut remplacé en 1939 par des rames automotrices De Dietrich deux fois plus rapides. Il y eut aussi des touristes vers le Souf, " pays au mille coupoles " car les maisons n'ont pas de terrasses mais des toits en demi cylindre.

Les rôles pétroliers apparurent tardivement mais furent décisifs pour la mise à voie normale et pour l'essor spectaculaire des tonnages acheminés. Lorsque le gisement d'Hassi-Messaoud fut mis en exploitation à partir de 1956, il fallut d'abord transporter les 4000 tonnes de tubes nécessaires à la pose d'urgence d'un oléoduc Hassi-Messaoud-Touggourt. Ce fut fait dès 1957, en plein été. Dans l'autre sens, les trains du pétrole remontèrent vers le port de Philippeville (Skikda) de mars 1958 jusqu'au 8 mai 1960. Ensuite c'est l'oléoduc direct Hassi-Messaoud-Bougie (Béjaïa) qui prit avantageusement le relais. Le trafic de la gare de Touggourt fut multiplié par 18, puis par 30 ! Il y avait trois longs convois journaliers. Mais ce trafic lucratif ne dura que 2 ans et 2 mois. Dans le sens nord-sud les trains continuèrent à transporter sulfate de baryte, matériel de forage, éléments de logements préfabriqués et ravitaillements divers.

Grâce aux dattes, aux touristes et au pétrole, cette voie fut d'un bout à l'autre de son histoire une des rares lignes bénéficiaires du réseau algérien ; compte non tenu des dépenses de protection contre les attentats entre 1955 et 1962.

Le train de Tolga vers 1935
Le train de Tolga vers 1935
Une rame automotrice De Dietrich près de Touggourt

Une rame automotrice De Dietrich près de Touggourt

             IV/ La pénétrante du djebel Onk

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La pénétrante du djebel Onk
La pénétrante du djebel Onk

Cette ligne prolonge la voie ferrée la plus chargée d'Algérie, c'est-à-dire la voie des minerais de fer de l'Ouenza et du vieux gisement de phosphate du Kouif, qui relie le port de Bône à Tébessa depuis 1888 par une voie de 1m mise à l'écartement normal en 1946.

Elle était envisagée dès 1912 pour mettre en production le gros gisement de phosphate du djebel Onk qui est l'un des chaînons les plus méridionaux et les plus orientaux des monts des Nementchas. Mais le gisement du Kouif plus proche, ainsi que la richesse des gisements de notre protectorat tunisien, ont rendu ce lourd investissement inutile. Il redevient d'actualité avec l'indépendance de la Tunisie en 1956.

La construction est entamée en 1960 et est terminée en 1966, après l'indépendance de l'Algérie. Le profil de la ligne ne connaît qu'une vraie difficulté : le col de Tenoukla, qui à 1100m domine la plaine de Tébessa. Il est franchi au prix de quelques courbes et contre courbes un peu resserrées. Cette difficulté se présente au tout début de la voie ; elle a retardé des travaux déjà rendus difficiles par les problèmes de sécurisation du chantier si près de la frontière tunisienne et de la ligne Morice qui empêchait, du moins à partir de 1959, le franchissement de la frontière par les rebelles de l'ALN stationnés en Tunisie.

Une fois cette difficulté surmontée, la ligne n'a plus qu'à descendre vers le sud à travers de larges plaines steppiques et par les couloirs séparant les chaînons des Nementchas. La dernière agglomération desservie est Bir el Ater, bled à la fois perdu et illustre grâce aux paléontologues qui ont donné son nom à un étage du paléolithique moyen : l'Atérien.

Après Bir el Ater la voie oblique vers l'ouest pour contourner le djebel Onk et l'aborder par le versant sud où se trouve l'exploitation minière.

La voie a 95km de long. C'est une voie normale. Les trains de minerais sont tirés par des locomotives Diesel. La production, et donc le tonnage transporté par train, varient beaucoup en fonction des cours et de la concurrence mondiale. Le trafic a dû approcher le million de tonnes, mais a beaucoup baissé depuis une quinzaine d'années avec la mise en production, par le Maroc, du gisement de l'ancien Sahara espagnol, à Bou Kraa, à partir de 1982.


De temps à autre il est question d'électrifier cette ligne tout comme l'avait été la ligne de Tébessa à Bône en 1951. Les trains se dirigent vers le port de Bône ( Annaba) à 330km du djebel Onk.

Sur cette voie ne circulent que des trains de phosphate. Il n'y a pas de trains de voyageurs.

Biskra-Touggourt
Biskra-Touggourt
Bône-Djebel Onk
Bône-Djebel Onk
Onk-Tébessa
Onk-Tébessa